Bayrou annonce un budget injuste, quoiqu’il nous en coûte !

mardi 15 juillet 2025, par Attac France

François Bayrou a livré des orientations budgétaires pour 2026 et s’est livré à un exercice d’instrumentalisation de la dette publique pour tenter de justifier ses propositions. Celles-ci s’appuient sur un dogme, le refus de procéder à une réforme fiscale, et poursuivent un autre objectif : affaiblir davantage les services publics et la protection sociale, quitte à augmenter encore la pauvreté et les inégalités. Un autre budget est vital !

Une dette creusée par l’injustice fiscale

François Bayrou a pris la parole devant le slogan « Le moment de vérité », mais il a dramatisé à outrance la situation (« notre pronostic vital comme État est engagé ») et son constat de départ ne correspond pas à la vérité.

Depuis 2017 la dette publique a été creusée par les baisses d’impôts dont ont bénéficié les plus riches et les grandes entreprises. Attac a montré dans son rapport sur « La dette de l’injustice fiscale » que depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, les baisses d’impôts et de prélèvements représentent au moins 308 milliards d’euros de manque à gagner pour les finances publiques, dont 207 milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux plus riches et aux grandes entreprises.

Contrairement à une idée fausse très répandue, et répétée cet après-midi par François Bayrou (« nous sommes devenus accros à la dépense publique ») la hausse de la dette ne procède pas d’une hausse des dépenses publiques qui sont en réalité très stables : entre 2017 et 2024, elles sont en effet passées de 57,7% du PIB à 57,2% du PIB. La hausse de la dette publique vient essentiellement d’une baisse des recettes : entre 2017 et 2024, les recettes publiques sont passées de 54,3 % du PIB à 51,4% selon l’INSEE.

C’est aussi ce que montre une note de l’Observatoire français des conjonctures économiques publiée le 11 juillet 2025 : le creusement du déficit public français depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à la tête de l’État s’explique par la baisse du taux des prélèvements obligatoires, et non pas par une dérive des dépenses publiques ! Or, François Bayrou a concentré ses annonces sur une baisse des dépenses.

Haro sur les services publics et la protection sociale

S’il a prétendu « agir avec justesse et justice » et que son plan prévoit un « effort supportable par tous », il va en réalité réduire le pouvoir d’achat des plus pauvres, des fonctionnaires, des retraité·es... tout en épargnant ceux qui peuvent le plus contribuer à l’effort et qui se sont considérablement enrichis ces dernières années sur le dos de la population.

Conscient de devoir donner des gages aux partisan·es de la justice fiscale, le Premier ministre a lourdement insisté sur le fait que « tout le monde devra participer à l’effort ». François Bayrou a annoncé une très vague et non chiffrée lutte contre « l’optimisation abusive des patrimoines non productifs ». Ne nous y trompons pas : il s’agira d’une contribution purement symbolique des ultra-riches, bien loin de ce que rapporterait la taxe Zucman et qui ne règlera pas le problème qu’elle prétend combattre, puisque les ultra-riches continueront de payer moins d’impôts que le reste de la population. Quant aux propos imprécis sur la fraude et les niches fiscales, deux chantiers majeurs, ils relèvent principalement de la stratégie de communication.

En refusant de réformer le système de prélèvements obligatoires, le gouvernement s’apprête à instaurer une austérité qui s’annonce d’ores et déjà économiquement contre-productive et socialement injuste. Il s’agit en somme de maintenir les acquis fiscaux des plus riches. Cette austérité peut se résumer ainsi : faire payer la dette par de nouvelles dégradations des services publics et de la protection sociale, au risque d’appauvrir les plus pauvres, alors que la dette a été nourrie par l’injustice fiscale. Et c’est via ce système injuste que le gouvernement s’apprête à financer le « réarmement » annoncé par Emmanuel Macron le 13 juillet à hauteur de 6,5 milliards d’euros en deux ans. C’est d’ailleurs cette hausse des dépenses militaires qui justifie selon le Premier ministre un plan d’économies de 43,8 milliards au lieu des 40 milliards évoqués jusqu’ici.

Le budget proposé par François Bayrou se traduirait par un nouvel affaiblissement des services publics (suppression de 3000 postes de fonctionnaires via le non remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite, suppressions d’agences) ainsi qu’une nouvelle étape de privatisations (cessions de parts dans les entreprises publiques).

Cela provoquerait également un affaiblissement de la protection sociale : sous couvert de « responsabilisation des patients », il a ainsi annoncé un « effort de l’ordre de 5 milliards d’euros » sur les dépenses de santé, via de nouveaux déremboursements de médicaments, des économies sur les malades souffrant d’affections de longue durée et les arrêts-maladie... Ainsi, certains médicaments des personnes atteintes d’affection de longue durée ne seront plus remboursés à 100 % par la Sécurité sociale, ce qui signifie qu’il faudra prendre une complémentaire santé : mieux vaudra être riche pour avoir une couverture sociale digne de ce nom.

François Bayrou a confirmé que 2026 serait une « année blanche ». Concrètement, le gel des prestations sociales se traduira par une baisse du revenu des bénéficiaires des prestations concernées. Au surplus, le gel du barème de l’impôt sur le revenu rendra mécaniquement imposables des foyers fiscaux qui, actuellement, ne le sont pas en raison de revenus trop faibles. 500 000 à 600 000 foyers fiscaux pourraient être concernés. Cette mesure ajouterait à l’injustice fiscale d’un système déjà régressif.

Par ailleurs, en annonçant la suppression de deux jours fériés (il propose le lundi de Pâques et le 8 mai qui, rappelons-le, est devenu un jour férié en France suite à la capitulation de l’Allemagne nazie en 1945) François Bayrou revisite la formule de Nicolas Sarkozy : « il faut travailler plus »... pour les riches ! Car il s’agirait de rembourser la dette creusée par les cadeaux fiscaux faits aux riches et aux grandes entreprises.

Il semble tenir les chômeur·ses pour responsables du chômage, et annonce une énième réforme de l’assurance-chômage, alors que les précédentes ont précarisé les chômeur·ses et n’ont eu aucun effet sur l’emploi.

Le premier ministre a également annoncé son intention de « moins faire peser sur le travail le financement de la protection sociale » : sans le dire, cela ouvre la voie à une mesure de « TVA sociale », c’est-à-dire une hausse de la TVA en contrepartie d’une réduction des cotisations sociales. Or la TVA est déjà l’impôt le plus injuste puisqu’elle représente une part plus importante du revenu des ménages pauvres que de celui des ménages aisés.

Le gouvernement fait donc sciemment le choix de prélever, via l’austérité, une partie du pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes.

Un autre budget est vital

François Bayrou a conclu en affirmant que « toutes les idées d’améliorations seront bienvenues » . Chiche ! Attac a de nombreuses propositions pour rendre ce budget juste.

Il est en effet tout à fait possible de récupérer 40 milliards dès 2026 sans impacter les classes populaires et moyennes et sans mettre les PME à contribution :

- la taxe Zucman, que le Sénat a rejeté en juin, rapporterait entre 15 et 25 milliards et viendrait corriger une anomalie : les 0,1% les plus riches payent proportionnellement moins d’impôts que le reste de la population. La taxe Zucman permettrait de faire en sorte que les 1800 foyers les plus riches paient des impôts à hauteur de 2% de leur patrimoine. Au lieu de faire payer toute la population, il faut mettre fin aux privilèges fiscaux des ultra-riches.

- dans sa note « Qui veut gagner des milliards ? En finir avec les niches fiscales injustes », Attac montre qu’il est possible de récupérer de 17 à 19 milliards à court terme en remettant en cause les « niches climaticides » et en procédant à une revue des niches les plus coûteuses et injustes. A elles-seules, ces deux mesures rapportent déjà 40 milliards.

Il faut cependant aller plus loin en réorientant profondément la politique fiscale à l’œuvre depuis 2017. Les 4 rapports du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, nommé par Emmanuel Macron pour évaluer les effets de la transformation de l’ISF en IFI et de la création de la flat tax, ont montré que ces mesures n’ont eu aucun effet sur les investissements ou l’emploi, mais ont creusé les inégalités en faveur des plus riches. Au lieu de demander des sacrifices à l’ensemble de la population, il est temps de revenir sur ces cadeaux fiscaux injustes et inefficaces et de réhabiliter les objectifs historiques de la politique fiscale : financer l’action publique et réduire les inégalités.

A moyen et long termes, bien d’autres mesures pourraient donc permettre de financer les urgences sociales et la bifurcation écologique :

- un ISF rénové rapporterait 10 à 15 milliards d’euros ;

- la suppression de la flat tax, pour rétablir la progressivité de l’imposition des revenus financiers, rapporterait 9 milliards selon l’Institut des politiques publiques ;

- la taxation unitaire, pour mettre fin à l’évasion fiscale des multinationales, rapporterait 18 milliards ;

- et si le gouvernement veut vraiment réduire les dépenses publiques, il pourrait s’attaquer au 1er Budget de l’État : les 211 milliards d’aides publiques aux entreprises constituées très majoritairement de « niches fiscales et sociales ». Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale vient de montrer qu’elles sont versées sans condition, sans contrôle, sans transparence.

L’austérité n’est pas une fatalité, un autre budget est possible et nécessaire !

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