Revue des revues n° 6

mercredi 8 avril 2015, par Jacques Cossart *

Il est vraiment temps de faire baisser la température !

La Banque mondiale a publié le 3 novembre 2014 le troisième volume Turn Down the Heat : Confronting the New Climate Normal de la série Turn down the heat, venant après le premier publié en 2012, exigeant dans son sous-titre d’éviter absolument une élévation de la température de 4°C et le second, l’année suivante, enjoignant des mesures urgentes d’adaptation aux dégradations déjà existantes.

La Banque a fait appel, pour ce faire, aux équipes du Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), réputées pour leur travaux en relation avec le climat et ses conséquences multisectorielles dans les décennies à venir ; le PIK est très impliqué dans les travaux du GIEC dont on peut lire une présentation du dernier rapport dans Le climat, roche Tarpéienne pour l’humanité ?.

L’institution de Washington, rappelant que sa mission consiste à combattre la pauvreté dans le monde, justifie ces 800 pages en rappelant que « des changements climatiques dramatiques et des phénomènes météorologiques extrêmes affectent déjà des millions de personnes à travers le monde, endommageant les cultures et les côtes et menaçant la sécurité hydrique ». Placer l’analyse de la réalité et la recherche de solutions pour y faire face constituerait donc sa plus ardente obligation.

Dans le rapport 2014, les experts du PIK affirment que les changements sont là et, les décrivant, recherchent comment y faire face. Observant un réchauffement moyen de 0,8°C par rapport à l’ère préindustrielle, ils formulent quatre constats généraux :

  • vagues de chaleur extrême provoquées, avec une probabilité de 80 %, par le changement climatique ;
  • augmentation des précipitations extrêmes ;
  • aridification accentuée des zones déjà soumises à la sécheresse ;
  • activité cyclonique accrue.

À partir d’études régionales, les experts prévoient huit effets, d’ores et déjà générés :

  • Modification des précipitations entraînant des conséquences néfastes sur la disponibilité des ressources en eau. D’un côté, à 4°C d’augmentation, les précipitations baisseraient de 20 % à 50 % en Amérique centrale, Caraïbes, Balkans, Moyen-Orient et Afrique du Nord ; à l’opposé, les risques d’inondations augmenteraient de 30 % en Sibérie et Amérique du Sud.
  • Vagues de chaleur exceptionnelles et sans précédent. Ces phénomènes sont, d’une part, plus fréquents et, d’autre part, s’étendent à de plus vastes régions. Si l’humanité parvient à limiter l’augmentation des températures à 2°C, il est probable que les épisodes de chaleur très élevée ne s’installeraient pas, alors qu’atteignant 4°C, ils risquent de toucher de 70 % à 80 % des terres émergées de l’Amérique latine et des Caraïbes, de la zone du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, et aussi 55 % de certaines zones européennes et d’Asie centrale.
  • Dégradation des rendements agricoles, sécurité alimentaire : le réchauffement actuellement constaté est chiffré à 0,8°C, très sensiblement en dessous des 2°C et 4°C étudiés dans ce rapport. Or, à ce niveau de réchauffement, de fortes suspicions existent déjà quant à la diminution des rendements qu’il aurait entraînée.
  • Modification des écosystèmes terrestres qui provoqueront la diminution des herbacées, affectant ainsi gravement l’élevage et, partant, la subsistance des populations concernées.
  • Modification des écosystèmes marins : l’acidité des océans a crû de 30 % depuis le début de l’ère industrielle et il est à craindre qu’elle aura augmenté de 150 % d’ici la fin du XXIe siècle. Il devrait s’ensuivre une réduction de l’oxygène disponible affectant lourdement la faune et la flore marines.
  • Élévation du niveau des océans : elle a été plus rapide que celle estimée par les prévisions antérieures. Si l’élévation moyenne de la température est maintenue à un maximum de 2°C, l’élévation pourrait être de 50 cm d’ici 2030 et 70 cm d’ici la fin de ce siècle.
  • Glaciers : dans les conditions actuelles du réchauffement climatique, on observe une diminution importante du volume des glaciers qui provoquera des inondations et une réduction considérable des ressources d’eau douce, notamment au détriment des récoltes.
  • Vulnérabilité sociale : elle n’est évidemment pas seulement le résultat de la détérioration du climat, cependant on observe déjà des conséquences négatives à l’encontre des populations vulnérables ; elle ne peuvent que s’amplifier dans les zones les plus pauvres où les infrastructures sont insuffisantes.

On observe sur les cartes ci-dessous, qui reproduisent la figure 2 de la page XXIII du rapport, la présentation de la concentration des gaz à effet de serre dans l’hypothèse d’un maintien de l’élévation de température sous 2°C (à gauche), et celle correspondant à une élévation atteignant 4°C (à droite). Ces températures exceptionnelles sont réputées n’intervenir qu’une seule fois sur plusieurs siècles. Ces cartes présentent la situation pour la période 2071-2099, avec 1951-1980 pour période de référence. DJF signifie décembre, janvier février. Ce sont les scénarios RCP (representative concentration pathway) établis par le GIEC qui sont utilisés.

On sait combien l’avenir de l’Afrique est souvent annoncé, grâce à cette croissance merveilleuse, comme radieux. Ainsi, le Fonds monétaire international se montrait très confiant dans un document publié en avril 2014 et intitulé Afrique subsaharienne Pour une croissance durable et plus solidaire. Il introduisait son étude de la manière suivante : « La croissance économique de l’Afrique subsaharienne devrait s’accélérer et passer de 4,9 % en 2013 à environ 5,5 % cette année, grâce à l’amélioration des perspectives dans un grand nombre de pays de la région ». Pourtant, le rapport 2013 de la série présentée ici, consacré pour partie à l’Afrique, se montre beaucoup plus préoccupé pour l’avenir de ce continent. On y lit notamment que la production alimentaire y est menacée, que la disponibilité en eau est compromise, en même temps que l’augmentation de la sécheresse entraînera de graves conséquences pour l’approvisionnement alimentaire, qui perdurera et affectera la santé des populations. Les auteurs notent que la situation à venir ne peut que compromettre l’éducation des enfants ; comment pourrait-il en aller autrement ? Les dangers pesant sur l’avenir africain apparaissent clairement sur les cartes ci-dessous, qui reproduisent la figure 3.1 de la page 21 du dernier rapport cité. Les « réserves de croissance mondiale », pour autant que la croissance soit, en soi, source de progrès assurés, sont-elles aussi durables qu’on nous l’assure ?

Ces cartes représentent les effets du changement climatique sur l’indice d’aridité du sol subsaharien. La carte de gauche figure ce qui est attendu avec une élévation de température maintenue à un maximum de 2°C, et celle de droite pour une élévation de 4 °C. Les périodes de référence sont les mêmes que celles qui sont retenues pour la figure 2. Dans la plus grande partie des zones cartographiées, quatre des cinq modèles utilisés sont concordants. Un changement négatif correspond à une aggravation de l’aridité ; cependant, une baisse de celle-ci ne signifie pas automatiquement une amélioration des rendements, en raison de l’augmentation des risques d’inondation.

En guise d’avertissement qui pourrait servir de conclusion à ces quelques lignes, citons un article de Stéphane Foucart publié dans Le Monde du 2 décembre 2014. À propos de l’accord intervenu entre la Chine et les États-Unis sur la réduction, à terme, de leurs émissions de CO2, le journaliste scientifique titrait « Climat : tambours et pipeau ». Il y relate, en particulier, les conclusions de Chris Hope, spécialiste de modélisation des interactions entre politique énergétique et climat à l’université de Cambridge (Royaume-Uni), qui, utilisant le modèle PAGE, mesure la probabilité de demeurer en dessous des fameux 2°C. Dans l’hypothèse du respect des seuls engagements sino-états-uniens et européens d’ici 2030, la probabilité, selon lui, de parvenir à cet eldorado est de quelque 1 %. Si c’est l’ensemble du monde qui suit cette trajectoire, la probabilité s’élève à… 1,1 %.

On peut toujours espérer que le modèle de Hope soit mal paramétré !

Qu’espérer de l’avenir ?

Ces deux ou trois dernières années ont vu se multiplier les études relatives à la réalité du monde et aux causes de ces constats ; de plus en plus souvent, elles proviennent d’institutions, telles la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international, pourtant peu enclines à mettre en cause la justesse des politiques très majoritairement suivies. On est moins habitué à lire pareille analyse dans les cénacles de dirigeants d’entreprises et responsables politiques.

Le Forum économique mondial organise chaque année, depuis plus de quatre décennies, la célèbre rencontre de Davos en Suisse. Dans Outlook on the Global Agenda 2015, le Forum dresse ce qu’il dénomme les dix tendances principales pour 2015 ; étonnant de clairvoyance, qu’on en juge !

Il s’agit, selon les rédacteurs, de constats qui, d’une part, leur paraissent incontestables, d’autre part, qui mettent gravement l’avenir en danger.

Approfondissement des inégalités

L’auteure rassemble plusieurs des statistiques publiées par ailleurs, on pourra lire entre autres, Les inégalités. Elle inclut, notamment, le graphique reproduit ici, qui résulte des travaux auxquels ont participé Thomas Piketty et Emmanuel Saez. Elle examine, région par région ce qu’elle appelle les « solutions à l’inégalité des revenus » ; elle mentionne particulièrement l’amélioration de l’éducation et la réforme des politiques fiscales ; celles-ci ne sont pas détaillées, mais on imagine aisément qu’elles n’ont que peu à voir avec celles qui sourdent au sein de l’Union européenne, particulièrement en France.

Croissance persistante du chômage

On ne sera guère surpris de lire que, parmi les remèdes préconisés, on retrouve l’éducation. On remarquera aussi, dans le tableau reproduit ci-dessous, les pourcentages stupéfiants indiquant combien la crainte du chômage est élevée, partout dans le monde. Elle atteint 88 % en Afrique subsaharienne, mais, plus effrayant encore, sur ce continent, tout comme en Amérique latine et en Asie, personne ne se sent à l’abri !

Enquête relative à la crainte ressentie devant le risque de non-embauche

Manque de leadership

Il ressort de l’enquête menée au niveau mondial que 86 % des sondés déclarent manquer de boussole, appelé manque de leadership.

Montée de la compétition

On remarquera que, sous le timbre de Davos, la compétition entre les pays est présentée comme dangereuse pour l’avenir du monde. Bel hommage du vice à la vertu !

Faiblesse de la démocratie représentative

On notera en particulier la défiance citoyenne à l’égard de l’Union européenne : 85 % en Grèce, 77 % en Italie ou 69 % en France.

Augmentation de la pollution dans les pays en développement

Cette partie est rédigée par un expert chinois du climat. La figure qui tente de chiffrer l’importance de la pollution met en évidence combien le Sud se trouve confronté à cette évolution avec, selon, cet auteur, une pointe en Amérique du Sud. On observera aussi l’évolution supposée, sur la période 2010-2050, de la pollution atmosphérique par les particules fines en suspension dans dix régions ; partout, y compris en Chine, la mesure est censée diminuer, excepté en Inde, Indonésie et Afrique du Sud. La valeur retenue, dite PM10, signifie qu’il s’agit de toutes les particules inférieures à 10 micromètres [1].

Survenance accrue d’épisodes climatiques sévères

L’auteur établit le graphique qui est reproduit ci-dessous. Il ressortirait que le nombre d’événements ait été en progression constante au cours des deux premières décennies étudiée et qu’il ait quelque peu diminué durant la dernière, tout en restant très sensiblement supérieur à celui du début de période. L’évaluation annuelle des dommages augmente par à-coups, pour atteindre plus de 300 milliards de dollars en 2012. On pourra lire à propos du sujet abordé dans ce paragraphe et le précédent ainsi que celui traitant du stress hydrique, Le climat, roche Tarpéienne pour l’humanité ?

Événements climatiques sévères (1980-2013)

Échelle de gauche : nombre – Échelle de droite : montant des dommages en milliards $

Intensification du nationalisme

L’ancien Premier ministre britannique, Gordon Brown, présente un graphique sur lequel est indiquée l’évolution des pourcentages de vote obtenus par les partis dénommés nationalistes dans sept pays européens, dont la France mais sans le Royaume-Uni.

Accroissement du stress hydrique

L’article est dû à Gary White qui a participé à la fondation de Water.org, une ONG états-unienne visant à promouvoir l’approvisionnement en eau potable et la réalisation d’installations sanitaires dans les pays en développement. Il fournit un tableau, reproduit ici, qui présente l’évolution de la situation sur la période 2005-2030. Pour ce faire, il répartit la population en quatre catégories : celle qui vit avec au moins 4 000 m3 par an et par personne, la suivante disposant de 1700 m3 à 4 000 m3, la troisième située entre 1000 et 1700 m3 et la dernière en dessous de 1000 m3. On y voit que 56 % des 6,5 milliards d’être humains dénombrés en 2005 étaient en situation de stress hydrique ou de très grande précarité, et la prévision pour 2030 est de 64 % des 8,2 milliards estimés d’ici 25 ans. Effrayant mais guère étonnant !

Importance croissante de la santé dans l’économie

L’auteur montre sur un graphique les dépenses de santé en pourcentage du PIB pour 21 pays parmi ceux de l’OCDE. Les chiffres sont ceux de 2007 et des prévisions pour 2040. Elles sont autour de 10 % pour beaucoup de ces pays, excepté pour les États-Unis qui sont à plus de 15 % ; en 2040, elles pourraient aller jusqu’à plus de 25 %. Pourtant, selon le PNUD, même si cet indicateur ne dit pas tout, l’espérance de vie à la naissance était en 2013, inférieur de trois ans ou plus par rapport aux pays de même niveau. On verra une carte du monde indiquant pour 2009-2013 les dépenses de santé ; on observera combien la faiblesse des dépenses de santé va de pair avec la pauvreté. On pourra lire La maladie, un poids pour l’humanité ?

Protection sociale

L’Organisation internationale du travail (OIT) a publié, en anglais, le 17 novembre 2014, un rapport portant sur les tendances 2010-2015 de la protection sociale.

En 2015, 120 pays, dont 86 sont des pays en voie de développement, devraient réduire leurs dépenses publiques ; ce nombre serait porté à 131 en 2016.

En revanche, les rédacteurs soulignent que la plupart des pays à revenus intermédiaires [2], ont très sensiblement étendu leur protection sociale, avec comme résultat une réduction de la pauvreté et des inégalités. Lire, Développer l’emploi. Cette protection – y compris dans plusieurs pays à très bas revenu – passe en particulier par des allocations familiales, des retraites, des indemnités de chômage ou en faveur des personnes âgées. Même si les niveaux de développement ne sont pas les mêmes, a fortiori pourrait-on dire, il est stupéfiant de constater que, durant la même période, c’est l’inverse qui est observé, en particulier en Europe ! D’ailleurs, les rapporteurs soulignent que les coupes budgétaires opérées au sein de l’Union européenne ont conduit celle-ci à devoir recenser 123 millions de personnes contraintes de vivre dans la pauvreté et l’exclusion sociale, soit 24 % de sa population.

« Dans de nombreux pays, les réponses politiques à la crise mondiale ont été décidées derrière des portes closes, comme autant de solutions technocratiques avec des concertations limitées, voire inexistantes. Ce qui a souvent conduit à une incompréhension dans l’opinion publique, des troubles et des répercussions socio-économiques négatives. » On peut ajouter à la remarque d’Isabel Ortiz, directrice de la protection sociale à l’OIT, que, derrière ces portes, il y avait le capitalisme transnational.

Alimentation et nutrition

L’alimentation et sa qualité nutritive font partie des éléments déterminants pour l’avenir de l’humanité. Lire Sécurité alimentaire mondiale. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, nous renseigne, et nous alerte, très régulièrement, sur la situation mondiale en la matière. Comme on l’imagine, malheureusement, la situation dans de nombreux pays du Sud est très préoccupante ; lire à ce sujet « Insécurité alimentaire des progrès ? »

Rapport FAO

L’organisation de Rome a publié en anglais son édition 2014 de Food and Nutrition in Numbers. Il s’agit d’un document de 250 pages, comportant tout ce qu’il peut être utile de savoir dans ce domaine, présenté sous forme de graphiques, cartes, tableaux, etc. En enregistrant le document au format PDF, on obtient, en première page, une table des matières comportant 24 entrées, à partir desquelles on accède directement au chapitre correspondant.

Au chapitre population, le graphique 7 montre l’évolution 2000-2012 de l’espérance de vie à la naissance dans les 20 pays les plus déshérités en la matière. Si tous, à l’exception du Lesotho, ont vu cet indicateur s’améliorer quelque peu, ils ne parviennent encore en 2012 qu’à une espérance qui se situe entre 45 et 55 ans !

Le chapitre « commerce » donne dans le tableau 1 une saisissante image de la réalité du libre-échange, réputé gage de progrès universel : en 2011, l’Afrique a dû importer 51 milliards de dollars de nourriture, alors qu’elle n’en exportait que 23 milliards de dollars ; pour l’Asie, les chiffres respectifs sont 203 et 142.

Comme une sorte d’illustration tragique, le tableau 2 du chapitre sous-nutrition (undernourishment) indique, pour la période 2012-2014, un taux de la population sous-nutrie de 20,5 % en Afrique et 12,7 % en Asie. Les carences sont précisées dans les graphiques 19 et 20 du chapitre « malnutrition » (undernutrition).

Cette malnutrition est illustrée, si on ose écrire, par le chapitre « obésité ». Dans ce monde où plusieurs centaines de millions d’êtres humains souffrent et meurent de la faim, on note que, en Albanie, en Libye, ou en Égypte, par exemple, plus de 20 % des enfants de moins de 5 ans souffrent d’obésité.

L’apport en calories est un indicateur qui demande à être manié avec précaution, en faisant notamment attention au sexe de la personne étudiée et à son âge ; néanmoins, on ne peut qu’être impressionné par le tableau 6, qui mesure l’apport calorique moyen journalier dans 47 pays. Si on retient une valeur nécessaire moyenne de 2 800 kilocalories par jour et par personnes, seuls 3 pays se situent au dessus de ce niveau, tandis que les Kényans ne disposent pas même, en moyenne par jour, de 1 800 kilocalories.

On sait que l’eau constitue un enjeu considérable, et périlleux, pour les décennies à venir. Si on a présent à l’esprit que la consommation, en France, d’eau douce destinée à l’agriculture serait de l’ordre de 40 % de la consommation globale, on ne peut qu’être préoccupé par le graphique 72. La FAO a recensé les vingt pays les plus consommateurs pour les besoins de l’agriculture : tous y consacrent plus de 90 % de leur consommation totale.

La FAO montre, avec ses graphiques 78, 79, 80 et 81, la situation de l’agriculture biologique durant la dernière décennie. Les surfaces en agriculture biologique étaient de quelque 23 millions hectares en 2004 et sont estimées à 35 millions d’hectares environ en 2013, à comparer aux 1 500 millions d’hectares de terres arables dans le monde. On remarquera que la participation des pays en développement reste modeste, à peine plus de 10 millions d’hectares en 2013. Pourtant, on verra dans le chapitre 2 que l’agriculture paysanne – dont les surfaces dépassent très largement celles de la seule agriculture biologique, il est vrai – constitue un élément important de lutte contre le réchauffement climatique. Il faut aussi avoir à l’esprit qu’à côté des 35 millions d’hectares évoqués, ce sont plus de 12 millions d’hectares de terres cultivées qui disparaissent chaque année malgré la même quantité de déforestation ! Le rapport consacre 200 pages au relevé des données pays par pays.

Agriculture et climat

L’ONG Via Campesina, qui milite notamment pour l’agriculture paysanne, rassemble plus de 200 millions de personnes dans le monde, et l’ONG Grain, militant sur les mêmes thèmes, en particulier à travers une importante activité éditoriale, publient en décembre 2014 deux documents très utiles.

La solution au changement climatique passe par nos terres, rappelle que, dans le monde, les exploitations paysannes comptent pour 90 % de l’ensemble des exploitations agricoles, alors qu’elles n’occupent que moins de 25 % des terres agricoles ; il s’agit surtout d’établir la bibliographie de 11 documents éclairant parfaitement la situation.

Comment le système alimentaire industriel contribue à la crise climatique offre deux planches répondant parfaitement à la problématique posée. Le rapport évalue les émissions de gaz à effet de serre dues au mode de culture industrielle de 44 % à 57 % du total des émissions et quantifie six branches principales :

  • déforestation, de 15 à 18 % ;
  • agriculture, de 11 à 15 % ;
  • transport, de 5 à 6 % ;
  • transformation et emballage, de 8 à 10 % ;
  • congélation et vente au détail, de 2 à 4 % ;
  • déchets, de 3 à 4 %.

Il indique aussi cinq étapes à franchir pour nourrir en participant à la lutte contre le réchauffement climatique :

  • prendre soin des sols, notamment pour faire face à la perte, au cours du 20e siècle à hauteur de 30 % à 75 %, de matières organiques dans les terres arables, responsable de l’excédent de CO2 pour 25 % à 40 % ;
  • agriculture naturelle sans produits chimiques ;
  • réduire les « kilomètres alimentaires » ;
  • rendre la terre aux agriculteurs et arrêter les méga-plantations dans lesquelles on trouve en particulier le soja, l’huile de palme, le colza et la canne à sucre ;
  • oublier les fausses solutions (type OGM), se concentrer sur ce qui fonctionne ; est signalée, entre autres, la plus grande inclusion du CO2 dans l’économie de marché à travers le prix qui devrait lui être attribué.

Il est véritablement urgent que les biens publics mondiaux soient mis en œuvre et que l’eau et l’alimentation en fassent partie. Lire au sujet des biens communs le numéro 5 des Possibles.

La nature des banquiers

Pas plus qu’il puisse exister une « nature » de l’homme, on imagine mal pouvoir définir une essence propre aux banquiers. En revanche, que l’univers de leur travail et, davantage encore, que les objectifs assignés par ceux qui les emploient, soient un puissant déterminant de leur manière de penser et de faire, n’est guère pour surprendre.

Trois chercheurs du département d’économie de l’université de Zurich, Michel-André Maréchal, Ernst Fehr et Alain Cohn ont publié le 4 décembre 2014, dans la revue Nature, un article intitulé Business culture and dishonesty in the banking industry.

L’article est présenté ainsi dans Nature. La confiance dans l’honnêteté portée à ses semblables est un élément-clé de la performance à long terme des entreprises. Cependant, au cours des dernières années, de nombreux scandales de fraude ont lourdement touché « l’industrie » financière. Aucune preuve scientifique ne venait étayer le fait qu’il pourrait s’agir d’une sorte de culture propre à ce secteur. Les trois chercheurs de Zurich affirment que les employés d’une grande banque internationale, objet de l’enquête, se comportent, en moyenne, comme tout le monde quand l’expérience est menée de manière anonyme. À l’inverse, si leur identité professionnelle est affichée, une proportion importante d’entre eux devient malhonnête. Cette conclusion, propre aux employés de ladite banque, est confrontée à des expériences de contrôle conduites auprès d’employés d’autres industries et auprès d’étudiants ; les résultats de ces tests confirment le caractère singulier des résultats obtenus avec les cohortes du monde de la banque. Les auteurs estiment, au vu des conclusions de l’étude, que la culture d’entreprise qui prévaut dans le secteur bancaire affaiblit et décrédibilise les normes relative à l’honnêteté.

La recherche a été conduite en utilisant d’une part un questionnaire adressé à 128 salariés de l’établissement bancaire retenu, de tous niveaux, expérimentés, anonymes et répartis en deux groupes identiques, d’autre part le jeu de hasard pile ou face, dans lequel les participants ne sont pas observés et conservent l’anonymat.

Le questionnaire portait sur des requêtes d’ordre professionnel pour l’un des groupes et non-professionnel pour l’autre. Le pile ou face comportait un nombre élevé de lancers de manière à éliminer le facteur chance ou malchance ; il était assorti d’un gain de vingt dollars pour l’obtention d’un côté face et zéro pour un pile.

Le groupe n’ayant pas eu à faire état de son statut professionnel enregistra un nombre de fois rapportant un gain de 51,6 % des joueurs, pourcentage considéré comme non significativement différent du 50 % théorique. Pour l’autre groupe, il s’agissait de 58,2 %, conduisant à un taux de probabilité de 26 % de tricheurs. L’expérience, reproduite avec des salariés d’une autre banque, présenta un taux élevé du nombre de face. Le même type d’expérience, mené tant auprès d’employés d’autres secteurs qu’auprès d’étudiants, donnait des résultats respectant la norme statistique.

Les chercheurs suisses concluent à l’influence de la « culture » de l’établissement proprement dit et du secteur bancaire en général auquel il appartient et proposent de modifier ladite « culture », notamment en instaurant une sorte de serment professionnel.

Pour autant que l’expérience soit significative, on est en droit de se demander si un serment individuel est susceptible de changer le comportement des agents d’un secteur lui-même perverti !

Rapport Banque mondiale 2015

Depuis 1978, la Banque mondiale publie chaque année un World development report (WDR), l’édition 2015 est parue le 4 décembre 2014. Elle est intitulée Mind, Society, and Behavior.

Si chaque rapport comporte un titre, il semble que ce soit la première fois, en 38 ans, que dans ce « Pensée, Société, Comportement », l’analyse du monde par l’institution de Washington prend en compte une donnée fondamentale montrant que l’économie est faite par l’être humain pour l’être humain. Dans son ouvrage [3] sur Keynes, Bernard Maris cherchait à, « faire comprendre, dans une période de folie ou d’horreur économique, à travers la pensée de Keynes, que le plus grand économiste de son temps avait remisé l’économie au vestiaire ; que l’homme qui pulvérisa définitivement et sans espoir de résurrection la pensée de « la main invisible » [...] avait constamment dans son projet scientifique, un souci de « civilisation ». « L’économie est morte, vive la Cité », dit Keynes.

On ne trouvera pas dans ce rapport, d’analyses portant sur la nature profonde du système capitaliste, à savoir l’accumulation, sans limite, du capital et, partant, sur sa responsabilité première dans le déclenchement et la gravité des crises. En revanche, on observera avec intérêt le questionnement des auteurs quant à la pertinence d’un des fondements de l’économie néoclassique, qui affirme que les agents économiques sont toujours rationnels et, dès lors, décident de leur comportement en comparant les coûts et les avantages retirés de leurs décisions. L’inanité d’un tel concept a été largement démontrée ; on pourra se reporter, par exemple à l’ouvrage de Steve Keen qui vient d’être traduit en français sous le titre de L’imposture économique [4], dont on pourra lire une critique de Jean-Marie Harribey.

Dans les pages 5 à 13, la Banque, s’appuyant sur de nombreuses études pluridisciplinaires, expose les trois principes qui, selon elle, guideraient la prise de décision individuelle. On est très loin des 7 milliards d’homo economicus disposant de toutes les informations nécessaires pour permettre à chacun d’eux de faire le choix optimum !

  • La pensée automatique. Depuis Adam Smith, de très nombreux auteurs ont pris en compte les facteurs psychologiques dans le processus des décisions, ne serait-ce que par l’incapacité totale des êtres humains à analyser la quantité inaccessible des informations existantes. J.-M. Keynes y a ajouté ce facteur particulièrement important qu’il a appelé, dans son œuvre maîtresse de 1936, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, l’illusion monétaire conduisant à confondre valeur nominale d’un bien ou service avec sa valeur réelle qui, elle, tient compte du phénomène inflationniste. Les auteurs font remarquer que, contrairement à un ordinateur, le cerveau humain est, d’abord, psychologique avant d’être logique. Ils rapportent (page 33) cette expérience menée aux États-Unis auprès de deux groupes ayant recours à une emprunt de courte durée ; selon la clarté de la présentation du coût des deux procédures, il ressort, sans grande surprise, que le recours à l’emprunt sur salaire – le plus cher – diminue. A contrario, les auteurs auraient pu aller au-delà de quelques remarques relatives au recours au micro-crédit dans les pays du Sud. Selon les chiffres fournis par l’agence soutenue par la Banque mondiale, le CGAP (Consultative Group to Assist the Poor), le nombre de personnes ayant eu recours à la micro-finance est passé de 13 millions en 1997 à 204 millions en 2012. Pourtant, on constate des taux d’intérêt effectifs annuels allant jusqu’à 400 % ; mais ils ne sont pas « ressentis » dans la mesure où la majorité des prêts porte sur de très courtes périodes, pour des montants faibles, souvent quelques dizaines de dollars. Mais là, il s’agit tout bonnement de... survie.
  • La pensée sociale. La plupart des individus agissent et pensent en fonction de leur environnement social. Contrairement à ce qui est souvent professé, les auteurs affirment que les individus se comportent souvent comme des coopérateurs, pour autant qu’ils soient dans un contexte de coopération. À partir d’études menées dans huit pays, le graphique de la page 48, reproduit ici, illustre cette affirmation.

Les barres rouges indiquent des comportements de type individualiste, tandis que les bleues mesurent les conduites coopératives.

Ces chiffres proviennent d’une même expérience conduite sous forme de jeu dans les huit pays indiqués. On ne remarque aucune conduite de type « passager clandestin » qui serait majoritaire. On notera que c’est aux États-Unis que l’on observe la conduite la plus coopérative. Cependant, les commentaires de l’étude font observer que plus le jeu est poursuivi, plus l’attitude coopérative est corrélée avec celle de l’ensemble des participants.

  • La pensée par modèles mentaux. Le chapitre 3 (pages 62 et suivantes), qui traite de cette partie, affirme en introduction que « lorsque les individus pensent, ils ne recourent généralement pas à des concepts qu’ils ont inventés eux-mêmes. Ils utilisent au contraire des notions, des catégories, des identités, des prototypes, des stéréotypes, des relations causales et des visions du monde issus de leurs communautés ». Ce sont ce que les auteurs appellent les modèles mentaux. Ils précisent que, si plusieurs modèles mentaux sont utiles, d’autres, au contraire, contribuent à perpétuer l’ordre des choses d’une génération à l’autre. Une expérience conduite en Inde en 2014 montre de manière saisissante, dans la figure 3.3 de la page 68 reproduite ici, l’influence de ces modèles mentaux. L’intitulé du tableau, « Révéler une identité valorisée ou stigmatisée, influe sur les performances », est tout à fait parlant. Un groupe de garçons villageois est réparti de manière aléatoire. Les élèves sont issus ou d’une caste supérieure ou d’une caste inférieure. Le test porte sur des labyrinthes dont il faut sortir. Dans le groupe où l’identité n’est pas révélée, il n’y a pas de différence de résultats. Quand l’identité est révélée mais en mélangeant les élèves, les résultats des garçons d’une caste supérieure sont meilleurs. Dans la troisième expérience, où l’identité est révélée, mais les élèves séparés, les résultats étaient moins bons pour tous.

Le rapport consacre plusieurs pages aux facteurs psychologiques et sociaux dans la conduite de l’action publique qui montrent que la formation, l’action citoyenne et la mise en commun conduisent, souvent pour un coût très faible, à de très bons résultats. La table 0.2, page 13, donne une liste de six expériences :

  • envoi des SMS pour rappel de prise de médicaments contre le sida au Kenya entraînant, de 13 points de pourcentage, un meilleur respect du traitement ;
  • petits présents non monétaires à l’occasion de vaccination en Inde, conduisant à une couverture vaccinale considérablement accrue ;
  • incitations envers les chauffeurs d’autocars à une conduite prudente au Kenya, amenant une baisse de moitié du taux d’accidents ;
  • distributeurs de tablettes de chlore pour assainissement de l’eau au Kenya déclenchant une augmentation très importante de l’adoption de la chloration de l’eau ;
  • messages pour échapper à la pauvreté en Éthiopie provoquant une augmentation des sommes consacrées aux études des enfants ;
  • part de transferts financiers opérés par les particuliers, épargnée et restituée en une seule fois lors de l’inscription des enfants à l’école en Colombie, augmentant le taux d’inscription dans l’enseignement supérieur.

S’il faut une démonstration de l’importance cruciale de l’éducation – qui, partant, devrait devenir un bien public mondial – la figure 5.4 de la page 104 reproduite ici, y contribue.

Les pays étudiés ont été regroupés en trois catégories en fonction de l’indice IDH [5], bas, moyen, élevé. Dans chacun de ces pays, on recense d’une part les activités conduites auprès des enfants et ressortissant à l’acquisition de connaissances (cognitive caregiving activities), d’autre part celles dites socio-émotionnelles, comportementales. Les premières sont représentées en barres claires, les secondes en barres foncées. On remarque que plus les pays s’élèvent sur l’échelle IDH, plus le nombre d’activités d’acquisition de connaissances s’élève. La hauteur des barres foncées determine le nombre d’activité,s tel que déclaré par les parents.

Le chapitre 9 (pages 160 et suivantes) est consacré à la perception du changement climatique. On ne sera guère étonné d’y lire que les pays pauvres sont plus vulnérables au changement climatique et qu’ils devront supporter des coûts élevés d’adaptation à ces changements. On remarquera aussi les nombreux biais subis (tendance à conforter les préjugés et/ou à défendre ses intérêts propres) par les populations, quant à la réalité des changements. On lira avec intérêt cette expérience conduite auprès de centaines de milliers de familles états-uniennes ; la seule comparaison de sa propre consommation d’eau avec celle de ses semblables a entraîné une baisse de 2 % de la consommation, équivalente à celle enregistrée par une baisse de prix, à long terme, de 5 %.

http://www.worldbank.org/content/da...

Corruption

De nombreux historiens estiment que l’effondrement du système financier romain, adossé au butin – sorte de summum de l’inégalité des termes de l’échange – a largement participé au déclin de l’empire, où la corruption était, semble-t-il, très répandue. Dans Les Misérables, après que l’évêque « humble et pauvre », eut affirmé qu’il avait donné à Jean Valjean ce que celui-ci lui avait dérobé, Victor Hugo remarque : « Un saint qui vit dans un accès d’abnégation est un voisinage dangereux […] et l’on fuit cette vertu galeuse. De là l’isolement de Monseigneur Bienvenu. Nous vivons dans une société sombre. Réussir, voilà l’enseignement qui tombe goutte à goutte de la corruption en surplomb ».

Rapport OCDE

En 2014, l’OCDE publiait son Rapport sur la corruption internationale. Il étudie la corruption d’agents publics étrangers. L’étude s’appuie sur les 427 affaires terminées, entre 1999, entrée en vigueur de la Convention de l’OCDE en la matière, et 2013. Il ne s’agit donc que de la corruption détectée.

À partir de cette étude, l’OCDE tient à souligner la stupidité du processus. Elle remarque, en effet, que les pots-de-vin s’élèvent en moyenne à 10,9 % du montant du contrat alors que, pour 41 % des cas traités, les sanctions financières infligées sont allées de 100 % à 200 % du bénéfice retiré de l’affaire. Cependant, cette observation serait totalement fondée si nous n’étions pas sous le joug de la compétition qui bannit la coopération, toujours plus favorable à toutes les parties, comme le démontre le dilemme du prisonnier. Les compétiteurs préfèrent systématiquement se tromper les uns les autres plutôt que coopérer entre eux !

Il n’est guère étonnant que l’étude relève que 57 % des corruptions ont lieu dans le cadre de marchés publics – l’État paiera – que 53 % impliquent des cadres ou le PDG de l’entreprise. On remarquera, page 13, que le nombre des répressions, proche de 0 en 1999, s’est élevé à près de 80 en 2011. Les peines infligées ne sont pas anecdotiques, puisque l’amende la plus élevée s’est élevée à 1,8 milliard d’euros et une peine de prison prononcée a été de 13 ans. Le montant total des amendes infligées était de 0,9 milliard de dollars en 1999 et 1 200 milliards de dollars en 2013.

On note, sans grande surprise, que 60 % des corrupteurs appartiennent à des entreprises comptant plus de 250 salariés ; de la même manière, plus du tiers des affaires a pour cadre les secteurs de l’extraction (où le pot-de-vin peut atteindre 21 % du marché) ou de la construction. 91 % des personnes ayant perçu des pots-de-vin sont des agents d’une entreprise publique (80 %) ou des ministres ou des chefs d’État.

L’OCDE considère que ce rapport ne peut être qu’une étape et souhaiterait aller plus loin. Pour ce faire, elle édicte, page 38, sept recommandations dont une qui constituerait incontestablement une avancée de nature démocratique puisqu’il s’agirait de rendre publiques, au fur et à mesure de leur production, les données du travail de l’OCDE

Rapport Transparency

Chaque année, depuis 1995, l’ONG Transparency International publie un indice de perception de la corruption (IPC). Comme le travail mené par l’OCDE, la corruption à laquelle il est fait référence est celle rencontrée dans le secteur public, a contrario, il ne s’agit pas d’un relevé d’affaires de corruption mais de la perception de celle-ci mesurée par des enquêtes conduites auprès de responsables d’entreprises, d’universitaires et d’analystes ; ces enquêtes sont confrontées aux rapports d’agences de notation.

Évidemment, on imagine immédiatement la part de subjectivité engendrée par la méthode retenue. Néanmoins cet IPC donne une vue d’ensemble relative, en 2014, aux 174 pays recensés. Le score est apprécié sur une échelle de 0 – rien ne se fait sans corruption – à 100 – tout s’effectue sans corruption.

Les cartes et les tableaux interactifs sont faciles d’emploi et démonstratifs. C’est le Danemark qui se situe au premier rang avec un score de 92 et la Corée du Nord, ainsi que la Somalie, en dernière position avec 8. On notera que la France partage la 26e place avec l’Estonie et le Qatar pour un score de 69.

Le meurtre est-il l’apanage de la religion aussi ?

Peu de religions (aucune ?) semblent avoir été capables d’échapper à la « barbarie ». Thomas Paine, révolutionnaire britannique, américain et français, mort en 1809, qui a beaucoup travaillé sur le christianisme, affirmait : « croire en un Dieu cruel rend l’homme cruel. »

Avec tous les crimes consignés par le Livre de chacun des monothéismes, et justifiés ou bénis par leurs hiérarchies, la liste n’en finit pas. Depuis le meurtre d’Abel par son frère Caïn, que l’on retrouve dans la Bible, le Nouveau Testament et le Coran, que de meurtres des religions, ou s’y référant ! Notons que, dans le Coran, la rivalité entre les deux frères n’est pas due à leurs activités, mais à une compétition pour obtenir la même sœur – inceste rendu indispensable puisque, selon les Textes, la terre ne comptait que des filles et fils d’Adam et Ève… Du massacre des innocents jusqu’à ceux d’aujourd’hui en passant par les croisades et autres Inquisition ou Saint-Barthélémy, que d’horreurs dont les auteurs affirmaient qu’elles étaient ordonnées par Dieu. Qu’un seul dieu soit invoqué ou que plusieurs soient requis, il semble bien que les « sacrifices » humains imprègnent l’histoire de l’humanité.

Pour autant, aucun d’eux ne saurait être justifié par cette « pratique » millénaire ; pas davantage les meurtres perpétrés aujourd’hui au nom de l’islam.

Les meurtres de janvier à Paris

L’objet n’est ici ni de rapporter les faits, ni d’en faire une exégèse. On souhaite, plus modestement, indiquer quelques-unes des très nombreuses réactions lues au plan international.

Le numéro 1 263 du 21 janvier 2015 de Courrier international, intitulé « Après Charlie », et sous-titré, de manière exagérée sans doute, « Toutes les analyses de la presse étrangère », donne un assez vaste aperçu des réactions dans le monde, y compris celui où la religion musulmane est majoritaire.

« Ils l’ont bien cherché », de Ahmed Nada, dans Al-Modon à Beyrouth du 8 janvier. Ahmed Nada s’y livre à une vive critique de la presse égyptienne post-attentats. Ainsi, entendu sur une chaîne privée, réputée anti-Frères musulmans : « des extrémistes ont été tués par d’autres extrémistes. Des gens qui ne respectaient rien ont été tués par d’autres gens tout aussi irrespectueux. Les uns et les autres se valent. Même si ce n’est jamais une solution de verser le sang. »

Dans le New York Times du 7 janvier, sous la plume de Ross Douthat, que Courrier traduit par Pourquoi nous avons besoin de blasphème, est affirmé que le droit de critiquer « et même d’offenser est inhérent à la démocratie ».

Qui sont les musulmans de France ? Reportage de Noopur Tiwari publié le 1er janvier 2015, avant les attentats, dans The Caravan, de New Dehli qui donne à voir des musulmans qui oscilleraient entre radicalité et dissimulation d’identité.

Un risque de libanisation de Ziyad Makhoul de Beyrouth qui appelle les musulmans de France à obéir à ses lois. Faute de quoi, selon lui, la France risque de devenir « une terre de conflit et de violence islamiste ».

Une attaque contre l’humanité dans lequel Marouen Achouri dénonce, depuis Tunis, un attentat « empreint de bêtise et de barbarie […] S’il existe un prophète qui pourrait se délecter de la mort de 12 personnes, il ne mérite pas d’être vénéré. Comme en Tunisie, on commence à s’habituer aux morts et aux martyrs, on peut considérer les victimes de Charlie Hebdo de ce matin comme des martyrs de la liberté d’expression ».

Dans La plume plus forte que l’épée, Jahabar Sadiq s’emporte depuis la Malaisie : « Dieu n’a pas besoin de défenseurs, les prophètes non plus ». Il affirme : « nous ne pouvons pas dire que l’islam est une religion de paix tant qu’il y a des soi-disant musulmans qui tuent, blessent, terrorisent et tyrannisent les autres. » Sauf à ce que [nous les musulmans] déclarions « toute vie comme sacrée ».

L’anthropologue ougandais Mahmood Mamdani, dans The Hindu, proclame que Le droit à la critique interne existe. Il affirme notamment que « dans l’islam, ce droit à la critique de l’intérieur porte le nom d’ijtihad et il a une longue et respectable histoire […] les assassinats à Charlie Hebdo sont l’œuvre d’une cellule militaire, coordonnée et guidée de façon centralisée : c’était une opération stratégique, pas une manifestation spontanée. […] tant que l’on en reste à des réactions réflexes, je crains que nous ne laissions l’autorité intellectuelle et politique à la droite. Et, si la tendance se confirme, l’islamophobie risque de se transformer de tentation morale en un vrai mouvement de haine, en France et ailleurs en Europe ».

Fawzi Mellah avoue le 22 janvier 2015, évoquant Charlie Hebdo, dans Kapitalis à Tunis qu’il « n’aime ni son humour potache ni son esprit laïcard [… mais] non, en vérité, ces fous n’ont pas tué que des innocents ; ils ont fait pire – si c’est possible ! –, ils ont attenté au Dieu qu’ils imploraient […] d’où vient alors l’incroyable ressentiment que les Kelkal, les Merah, les Kouachi et les milliers d’autres jeunes Français d’origine arabe éprouvent contre leur propre pays ? […] Qu’a fait (ou n’a pas fait) la France pour jeter ainsi ses propres enfants dans le crime et la désespérance ? ».

Dans le quotidien panarabe Asharq al-Awsat,| son directeur Abderrahman al-Rached condamne, sous le titre La France face au même mal que le Moyen-Orient, tous les meurtres perpétrés au Moyen-Orient et ceux commis à Charlie Hebdo. « Il s’agit du même constat : l’extrémisme est le fait de musulmans. […] Mais ce ne sont pas les terroristes que nous voulons blâmer ici. Eux, ils assument leurs crimes et la haine qu’ils vouent au monde entier. Ceux que nous blâmons, ce sont tous ceux qui les justifient et qui abusent des millions de musulmans par leurs “explications” et par leurs mensonges. »

Sur sa page Facebook, l’écrivain algérien Kamel Daoud, journaliste au Quotidien d’Oran écrit : « Dessiner tue, penser tue, écrire tue, être libre tue, être digne tue, jouer tue, danser tue, rire tue, dénoncer tue, aimer tue. »

Dans Fraternité Matin, à Abidjan, Venance Konan évoque Le choc des civilisations de Samuel Huntington et se demande : « Est-ce à ce choc des civilisations que nous assistons en ce moment ? Au Proche et au Moyen-Orient, dans certaines contrées de l’Extrême-Orient, dans le Sahel africain, dans la Corne de l’Afrique, dans le nord du Nigeria, dans le Caucase russe, nous assistons à la montée en puissance de mouvements djihadistes dont l’unique raison d’exister est la “guerre sainte” et pour lesquels le monde occidental, ou à défaut sa culture, est la cible à abattre. »

En une sorte de contrepoint, le théologien suisse Jacques Mino affirme dans le quotidien Le Temps du 27 janvier 2015 que, Lus de façon raisonnable, les textes du Coran sont porteurs de paix. Il remarque que « toutes les religions accouchent d’intégristes qui font une lecture littérale et sacralisée des textes, à la recherche de la possession de la seule vérité révélée. Ces textes, dès lors, ne peuvent être que commentés, sans pouvoir être interprétés. C’est le monde des vérités à croire et des règles à suivre. Cela aboutit à l’exclusion de ceux et de celles qui ne se plient pas à la loi, aux coutumes, à la tradition. C’est la porte ouverte à tous les fanatismes ». Faisant référence aux grands penseurs, il montre que leurs « textes ont fondé l’islam des lumières ». Il en cite huit dont Averroès ou Avicenne sur une longue période de plus de cinq siècles, le dernier étant Ibn Khaldoun, remonte mort au début du XVe siècle.

À propos de « choc des civilisations », on lira, en anglais, Meurtres de Paris – Piège fatal pour l’Europe de Roberto Savio. Cet économiste de double nationalité, italienne et argentine, est à l’origine, au début des années 1960, de la création d’Inter Presse Service qui est, aujourd’hui, parmi les premières agences de presse internationale. Il a été conseiller en communication internationale du président du Conseil italien Aldo Moro assassiné en 1978. Il redoute qu’après les réactions compréhensibles d’indignation internationale suscitées par les meurtres parisiens, il suffise de « six terroristes musulmans » pour parvenir à ce qu’ils souhaitaient, une « confrontation mondiale mortelle ». Il rappelle trois données qu’il faut, selon lui, avoir présentes à l’esprit.

Les deux tiers des 1,6 milliard de musulmanes et musulmans sont ressortissants de l’Asie-Pacifique. Ils seraient aussi les plus nombreux à être partisans d’une application plus stricte du Coran. Pour Roberto Savio, c’est le Moyen-Orient qui porte la spécificité la plus grande dans l’opposition avec l’Ouest pour plusieurs raisons : découpage récent et artificiel de la plupart des pays à la tête desquels furent placées des autorités totalement coupées des peuples considérés, absence d’investissements industriels par la France et la Grande-Bretagne, enfin la religion a tenté de pallier l’absence de politique sociale.

Colère et frustration, accrues par la réalité israélienne et les morts directes et indirectes qu’elle entraîne, avec le soutien implicite des États-Unis, constituent aux yeux de Savio, le premier fourrier de l’État islamique.

L’auteur pointe aussi les divisions du monde islamique, notamment entre Chiites et Sunnites. Il rappelle que Al-Qaïda, alors dirigé par Al-Zarqaoui, a conduit des attaques contre les Chiites qui auraient entraîné un nettoyage ethnique d’un million de Sunnites.

Roberto Savio condamne les meurtres parisiens, mais prétend que Charlie Hebdo aurait défendu une ligne affirmant la supériorité culturelle de la France.
Cette analyse, provenant de quelqu’un issu de la Démocratie chrétienne, est intéressante d’abord parce qu’elle rappelle un certain nombre de données qu’il convient d’avoir à l’esprit, mais aussi parce qu’elle est émise par un « notable » qui, ni de près ni de loin, ne met en cause la religion musulmane elle-même.

Kare Bluitgen, écrivain et journaliste danois réputé de gauche, est celui qui en 2005, pour illustrer son ouvrage sur Mahomet destiné aux enfants, se plaignait de ne pas pouvoir trouver de dessinateurs qui acceptent de lui fournir des illustrations. Le quotidien conservateur Jyllands-Posten

publie alors, sous le titre « Les visages de Mahomet », les caricatures de douze dessinateurs qui sont une réponse aux regrets exprimés par Bluitgen. On connaît la suite. L’écrivain danois diffuse fin février 2015 « Le meilleur Livre », dont l’action se déroule à La Mecque à l’époque de Mahomet, et met en scène les principales religions de la période qui, toutes, prétendent disposer du meilleur « livre ». Après l’attentat perpétré le 14 février dernier, il confiait : « La société danoise a été poussée vers la droite car nous, à gauche, n’avons pas pris au sérieux les soucis des gens ordinaires [....] Nous avons volé sur un nuage d’humanité bien au-dessus des islamophobes, des racistes, etc. Et les gens en bas ont trouvé quelqu’un d’autre qui prend au sérieux leur frustration. »

On lira plus loin, d’autres analyses produites par des intellectuels musulmans ou de culture musulmane.

Comment l’islamisme a triomphé

Yassine al-Haj Saleh est un Syrien qui a passé seize ans en prison. Il a publié le 10 janvier 2015, dans le quotidien de langue arabe publié à Londres, Al-Quds al-Arabi, dont Courrier international donne des extraits sous le titre Comment l’islamisme à triomphé.

L’auteur note que, dans la période récente, la modernité n’a guère rencontré d’opposition dans le monde musulman depuis la seconde moitié du XIXe siècle jusqu’aux années 1970. Il remarque que ce siècle a correspondu à une promotion sociale pour les hommes d’abord, mais aussi pour les femmes. Cette transformation sociale s’est poursuivie, même sous le colonialisme bien que celui-ci empêchât, avec la complicité du pouvoir local pyramidal mis en place par lui, la participation des citoyens à la vie politique. Il affirme que « dans aucun pays arabe la lutte anticoloniale n’a été essentiellement religieuse », et que la plupart des pays arabes s’étaient approprié « la modernité » et même, que la Syrie, le Liban et l’Égypte « étaient à l’avant-garde du tiers-monde ». À l’époque, en Égypte, des intellectuels comme Ali Abderraziq ou Taha Hussein, qui affirmaient que le califat n’était pas un régime nécessaire en Islam, ont subi des attaques, mais sans que, toutefois, leur vie n’ait été mise en danger. D’autres intellectuels ont prétendu que le voile n’était pas obligatoire en islam, sans qu’ils aient eu à en subir des conséquences fâcheuses.

Le rejet de la modernité, mené à un point paroxystique par Daech, aurait été véritablement entamé par Sayyid Qutb, Égyptien mort en 1966, qui a vigoureusement combattu la modernité. Or, c’est précisément à ce moment, dans les années 1970, où la régression du progrès social a été entamée, que le courant islamiste s’est développé. Devant le spectacle d’une minorité de riches devenant de plus en plus riches et corrompus, le peuple a été, toujours davantage, convaincu que la seule solution résidait dans l’application la plus rigoureuse possible de l’islam.

Quelques mois plus tôt, Yassine al-Haj Saleh avait publié le 26 août à Londres dans Al-Hayat ce que Courrier international titrait Ce que les islamistes ’modérés’ ont en commun avec l’État islamique : « Il n’y a pas de distinction réelle entre modérés et extrémistes. Il y a seulement ceux qui sont extrémistes (Frères musulmans), d’autres qui sont très extrémistes (les salafistes du Front islamique), d’autres qui sont encore plus extrémistes (Front al-Nosra), et finalement ceux qui sont excessivement extrémistes (Daech) ». Tous, selon lui, partagent quatre idées :

  • « Le refus de séparer clairement la religion de la violence et de dire que la violence au nom de l’islam est illégitime »
  • « L’imaginaire de l’empire. Cet imaginaire tourne autour de conquêtes, d’invasions et de gloire militaire »
  • « Le mépris de l’État-nation. Ce qui compte aux yeux de tous les islamistes est la nation islamique [umma] »
  • « L’application de la charia »

La haine du mécréant

Tawfiq Al-Saif, Saoudien diplômé de science islamique à Londres, a publié à Riyad dans Al-Eqtisadiah, un article dont Courrier international traduisait le titre par La haine du mécréant. Il s’insurge contre de nombreuses réactions de musulmans qui condamnent les crimes commis parce qu’ils portent atteinte à l’islam. « Le problème ne réside pas dans l’atteinte à l’image de l’islam. Il faut condamner ces crimes en tant que tels. » L’ancien secrétaire-général du Mouvement réformateur chiite estime que « ça ne vient pas de nulle part, mais [que] c’est profondément ancré dans notre culture ». 

Islam, une religion prisonnière de son passé

Telle est l’affirmation Mohd Asim, éditorialiste indien musulman sur le site NDTV, qu’il publie en anglais le 12 janvier 2015 Yes, Islam Needs to Reform. Courrier international en a traduit, en français, des extraits sous le titre Une religion prisonnière de son passé.

Mohd Asim affirme que l’islam peut et doit être réformé. Selon lui, au contraire d’autres religions qui ont su le faire, l’islam d’aujourd’hui reste celui du VIIe siècle et « doit encore trouver l’équilibre qui permettra à ses croyants de ne pas avoir à choisir entre divin et temporel, ni à batailler pour les concilier ». Il regrette que « les pays musulmans, dont certains comptent parmi les plus riches du monde, se placent systématiquement tout en bas des classements en matière de droits de l’homme, d’égalité homme-femme, de démocratie et d’innovation ».

La question de la démocratisation est centrale pour « sauver le Coran et la philosophie religieuse des griffes de l’orthodoxie ». Pour y parvenir, il faut mettre fin à la complicité entre l’État et les théologiens, mais aussi, prévient-il, avec « la dynastie saoudienne qui, outre le pétrole, exporte son tribalisme et ses idées moyenâgeuses sous couvert d’islam, il ne faut attendre ni changement ni réforme ». Il avertit que « ses amis occidentaux seraient eux aussi bien avisés de faire leur examen de conscience et de se demander pourquoi ils ferment les yeux sur le pétro-obscurantisme saoudien ». Ce sont les citoyens qui pourront réformer l’islam « et non des mollahs ».

« Laïcité », ce mot qui fâche

La Koweïtienne Ibtihal al-Khatib enseigne à l’université de Koweit. Pour avoir « défendu la laïcité en disant que c’était l’unique solution pour nos conflits politiques et surtout pour le confessionnalisme qui nous dresse les uns contre les autres », elle a été très fortement critiquée. Elle précise « même si la laïcité provient d’un espace étranger, elle n’en reste pas moins la seule solution ». Elle n’hésite pas à vitupérer « peu importe si nous ne mangeons, ne buvons, ne nous déplaçons, ne nous habillons et ne respirons qu’à l’occidentale [...] peu importe notre dépendance génétique à l’égard de la matrice occidentale. »

Quand on lui oppose que si le contenu peut être acceptable mais qu’il ne faut surtout pas employer le mot lui-même, elle rétorque « il suffit de changer l’étiquette pour que la robe s’adapte à notre physionomie arabe et pour que nos “spécificités” arrivent à entrer dans le moule ». Elle en appelle à Averroès qui « a été en réalité un des précurseurs de la pensée laïque, à une époque [le XIIe siècle] où l’Europe était ravagée par des conflits religieux ». D’ailleurs, insiste-t-elle, « y a-t-il une meilleure solution que de séparer la religion de la politique, en assurant à tous – croyants et non-croyants – les mêmes droits ? ».

À ceux qui pensent la laisser sans voix en proférant que, en tout état de cause, la « substance de la philosophie laïque » n’est pas convenable, moqueuse elle provoque par un « elle n’est pas de votre rang ? [Bon, ne la prenez donc pas pour épouse.] Prenez-la comme maîtresse et vous verrez bien comment votre vie s’en trouvera changée ».

La France doit se réveiller

Boualem Sansal, écrivain algérien, résidant en Algérie, est l’auteur de plus d’une vingtaine d’ouvrages. Il s’oppose ouvertement à toutes les religions, y compris l’islam. Le 27 janvier 2015, il a accordé au quotidien Le Progrès un entretien intitulé La France doit se réveiller.

Il fait part de son appréciation des meurtres perpétrés à Paris, début janvier, et des réactions en Algérie. Une minorité a exprimé, parfois de façon ostensible, son approbation des attentats, une majorité serait restée silencieuse, tout comme le gouvernement, ce qu’il lui reproche.

Il prétend que tous ceux qui s’intéressent à cette question, à commencer par ceux qui ont à y répondre, doivent savoir que des « prêches » sont tenus dans « dans les banlieues, les mosquées, les prisons ». La séduction qu’ils exercent sur la jeunesse n’aurait pas pour premier terreau la misère sociale, mais répondrait au besoin de mener « une bataille romantique et mystique pour Allah qui rappelle les croisades ». En revanche, les propagandistes savent parfaitement, eux, se servir de la misère sociale, bien réelle, dont ces jeunes seraient les victimes en raison de leur religion.

Il affirme que l’on doit pouvoir critiquer l’islam comme n’importe quelle religion, mais que les « islamistes » parviennent à leur fin quand, sous prétexte de refuser l’amalgame, ils nous entraînent dans leur dérive. « À force d’être prudent, on finit par ne rien faire ».

Il ne s’oppose pas, au contraire, à l’établissement d’un « islam des lumières » mais, en l’absence de centralité dans cette religion, il pense que « ce n’est plus le sujet […] les musulmans doivent tous accepter la laïcité ». Que faut-il faire ? « Surtout pas la guerre au sens militaire ! C’est ce que les islamistes recherchent : créer l’irréparable pour empêcher le dialogue. Si une porte est ouverte au dialogue, celle de la radicalisation se fermera. En même temps, le gouvernement doit être ferme sur la défense des idéaux de la République, dont l’égalité entre les hommes et les femmes […] La laïcité, si elle est négociable, meurt. On doit la faire vivre au-delà des déclarations de principe. […] Les islamistes risquent de vous pousser à vous radicaliser ; il faut nous préserver de ce piège ».

Allemagne, année zéro

Necla Keleck est une Allemande née en 1957 à Istanbul ; elle a enseigné, jusqu’au milieu des années 2000, la sociologie des migrations à l’Université protestante de Hambourg ; elle est membre de la Conférence islamique allemande. On peut lire son passionnant Plaidoyer pour la libération de l’homme musulman, paru en 2007 chez Actes Sud. Elle publie le 23 janvier 2015 dans le quotidien Die Welt : « Muslime müssen ihre Vergangenheit bewältigen » dont Courrier international donne des extraits en français sous le titre Allemagne, année zéro.

Elle note avec une manifeste satisfaction que « pour la première fois, des musulmans conservateurs, libéraux et laïcs ont non seulement dénoncé le terrorisme, mais se sont aussi déclarés ouvertement favorables à l’Europe, à la liberté de la presse et à la liberté d’expression ».

Il faut, dit-elle, que « les organisations musulmanes et les mosquées [prennent] au sérieux les notions de liberté et de responsabilité, et [entament] une réflexion sur l’islam et la violence ». À propos des milliers d’enfants qui fréquentent les écoles coraniques, elle demande « leur apprendra-t-on à les interpréter et à dissocier la foi et la raison ? ». On ne peut pas traiter les questions de la violence en se contentant d’invoquer « les questions sociales ».

Elle regrette que, pour les représentants de l’islam, « la priorité a toujours été de faire reconnaître l’islam ou a contrario de se plaindre d’un manque de reconnaissance ». Elle déplore davantage encore que toute critique ait été traitée d’islamophobe.

Elle n’hésite pas à faire référence au travail accompli par les Allemands en face de l’horreur nazie pour adresser cette demande aux musulmans, dont elle fait partie, « ils doivent regarder en face les crimes de l’islam, car ils ne peuvent nier ce qui s’est produit hier et aujourd’hui au nom de leur religion ». Elle fait sienne l’observation de l’islamologue tunisien [qui enseignait à Paris X] Abdelwahab Meddeb, « la question de la violence de l’islam est une vraie question. Les musulmans doivent admettre que c’est un fait, dans le texte comme dans l’histoire telle qu’ils la représentent eux-mêmes. Nous avons affaire à un prophète qui a tué et qui a appelé à tuer ».

Elle conclut : « Les musulmans organisés veulent que leurs conceptions religieuses, comme le port du voile, le sacrifice du mouton ou les fêtes religieuses, soient reconnues comme des droits. Mais le débat restera obsolète tant qu’il n’abordera pas les questions de laïcité, d’égalité entre hommes et femmes et de responsabilité individuelle. »

Un besoin pressant de réforme

Une autre intellectuelle, Maha El-Kaisy-Friemuth, née au Caire, enseigne la théologie musulmane à l’université Friedrich-Alexander à Erlangen-Nuremberg ; elle s’est prêtée à un entretien que Courrier international traduit sous le titre Un besoin pressant de réforme.

Elle annonce : « nous avons aujourd’hui un besoin pressant d’une réforme dans l’islam, pour qu’il puisse s’exprimer sur les problèmes actuels de notre époque ». Elle s’appuie d’ailleurs sur les travaux de nombreux penseurs et théologiens islamiques. Pour sa part, elle s’interroge : « Comment comprendre la position de la femme dans l’islam aujourd’hui, compte tenu des contradictions que comporte le Coran ? Comment aborder les versets problématiques sans les rejeter, mais en les interprétant pour le présent ? »

Elle explique que ces versets problématiques tiennent à ce que, à l’arrivée du prophète Mahomet « et sa suite » à Médine, on passait du matriarcat à un patriarcat des plus rigoureux ; elle cite, par exemple, le verset 53 qui stipule : « si vous leur [les femmes de Mahomet] demandez quelque objet, demandez-le leur derrière un rideau ».

À la question de savoir si cet islam progressiste n’est possible qu’en Occident, Maha El-Kaisy-Friemuth répond sans ambages : « Une théologie de cet ordre se heurterait à des résistances dans la plupart des pays du monde musulman, à part la Turquie. »

L’autocritique, porte de la renaissance

De la même manière, Amine Harmach publie le 25 octobre 2014, dans Aujourd’hui le Maroc, L’autocritique, porte de la renaissance, dans lequel il tente des réponses destinées à ceux qui n’opposent que des « prétextes » à une nécessaire autocritique. Il conteste qu’il existerait un dilemme entre respect de la tradition et spiritualité ; il faut, selon lui, « un nouveau rapport à l’islam ». Il propose à ses coreligionnaires de ne pas suivre la voie de l’Occident, qui serait sorti de la religion par l’abandon de la spiritualité, mais de procéder par « la régénération d’une vie spirituelle pour le XXIe siècle ».

Pour expliquer le développement des groupes fondamentalistes, il utilise une métaphore : « On dit souvent : “Vous, les Occidentaux, ne regardez que les terroristes, mais c’est l’arbre qui cache la forêt.” Alors, moi, je demande : “Mais dans quel état est la forêt ?” ». Et de pointer, « derrière il y a tout ce qui transmet une sous-culture religieuse faite de répétition des traditions, sans aucune éducation de l’individu à la réflexion personnelle ».

Islam et islamisme : entre foi individuelle et dérive politique collective

Mounir Zouiten et Mehdi Lahlou, deux universitaires marocains de Rabat, publient le 17 décembre 2014, avant les attentats parisiens, un article dans lequel ils dénoncent cette « posture qui consiste à faire de la religion une sorte de plate-forme idéologique et politique pour dominer la ‘’communauté des musulmans’’ ».

Ils incriminent le wahhabisme qui s’est imposé chez de « nombreux peuples arabes et africains […] parce qu’ils sont pauvres, illettrés, marginalisés/brimés ou tout cela à la fois […], parce qu’ils en veulent à la planète entière d’être responsable de leur mal-vie, de leur déprime ou de leurs reculs matériel, politique et intellectuel...[...] Une approche qui est aussi aisée que confortable, parce qu’elle se limite à des apparences comportementales ou vestimentaires, à l’évocation de l’au-delà et à des slogans/messages subliminaux ».

A contrario, ils prétendent que l’islam est une « religion de la Raison ». Comme Jacques Mino cité plus haut, ils invoquent les grands auteurs dont Ibn al-Banna, mathématicien marocain du début du XIVe siècle, qui affirmait qu’entre religion et science, c’est celle-ci qui doit avoir le dernier mot.

Au Maroc comme ailleurs, les islamistes veulent tout réglementer en instrumentalisant « la religion à des fins de pouvoir ». C’est ainsi, disent-ils, que « l’état d’esprit d’une bonne partie des citoyens marocains est désormais caractérisé par un repli identitaire ». Cette caractéristique passe beaucoup par les modes vestimentaire et corporelle. Ils montrent que la confusion entre les codes vestimentaires et la religion a empli l’espace public : « l’habit/Niqab matérialise, dans cet esprit, l’indication de la décence et de la pudeur des femmes et aussi leur ultime arme d’autodéfense dans un milieu prétendument peuplé de ‘’rapaces’’, où la loi ne semble être d’aucune espèce d’utilité ». Or, les femmes et les hommes musulmans « ont besoin aussi de lois bien faites et de pouvoirs publics forts, capables de les appliquer, et de juges vertueux en mesure de sanctionner leur non-application. Dans les sociétés civilisées, c’est la loi démocratiquement discutée et adoptée qui protège, pas l’habit, quelles que soient son épaisseur et ses opacités, pas les postures ». À leurs yeux, les diktats vestimentaires sont tout sauf anodins : « Aujourd’hui, avec le voile généralisé et les barbes en bataille, on est entré de plain-pied dans l’ère du hooliganisme sur tous les terrains (sportifs ou politiques) et dans celle de Daech, soit celle de ces jeunes désœuvrés que nous envoyons détruire des civilisations millénaires en Syrie ou en Irak, en attendant un ‘’retour victorieux’’ au Maroc, en Arabie ou ailleurs. » Cette religiosité infiltre tout l’espace et, particulièrement et gravement, celui de l’éducation nationale. Cette tendance serait particulièrement lourde dans les universités, où, maintenant, il est de plus en plus fréquent de voir des enseignants prétendre s’abriter derrière la science pour justifier la religion. C’est particulièrement vrai dans le domaine des sciences sociales ; c’est ainsi que « l’économie islamique » constitue une matière officielle, « mais un système financier, aussi performant et ‘’vertueux’’ soit-il, peut-il être intelligible s’il n’est pas accolé à un système de production dont il n’est question nulle part ? ». Ils stigmatisent les banques « islamiques », largement appuyées par les pays du Golfe, qui prétendent offrir les services bancaires aux plus démunis : « ces mêmes banquiers, quand bien même ils seraient nos ‘’frères en islam’’, ne seront ni moins affairistes ni moins mercantiles que leurs confrères qu’ils voudraient supplanter, même si leur discours n’arrête pas de puiser dans la morale et l’éthique. » Le FMI a publié en 2014 un papier indiquant que les banques islamiques présentaient en 2007 un total d’actifs de 500 milliards de dollars environ, qui a atteint, en 2013, près de 1 400 milliards de dollars. On peut voir dans les objectifs de la banque islamique une certaine similitude avec la microfinance, largement promue dans les pays du Sud ; on est, à cet égard, en droit de se demander si les quelque 82 milliards de dollars de microcrédits accordés en 2012, en moyenne à des taux effectifs très élevés et pour des durées très courtes, ont changé réellement la vie des populations concernées.

L’Arabie saoudite au banc des accusés

Hassan Jamali, musulman né à Homs en Syrie, a émigré au Québec. Il est l’auteur de nombreux ouvrages portant sur l’islam, comme L’art de détourner une religion ou Coran et déviation politique.

Dans un article paru le 15 septembre 2014 à Montréal dans Le Devoir, il montre que l’on ne peut pas critiquer l’État islamique tout en défendant la charia.

Il s’en prend, particulièrement à l’Arabie saoudite en confiant : « nous avons du mal à croire à la sincérité de l’Arabie saoudite lorsque le grand mufti de La Mecque, Abdul Aziz al-Cheikh, déclare dans la foulée que “l’extrémisme et l’idéologie de groupes tels que l’État islamique sont contraires à l’islam, sont le plus grand ennemi de l’islam et les musulmans en sont les premières victimes”, pendant qu’un tribunal saoudien vient de condamner un jeune libéral, Raef Badawi, à dix ans d’emprisonnement, à 1000 coups de fouet et à une amende équivalant à 214 000 euros pour avoir défendu la liberté religieuse. » Évoquant le sort des femmes dans ce pays, il dénonce « le penseur islamiste très “modéré” Tariq Ramadan [qui] n’a pas trouvé mieux que proposer un moratoire sur la lapidation des femmes adultères ! ». Il précise : « On ne peut expliquer le malaise provoqué par le succès de Daech et la participation de milliers de jeunes Occidentaux au djihad à son côté qu’en avouant que la doctrine intégriste wahhabite domine l’islam d’aujourd’hui ». Il va plus loin dans la dénonciation de ce qui s’apparente à de la duplicité : « Qui, parmi les musulmans croyants et les islamistes qui s’opposent à Daech, peut prouver que les actions de Daech ne sont pas conformes à la charia ? »

Selon lui, « les conditions minimales d’un islam moderne sont les suivantes : il suffit de croire en Dieu et en son prophète pour être musulman ; rompre tout lien entre politique et religion ; désacraliser le texte coranique ; déclarer que les versets violents sont inopérants ; et déclarer caduques les lois de la charia ».

Lettre ouverte à l’État islamique

De leur côté, 120 musulmans sunnites, issus de nombreux pays différents, estiment qu’il est possible de s’appuyer sur le Coran pour dénoncer les actes de l’État islamique.

Ils publient une lettre de 32 pages dans laquelle ils dénoncent, en 24 points, le caractère, à leurs yeux illicite au regard de l’islam, des crimes commis par l’État islamique. On en trouvera une traduction résumée dans Courrier international.

On verra, à la lecture de ces 24 affirmations dont seules quelques-unes sont reproduites ici, que les craintes émises, par exemple, par Hassan Jamali, peuvent ne pas être infondées.

  • Il est interdit dans l’islam d’émettre des règlements juridiques sur quoi que ce soit sans maîtriser la langue arabe.
  • Il est interdit dans l’islam de tuer des innocents.
  • Le djihad dans l’islam est une guerre défensive. Elle n’est pas autorisée sans une juste cause, de justes objectifs, et sans respecter des règles de conduite.
  • Il est interdit dans l’islam de priver les femmes de leurs droits.
  • Il est interdit dans l’islam de priver les enfants de leurs droits.
  • Il est interdit dans l’islam d’imposer des peines légales (hudûd) sans respecter les procédures appropriées afin de garantir justice et miséricorde.
  • Il est interdit dans l’islam de défigurer les morts.
  • Il est interdit dans l’islam d’attribuer des actes néfastes à Dieu.
  • L’insurrection armée est interdite dans l’islam pour toute raison autre que l’absence avérée de foi du dirigeant et son refus de laisser les gens prier.
  • La fidélité envers sa nation est autorisée dans l’islam.

L’erreur des intellectuels arabes

Rami Zaydan regrette depuis Beyrouth, le 15 novembre 2014, avant les attentats, dans An-Nahar l’apathie des intellectuels arabes. Courrier international a traduit quelques extraits dans L’erreur des intellectuels arabes.

Il avait été marqué dans son adolescence par l’interdiction du livre Où est l’erreur ?, de Cheikh Abdallah al-Alayli, dans lequel celui-ci traitait de l’interdiction, par l’islam, de l’intérêt dans les transactions financières, mais aussi abordait la lapidation, l’amputation ou la flagellation. Rami Zaydan remarque que ce livre « est également emblématique par sa date de parution [en 1978], au moment où le monde allait connaître de grands changements dans le sens de l’extrémisme ».

Le rejet d’un tel auteur, selon lui, « s’explique non seulement par l’opposition qu’il a rencontrée chez les traditionalistes, conservateurs et adeptes de l’immobilisme religieux, mais probablement aussi par le manque d’intérêt des modernistes [et de la gauche arabe] ». Sévère, il ajoute : « Ceux-ci, dans les années 1960 et 70, ne prêtaient pas attention au fait que la modernité européenne avait elle aussi commencé par des réformes religieuses et par l’évolution des méthodes et des façons de raisonner. »

Daech comme seul horizon

Hazem al-Amin publie à Londres le 14 décembre 2014 dans Al-Hayat ce que Courrier international traduit par Daech comme seul horizon. Il s’y montre particulièrement pessimiste.

S’il estime que Daech ne durera vraisemblablement pas, il prédit en revanche, que les traces de ce passage s’inscriront durablement dans les pratiques et les pensées.

Il prend exemple sur le processus ouvert par les talibans. « Ils ont donc gouverné le pays pendant moins de six ans. Or, jusqu’à aujourd’hui, les conséquences de leur règne sont bien repérables dans les pratiques et le mode de vie des Afghans. Daech, comme les talibans, ne fait qu’exhumer ce qui existe déjà et qui, chez les jeunes générations, a seulement été recouvert d’une fine couche de valeurs modernes. »

Bleue ou noire, la burqa n’apparaît pas ex nihilo. Les prétextes de son port sont prégnants dans la société sous influence islamique : « il s’agit simplement d’un bout de tissu qui couvre le visage, réduisant à néant les espoirs des femmes qui voulaient alléger les contraintes de l’habit traditionnel. Il entrera rapidement dans les mœurs, et bientôt il n’y aura plus besoin de contrainte pour que les femmes le portent ». « Ils [les talibans] sont aujourd’hui la force politique la plus représentative chez les Pachtounes. »

Peu optimiste pour les années qui viennent, il conclut : « le passage rapide à la burqa, imposée par Daech, a été un mouvement naturel, puisque la modernité est une lutte contre le naturel. Revenir dessus se fera au prix de luttes ardues. Nous avons payé le prix de la modernisation et nous en avons ensuite dilapidé les fruits. Comme toujours ».

Les religions, y compris dans leurs manifestations extrémistes, provoquent bien des réactions et ne semblent pas avoir fini de faire réagir. Souvent, elles suscitent la violence la plus extrême. L’apôtre chrétien Matthieu fait dire au Christ « Quiconque scandalise, fait trébucher dans la foi un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaut pour lui qu’on lui attache au cou une grosse meule et qu’on le précipite dans l’abîme de la mer. » En 1988, sort, après bien des difficultés, le film de Martin Scorsese, cinéaste de culture catholique, La Dernière Tentation du Christ. Les protestations sont nombreuses en France et au États-Unis. L’archevêque de Paris, Jean-Marie Lustiger adresse une lettre de protestation au président de la République, François Mitterrand. Le 28 octobre 1988, un groupe de catholiques intégristes déclenche un incendie dans le cinéma Espace Saint-Michel à Paris ; il y aura quatorze blessés. Toutes les peines de prison prononcées seront assorties de sursis.

Le journaliste Jean Birnbaum publie, dans Le Monde du 4 mars 2015, « La gauche face au djihadisme : les yeux grands fermés ». Il y rapporte le compte rendu écrit par le philosophe français Michel Foucault envoyé en Iran, en 1978, par le quotidien italien Corriere della sera. Il est frappé par « la religion, avec l’emprise formidable qu’elle a sur les gens ». S’il tient compte des facteurs sociaux, il estime que la révolution n’a pu s’enclencher qu’en raison d’une « espérance messianique ». Il note dans son article : « Le problème de l’islam comme force politique est un problème essentiel pour notre époque et pour les années à venir […] Vous savez la phrase qui fait ces temps-ci le plus ricaner les Iraniens ? Celle qui leur paraît la plus sotte, la plus plate, la plus occidentale ? “La religion, opium du peuple.” […] Quel sens, pour les hommes qui l’habitent, à rechercher au prix même de leur vie cette chose dont nous avons, nous autres, oublié la possibilité depuis la Renaissance et les grandes crises du christianisme : une spiritualité politique. J’entends déjà des Français qui rient, mais je sais qu’ils ont tort ».

Mosquée ouverte au Cap

Dans un article du 25 janvier 2015, du journal La Presse de Québec, la journaliste rend compte d’un entretien avec Taj Hargey, l’imam sud-africain qui ouvre sa mosquée – dont la devise est « bienvenue à tous et à toutes » – aux femmes et aux homosexuel(le)s.

Il affirme : « j’ai apporté toutes les preuves théologiques qui démontrent que le blasphème n’existe pas dans le Coran, que c’est quelque chose d’inventé par le clergé. » Il s’estime être le produit de l’apartheid. « La première fois que j’ai adressé la parole à un Blanc sud-africain, c’était dans une auberge de jeunesse de Munich ! Pourquoi, dans notre propre pays, nous ne nous étions jamais parlé ? Parce qu’on ne fréquentait pas les mêmes quartiers, les mêmes piscines, les mêmes plages... »

Il a reçu des menaces de mort et la journaliste québécoise précise qu’elle a vu peu de femmes à la mosquée ; l’une d’entre elles explique que « plusieurs ont reçu des menaces de leur famille ».

Notes

[11 micromètre = 0,001 millimètre

[2Selon la classification 2013 de la Banque mondiale, la distribution des pays est la suivante : pays à faible revenu : 1 035 dollars ou moins, revenu intermédiaire de la tranche inférieure de 1 036 à 4 085 dollars, revenu intermédiaire de la tranche supérieure de 4 086 à 12 615 dollars, revenu élevé 12 616 dollars ou plus.

[3Bernard Maris, Keynes ou l’économiste citoyen, Paris, SciencesPo. Les presses, 2007.

[4Steve Keen, L’imposture économique, Paris, Les éditions de l’atelier, 2014.

[5IDH : Indice de développement humain calculé par le PNUD depuis 1990 et composé de l’espérance de vie à la naissance, du niveau d’éducation et du PIB (en parité de pouvoir d’achat) par habitant.

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