Sous le prétexte de réduire la dette et les déficits publics, le gouvernement veut imposer une austérité budgétaire qui va pénaliser lourdement l’ensemble de la population. Les coupes budgétaires sont d’autant plus sévères qu’il se refuse à revenir sur les avantages fiscaux bénéficiant aux plus riches et aux grandes entreprises.
Si le gouvernement a évoqué la remise en cause de certaines « niches fiscales », il évite de s’attaquer aux plus coûteuses et aux plus injustes qui pèsent pourtant considérablement sur les budgets publics. En tout, chaque année, l’ensemble des dispositifs dérogatoires et niches fiscales représente un manque à gagner global (ou coût budgétaire) bien au-delà de 100 milliards d’euros.
Dans cette note, nous appelons à une véritable revue de ces niches, guidée par des impératifs de justice et d’efficacité des dispositifs. Nous formulons également des propositions pour réformer les niches fiscales injustes et inefficaces, qui permettraient de dégager jusqu’à 19 milliards d’euros d’économies.
Synthèse de la note
Le gouvernement prépare un projet de loi de finances pour 2026 qui s’annonce historique par l’ampleur des coupes budgétaires prévues. Refusant de faire payer leur juste part d’impôt aux plus riches et aux plus grandes entreprises, il s’apprête à faire reposer le coût considérable de cette politique d’austérité sur l’ensemble de la population. Les privilèges fiscaux d’une poignée sont donc maintenus quoi qu’il en coûte, alors même que le ruissellement censé les justifier ne s’est pas produit.
Le gouvernement a certes évoqué la remise en cause de certaines « niches fiscales », mais sans s’attaquer aux plus coûteuses ni aux plus injustes. Les niches fiscales, dénommées « dépenses fiscales » dans les documents budgétaires, prennent la forme d’exonérations, de déductions, de réductions ou de crédits d’impôt. Il en existe 467, pour un coût budgétaire officiellement évalué à 85 milliards d’euros en 2025. Ce montant, qui serait sous-évalué selon la Cour des comptes, représente la moitié du déficit public enregistré en 2024.
S’y ajoute le coût des dispositifs dérogatoires qui ne sont plus classés officiellement comme des dépenses fiscales mais n’en constituent pas moins de réelles baisses d’impôt pour leurs bénéficiaires. En tout, chaque année, l’ensemble des niches fiscales et des dispositifs dérogatoires représente un manque à gagner global (ou coût budgétaire) bien au-delà de 100 milliards d’euros.
Le nombre et le coût des niches fiscales se sont régulièrement accrus depuis les années 1970, rendant le système fiscal plus complexe, instable, injuste et propice à la fraude. Une évaluation des niches fiscales est donc nécessaire afin de procéder à la révision ou la suppression des plus injustes, coûteuses et inefficaces. Cette note constitue une contribution pour la mise en œuvre d’une telle démarche de revue des niches fiscales.
Cette revue permettrait de dégager des recettes budgétaires qui manquent cruellement à l’action publique, de réduire les inégalités et de renforcer le consentement à l’impôt. Sur les plus de 100 milliards de niches fiscales, dont bénéficient tout à la fois les entreprises et les particuliers, il est possible de dégager 17 à 19 milliards d’euros de recettes budgétaires à court terme, et davantage à moyen et long terme.
Nous montrons qu’il est possible d’atteindre ces objectifs en procédant notamment à :
Une réforme du crédit d’impôt pour emploi d’un·e salarié·e à domicile, peu efficace et dont le plafond ne concerne qu’une infime minorité de contribuables aisé·es. Une baisse du plafond à 3 000 euros concernerait uniquement les plus aisé·es et permettrait de dégager 1,75 milliard d’euros de recettes supplémentaires ;
Une réforme du « pacte Dutreil », aujourd’hui non plafonné, qui permet des économies d’impôts considérables aux ultra-riches transmettant une holding familiale et contribue à la reconstitution d’une société de rentiers. L’instauration d’un plafond, pour mettre à contribution les plus riches sans pénaliser les transmissions de PME, permettrait de dégager au moins un milliard d’euros ;
Une réforme en profondeur du crédit d’impôt recherche, qui profite surtout aux très grandes entreprises sans inciter à véritablement investir dans la recherche. Cela permettrait de dégager des recettes pour la recherche publique. Sur les 7,8 milliards d’euros que coûte le CIR, au moins 3 milliards peuvent être dégagés à court terme ;
Une réforme du mécénat d’entreprise, qui profite surtout aux plus grandes entreprises et est souvent détourné de son objectif initial. Sa révision viserait à ce que ce dispositif ne soit plus utilisé à des fins de promotion commerciale par les groupes qui y ont recours, et permettrait de dégager 500 millions d’euros ;
Une remise en cause des niches en matière de fiscalité du patrimoine permettrait de dégager de 3 à 5 milliards d’euros ; celle des niches brunes environ 7,5 milliards d’euros ;
Le renforcement du contrôle de l’ensemble des dispositifs dans le cadre d’une lutte résolue contre la fraude fiscale.
La revue nécessaire des niches fiscales devrait par ailleurs être complétée par une revue des niches sociales (liées aux réductions, déductions, exonérations de cotisations sociales) qui représentent un manque à gagner équivalent.
Pour financer la réponse aux crises sociales et écologiques, une solution existe : la justice fiscale !
Pour aller plus loin
Libération a publié en exclusivité un article qui détaille le contenu de la note : "Pacte Dutreil, crédits d’impôts… Attac propose de récupérer jusqu’à 19 milliards d’euros dans les niches fiscales et sociales" (03/07).
Dans un précédent rapport intitulé « La dette de l’injustice fiscale », nous avons chiffré le coût budgétaire des diminutions de recettes publiques et cadeaux fiscaux depuis 10 ans. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, ce sont 207 milliards d’euros de cadeaux fiscaux qui ont manqué aux finances publiques, soit près d’un quart de l’augmentation de la dette sur cette période.