Revue des revues n° 18

jeudi 25 octobre 2018, par Jacques Cossart *

Les pauvres ne sont-ils pas responsables de leur sort ? On serait tenté de le croire à écouter le président de la République. Pourtant, d’un bout du monde à l’autre, les constats sont édifiants. Que l’on regarde les travaux de l’INSEE en France ou bien ceux du Fonds monétaire international (qui n’arrête pas de manger son chapeau sur bien des sujets), pauvreté, précarité et inégalités sont le lot de tous ces pauvres (ir)responsables. Tandis que, de sommet en sommet, les gouvernants… observent… le réchauffement du climat, la pérennité des paradis fiscaux et autres amusements mondiaux ou mondains, on ne sait.

Salauds de pauvres

Même dans les vieux pots, il n’est pas inutile de changer quelque peu la recette pour y mitonner les meilleures soupes. Nous ne sommes plus dans les années 1950 quand Autant-Lara, dialogué par Audiard, nous faisait traverser Paris pendant l’occupation nazie et son marché noir. Aujourd’hui, il faut parler plus cash encore, ne dites plus revenus de transfert mais pognon de dingue dans les minimas sociaux. Et pourquoi ce pognon ? Simple, ceux qui tombent pauvres, ils restent pauvres ! Combien de divisions les pauvres en France ? Huit, neuf millions ? Ne chipotons pas, supprimons-les ; ce n’est évidemment pas là que l’on va trouver les premiers de cordée, au contraire, ils la mettent en danger toute cette fichue cordée. Dommage que, peut-être, on manque de ces talentueux caricaturistes qui savaient, dès les années 1930, mettre en évidence la trogne de ceux qui ruinaient la France. Allez, encore un effort !

Le 5 juin 2018, l’INSEE publiait sa nouvelle édition relative au revenu et au patrimoine des ménages. Dès l’introduction, on était … rassuré sur les possibilités accrues du ruissellement puisque « 1 % de la population perçoit 7 % des revenus » ; ils ne vont pas les garder pour eux ces 7 %, ils vont les faire ruisseler ! D’ailleurs, l’avenir s’annonçait plus rose encore, attendu que, s’agissant des seuls revenus du patrimoine, ce même 1 % percevait « 30 % des revenus du patrimoine déclarés ». Mais, impitoyables, les rédacteurs ne laissent pas leurs lecteurs se bercer d’illusions quand ils soulignent que « le fait marquant de ces vingt dernières années est surtout le développement de la pauvreté des familles monoparentales, dont les membres vivent sous le seuil de pauvreté dans près d’un tiers des cas ».

L’INSEE a évalué, de 1996 à 2015, le nombre de personnes se situant sous le seuil de pauvreté [1] ; les calculs ont été opérés en euros constants 2015 et sont présentés dans le tableau 1.10 (page 127). Selon le Président de la République française et son entourage, la théorie du ruissellement n’en n’est pas une, bien que tous décident de l’action publique comme si elle existait ; c’est plus élégant que de devoir avouer pratiquer une politique de classe ! L’institut de la statistique remarque que, par rapport au seuil de 60 % du revenu médian, le taux de 19,2 % en 1996 s’est infléchi jusqu’à 16,6 % en 2002 pour atteindre 19,6 % en 2016 ; avec un seuil situé à 50 %, on observe pour les mêmes années, 17,3 %, 14,3 % et en 2015, 16,6 %. Au seuil de 40 % du revenu médian, c’est-à-dire un revenu mensuel de 677 euros, on passe de 11,6 % en 2003 à 20,3 % en 2015, c’est-à-dire plus de deux millions de personnes ! Oserait-on dire à cette population, « le jour où tu veux faire la révolution, tu apprends d’abord à avoir un diplôme » comme lançait Monsieur Macron le 20 juin 2018 à un jeune garçon sur son passage ?

Tous les propriétaires du capital et leurs thuriféraires lancent des cris bien plus assourdissants que ceux de ces pauvres orfraies dès lors que la puissance publique gaspille un « pognon de dingue » envers les pauvres. Sans la moindre vergogne, ils répètent à l’envi que ça ne marche pas. Comme ils le savent parfaitement d’ailleurs, ce n’est pas vrai que ce soit inefficace. Ainsi, si on compare les 30 pays européens entre eux, on remarque qu’avec un taux de pauvreté de 13,6 %, en 2015, la France se situe dans la meilleure partie de l’échelle avec 23 pays en plus mauvaise position, dont l’Allemagne présentant un taux de pauvreté de 16,5 % et la Grande-Bretagne à 17,3 %. Mais, bien avant les réseaux sociaux, Virgile savait déjà combien il était difficile de résister à ses penchants trahit sua quemque voluptas. L’INSEE montre pour 2015 dans le tableau 1.6.2 reproduit ci-dessous les composantes des revenus des ménages français selon le décile dans lequel ils se trouvent. On remarque que 80 % de ceux du premier décile, perçoivent des prestations sociales alors qu’il n’y en a plus que moins de 19 % dans le dernier. Si la prime pour l’emploi attribuée aux personnes percevant un salaire inférieur à 1 500 euros par mois pour une personne seule, est distribuée au quart de la population du premier décile, ils ne sont plus que 1,8 % dans le dernier. En revanche 99,4 % de ceux-ci perçoivent des revenus du capital. Quand on examine les données en centiles, l’Observatoire des inégalités indique que 0,1 % de la population française s’attribue près de 6 % des revenus totaux !

On verra dans le tableau 1.8.1 reproduit aussi ci-après, la comparaison, pour l’année 2015, entre les pays de l’Union européenne. Les valeurs sont indiquées en euros et en SPA (standard de pouvoir d’achat) [2]. Les données relatives à l’indice de Gini [3] donnent pour la France, 0,29, meilleur que pour l’Allemagne (0,30) et le Royaume-Uni (0,32), la moyenne de l’UE étant à 0,31. Le Brésil, un des pays aux inégalités les plus élevées, présente un indice de 0,54.

Certes il n’emploie pas cette terminologie mais, l’INSEE montre dans son analyse de ce qu’il nomme les très hauts revenus, combien les riches le sont ! Et encore, ne prend-il en compte, dans le tableau reproduit après celui relatif aux indicateurs d’inégalité, que les 0,1 % des plus aisés ; qu’en serait-il des 0,01 ? [4] Les Trente Glorieuses ne sont plus, l’époque pendant laquelle André Bergeron, le chantre du syndicalisme apolitique prônait la négociation capital/travail ; pour la permettre, il fallait du grain à moudre, c’est-à-dire que l’entreprise devait produire de la marge. Il n’y aurait plus de grain à moudre. Les riches peuvent-ils espérer le soutien – dont ils se moquent éperdument – d’un organisme comme l’OCDE qui n’a guère lésiné pour apporter son patronage au capitalisme néolibéral ? Las, voilà ce que l’on peut lire dans son rapport 2018 sur l’emploi, après avoir souligné « une stagnation sans précédent des salaires », il précise que « ce qui est plus inquiétant encore, c’est que la stagnation des salaires touche beaucoup plus les travailleurs faiblement rémunérés que ceux qui se situent au sommet de l’échelle des salaires : ces dernières années, les revenus du travail réels des 1 % les mieux rémunérés ont augmenté beaucoup plus rapidement que ceux des travailleurs à temps plein médians, accentuant une tendance déjà bien installée ».

Ainsi, l’INSEE, en France, l’OCDE pour les pays dont il s’occupe et le FMI pour la planète, s’inquiètent de la faiblesse des salaires. L’une des trois priorités qui s’imposent au monde consiste, selon la directrice générale de l’institution de Washington, à « s’attaquer de manière plus résolue aux inégalités excessives ». Faute de la moindre preuve de son existence, le ruissellement devrait-il, alors, être retiré de l’abécédaire livré aux thuriféraires de l’ultralibéralisme ? Les études sur le sujet sont fort nombreuses ; Madame Lagarde n’invente rien, prudente, elle se contente de reprendre ce que les économistes du Fonds démontrent depuis de nombreuses années. On trouvera ici, quelques-unes des études ou notes publiées, depuis 2014 seulement, par le Fonds monétaire sur le sujet. Dans un entretien accordé le 8 juillet 2018 au quotidien Le Monde, Olivier Blanchard [5] déclare : « Les élites ne se sont pas assez préoccupées de la montée des inégalités ». Mais après tout, depuis des siècles et des siècles, beaucoup croient au paradis promis par les religions !

Il faudrait ajouter à la réalité des inégalités de revenus celles des patrimoines constitués à partir de ceux-là. L’INSEE montre dans le tableau 2.8, reproduit plus bas, l’ampleur de la captation pour le denier décile, celui qui recense les plus riches, en France. Les 1 % de ceux-ci détiennent, pour chacun d’entre eux, un patrimoine moyen de plus de 4 millions d’euros.

Les rodomontades du Président de la République, pour opérations de communication qu’elles soient, n’en sont pas moins indications précises quant à l’idéologie de son auteur. On doit à la ministre du Travail – une femme qui, pendant plus de dix ans, a occupé des postes de direction générale dans deux transnationales – d’avoir eu le mérite de s’être exprimée sans ambages ; elle déclarait le 4 juin 2018 dans un entretien publié par le quotidien La Croix « L’émancipation par le travail est notre projet de société ». Sans doute serait-il totalement déraisonnable d’espérer du gouvernement actuel, et particulièrement de son maître, une inspiration empruntée à Karl Marx. Celui-ci avait su montrer que, pour l’être humain qui l’accomplissait, le travail était aliénation, en effet, « le capital est du travail mort, qui ne s’anime qu’en suçant tel un vampire du travail vivant, et qui est d’autant plus vivant qu’il en suce davantage ». Il précisait cependant que, pour autant, le travail était à la fois aliénation pour le travailleur mais aussi émancipation qu’il spécifiait en mentionnant émancipation du travail – le travailleur vend sa force de travail pour vivre – et émancipation par le travail – il y a le temps de travail et le temps libre, celui-ci allant progressant grâce à l’amélioration de la productivité [6]. Chez les nouveaux maîtres à penser, ces gains de productivité doivent profiter aux propriétaires du capital, les premiers de cordée. Le graphique tracé à partir des données de l’INSEE pour la France, portant sur la période 1949-2010 et reproduit ici, éclaire cette affirmation. Encore faut-il se rappeler qu’en 2010, la politique de Monsieur Macron n’était pas à l’œuvre !

Celui-ci énonçait clairement sa pensée le 9 juillet 2018 dans une adresse au Congrès, « Si l’on veut partager le gâteau, la première condition est qu’il y ait un gâteau. Et ce sont les entreprises, rassemblant actionnaires, dirigeants et travailleurs, ce sont les producteurs qui font ce gâteau et personne d’autre. ». Il faut être salarié du secteur privé, sinon, on n’est pas in, on ne compte pour rien ; pensez, il y en a même, surtout des femmes, « qui sont pour beaucoup illettrées » Ainsi, les 31,5 % de PIB français représentant les dépenses sociales du pays en 2016 selon l’OCDE, ne sont que « pognon de dingue » disparaissant dans un puits sans fond. Mais que fait donc le personnel médical de tout le fric qu’on lui déverse ? Et les retraités, les chômeurs, les familles avec enfants, les handicapés... ? Et les enseignants ? Bref, on nous rebat les oreilles pourtant à satiété, avec les inadmissibles 56,2 % du PIB français consacrés aux monstrueuses dépenses publiques, à quoi donc servent-elles ? On ferait mieux de leur distribuer de la brioche à ces salauds de pauvres ! Comme le souligne Michel Husson, pour les thuriféraires du capitalisme financiarisé, ce n’est pas le chômage qu’il convient d’éradiquer mais, les dépenses qu’il entraîne. Et pourquoi pas les chômeurs eux-mêmes ? C’est vrai qu’ils n’ont pas même le bon goût de disparaître en Méditerranée. Eurostat a beau nous dire qu’en 2016, il y aurait eu 23,6 % de pauvres sans les transferts sociaux grâce auxquels, ce taux a été abaissé à 13,6 %, ce sont bien les riches qui supportent ça. Mais le monde est bien fait, parce que, eux les riches, ce faisant, ils le deviennent davantage encore !

On pourra relire « Devoir de vacances », on y verra que, à compter de 2022 et conformément aux engagements de Monsieur Macron, l’impôt sur les profits (IS) sera abaissé à 25 %, rapprochant ainsi la France du vertueux Luxembourg comme on le remarquera dans la figure 3 figurant dans cet article !

Quel fardeau !

En France, le Premier ministre – pour annoncer les coupes qui interviendront dans la protection sociale – affirme « nous faisons le choix du travail » ; le cadre de cette option est fixé par le président du MEDEF qui précise qu’il conviendra d’éviter « tout ce qui pourrait renchérir le coût du travail », en effet, comme chacun sait, le travail est un coût qui n’est pour rien dans la richesse produite dans les pays ! Les propriétaires du capital et le gouvernement actuel sont parfaitement d’accord, les premiers doivent demeurer les bénéficiaires du ruissellement, et même conviendrait-il d’en accroître le débit.

Les institutions financières internationales, qui ne peuvent pourtant pas être accusées d’être des repères gauchistes, appellent, depuis plusieurs années, les gouvernements à être attentifs au partage de la valeur ajoutée ; lire, par exemple Néolibéralisme ! Quoi, se serait-on trompé ?. L’ancien Économiste en chef du FMI, déclarait le 8 juillet 2018 au quotidien Le Monde : « les élites ne se sont pas assez préoccupées de la montée des inégalités ». C’est le moins que l’on puisse écrire si on en croit les riches données qui sont fournies par le World Wealth and Income Database à partir duquel est reproduit le graphique ci-dessous.

Pour sa part, la Banque mondiale, après avoir noté les progrès accomplis – de nouveau en régression ces deux dernières années – plaide dans Social Protection pour une vigoureuse protection sociale « alors que la conception et la promotion de l’adoption de programmes d’aide sociale ont marqué des avancées notables, il est tout aussi important d’investir massivement dans des initiatives qui améliorent les possibilités d’emplois et d’activités rémunérées, ainsi que dans l’expansion des programmes d’assurance sociale ». Heureusement, pour eux, les premiers de cordées mondiales savent préserver, et même accroître leurs intérêts ! Comment, dès lors s’étonner que, présentant le rapport mondial de la protection sociale, le directeur général de l’OIT puisse déclarer, en fin d’année 2017, que plus de la moitié de la population mondiale (55 %) se trouve sans aucune protection sociale. Pourtant, les Objectifs du développement durable définis, en septembre 2015, par les États-membres des Nations unies comportent l’exigence de « mettre en œuvre des systèmes nationaux de protection sociale pour tous ». On verra, dans la présentation qui vient d’être évoquée, que si la France veut approcher la situation des plus mal lotis, il lui reste encore du chemin à descendre ; peut-on espérer que les citoyens sauront s’opposer à ce casse social. Le Président de la République française pourrait sans doute dire à ces quatre milliards d’êtres humains que s’ils veulent se payer un costard, ils n’ont qu’à travailler !

L’institution de Washington, en association avec l’OIT, pour une période portant sur 26 ans (1991-2017), publie une vingtaine de graphiques interactifs relatifs à l’évolution mondiale du chômage pour les femmes comme pour les hommes, au nombre d’emplois dans les différents secteurs économiques, au travail des enfants, à la population active et à plusieurs ratios. On accède facilement à chacun d’eux à partir du site indiqué ici. On reproduit ci-dessous trois seulement de ces documents : le chômage dans la population active féminine et celui relevé dans la population masculine [7]. On y remarquera, entre autres, que, en moyenne dans le monde, on compte, en 2017, chez les hommes 5,2 % de chômeurs et 6,03 % chez les femmes.

Il convient de garder à l’esprit qu’il s’agit là de moyennes qui couvrent une très grande disparité ; en 2016 selon l’OCDE par exemple, le chômage va de 2,3 % en République tchèque à 26,4 % en Afrique du Sud. On notera aussi que les propriétaires du capital n’hésitent pas à recourir au chômage massif, notamment des femmes, pour sauvegarder leurs privilèges ; c’est ainsi qu’il passe de 6,86 % en 1999 pour s’abaisser à 5,82 % en 2007 et s’établir à 6,03 % en 2017.

Enfin on reproduit l’évolution du PIB par personne employée – exprimé en parité de pouvoir d’achat 2011 – il passe ainsi de 21 315 dollars PPA 2011 en 1991 à 34 609 en 2017. Comme on le voit, les salariés n’ont pas alimenté le capitalisme ! Que voulez-vous, il faut bien être en mesure de distribuer en 2017, 1 250 milliards de dividendes soit 8 % de mieux qu’en 2016. Mais ce n’est pas assez, au deuxième trimestre 2018, ce sont 12,9 % de plus qu’au second trimestre 2017. Comme le dit Monsieur Trump, c’est là un résultat fantastique.

On reproduit ci-dessous un tableau établi par l’Observatoire des inégalités et présenté en août 2018 à partir des données de l’OIT. On y voit que l’Asie du Sud (notamment Inde et Bangladesh) compte près de 300 millions condamnés à survivre avec moins de 3,10 $ par jour, le seuil défini par la Banque mondiale. Parmi les 731 millions de travailleurs pauvres, 90 % appartiendraient au secteur informel ; ils n’ont donc droit à aucune protection, aucune sécurité, rien ! Mais ils fournissent nos marques de prestige ou non. On se souvient sans doute de la catastrophe du Rana Plaza qui provoqua la mort de plus de 1 100 morts ; tous ceux qui travaillaient dans ce tombeau ouvert ne savaient pas que le fruit de leur exploitation partaient pour alimenter les profits des grandes marques occidentales de vêtements !

https://www.alternatives-economiques.fr/plus-demunis-boucs-emissaires-de-lequation-budgetaire/00085122

Et, en plus, ça s’accélère !

On a pu lire dans le précédent numéro des Possibles, Le niveau monte ! ; de surcroît, on assiste à l’accélération de ce dangereux phénomène, comme on peut en prendre connaissance dans un article publié le 18 juin 2018 dans la revue Nature présentant de travail de 84 scientifiques. On trouvera une analyse de cette étude ici.

Ainsi, entre 1992 et 2017, l’Antarctique a perdu 3 000 milliards de tonnes de glace et cette disparition s’est accélérée au cours de ces cinq dernières années. De ce fait, le niveau global des océans s’est, depuis le début des années 1990, élevé de 8 millimètres. En effet, il s’agit d’eau douce et non d’eau de mer gelée comme pour la banquise. Certains penseront que ce n’est rien à côté des 62 mètres qu’entraînerait la disparition totale de l’Antarctique, et sans doute de la vie sur terre !

Messieurs Poutine et Trump ont eu bien raison de s’entendre comme larrons en foire à Helsinki, parce que, sous les kilomètres d’épaisseur de glace du continent blanc, il y a des richesses de pétrole, gaz et autres pépites formées il y a 200 millions d’années ! Il faudra bien être deux, pour faire mieux que le Docteur Folamour de Stanley Kubrick réalisé en 1964 qui n’avait réussi à installer qu’un seul commandant fou sur sa bombe exterminatrice, résultat il a échoué...

En 2012, le continent – qui recèle 98 % des glaces permanentes du globe terrestre – n’avait perdu que 76 milliards de tonnes de glace, aujourd’hui, ce sont 219 milliards ; trois fois mieux qu’auparavant mais, comme signalé, il faut avoir présent à l’esprit que c’est la quasi-totalité des glaces terrestres qui se trouvent en Antarctique. En attendant l’apocalypse, telle que Jean la raconte dans les Évangiles catholiques, comme la fin des temps déjà décrite dans l’Ancien testament, il faudra se contenter de la montée des eaux.

Allez, réjouissons-nous, la fonte de la banquise va ouvrir de nouvelles routes maritimes au nord de la planète mais ça reste un pipi de chat à côté de la fonte de la glace de l’Antarctique ; ne laissons pas échapper pareil magot ! Les grincheux diront qu’il il va de la survie de l’humanité, et alors, le capital ne saurait s’arrêter à pareille broutille.

Nous les riches, avouons que la vie serait belle si on n’avait pas à se préoccuper de tous ces salauds de pauvres !

Les paradis fiscaux, encore !

On pourrait être tenté de penser tout savoir, ou beaucoup, à propos des paradis fiscaux. Il est vrai qu’on en connaît, à peu près les rouages, lire par exemple Les paradis fiscaux, c’est fini ou Gabriel Zucman qui estime à 40 % des profits des transnationales, la part qui va dans les pays à « fiscalités amicales ». Mais il se pourrait bien qu’il en aille comme pour les meilleurs plats, plus on les mitonne, meilleurs ils sont. Encore faut-il, il est vrai, de bons cuisiniers qui sachent vous révéler des saveurs cachées.

Une équipe de six chercheurs des universités de Stockholm et d’Amsterdam a publié le 13 août 2018 dans la revue Nature Ecology & Evolution une étude qui met en évidence les conséquences environnementales des ces pratiques fiscales censées êtres interdites.

La recherche s’appuie sur l’examen d’une part de la pêche industrielle, y compris dans ses pratiques très courantes mais illégales, d’autre part, de la filière soja et bœuf au Brésil. On sait que dans ce pays, grand comme quinze fois la France, la déforestation amazonienne, à laquelle les deux filières étudiées prennent une part prépondérante, atteint une destruction annuelle de plus de 27 000 km² – quelque 20 % de la superficie du territoire français manquent ainsi, chaque année, aux autochtones et à la captation mondiale du CO2 –.

S’agissant de la pêche industrielle, les chercheurs se sont attachés à la seule pêche illégale recensée par les services d’Interpol qui montrait que 70 % des navires ainsi identifiés battaient le pavillon d’un paradis fiscal. Il ne s’agit pourtant là que d’une très faible part prise par la pêche industrielle dans la destruction environnementale. Une étude publiée dans Science montre quelle intervient sur plus de la moitié de la surface des océans, s’arrogeant ainsi quatre fois la superficie des terres cultivées dans le monde.

Pour le bœuf et le soja brésiliens, il faut rappeler la place considérable qu’ils occupent sur la planète, au détriment, donc en partie, de la forêt amazonienne : la légumineuse oléagineuse est cultivée au Brésil sur plus de 35 millions d’hectares produisant, en 2017, plus de 110 millions de tonnes sur les près de 340 millions de tonnes récoltées dans le monde. Quelque 65 millions de tonnes brésiliennes seront exportées pour servir essentiellement de nourriture animale. En 2017, le Brésil avait abattu 23 millions de têtes bovines et se trouvait en être le premier exportateur mondial. À partir des données bancaires, l’étude a noté, de 2000 à 2011, 18 milliards de dollars officiellement investis dans le secteur ont été transférés en toute opacité à partir de paradis fiscaux.

Sont ainsi mises en évidence des pratiques fiscales préjudiciables au bien commun conduisant à un environnement fortement dégradé. Il reste évidemment qu’il conviendrait de pouvoir préciser les liens précis entre ces ressources passant par les paradis fiscaux et le prélèvement de ressources naturelles, les pertes des recettes fiscales des pays et leur capacité à préserver l’environnement.

Que fait le FMI ?

Évidemment, le souvenir de l’action de la Troïka dans l’achèvement de la destruction de la Grèce, ne plaide guère en faveur des participants à ce trio quant à leur engagement en faveur d’une protection sociale universelle. Encore faut-il rappeler que, dans le sinistre attelage formé avec la BCE et l’Union européenne, le FMI a été le seul – encore que la contrition était au moins aussi feinte que réelle – à se prononcer pour un allègement de la dette grecque première étape aussi évidente qu’indispensable pour mettre fin à la « crise ».

Au début des années 2000, sans doute en lien avec les critiques abondamment adressées aux deux institutions-sœurs de Washington, plus encore au FMI, a été créé l’ Independent evaluation office (IEO), officiellement indépendant de la direction et du conseil d’administration du Fonds pour en examiner, notamment, la crédibilité. Même s’il convient de ne pas se laisser séduire outre mesure par l’indépendance de cet organisme, il reste intéressant de parcourir ses rapports.

En 2017, l’IEO publiait une évaluation relative à The IMF and social protection Les analystes remarquent, semble-t-il avec une certaine satisfaction, que le FMI, sans doute poussé par la crise financière de la fin des années 2000, a accordé une plus grande attention à la protection sociale ; il faut dire que l’augmentation des inégalités et celle des prix des produits de base pesant lourdement sur les plus vulnérables, conduisaient l’institution à essayer à se moins laisser aveugler par les dogmes de l’orthodoxie financière. Elle y était conduite par le fait que les données macroéconomiques avaient quelque chose à voir avec la réalité politique et sociale.

Les auteurs se montrent indulgents envers l’objet de leur étude dans la mesure où, nous disent-ils, la protection sociale n’est pas spécifiée comme étant dans le champs des préoccupations du FMI. Ils notent qu’il s’est néanmoins penché sur le sort des catégories les plus vulnérables. Pourtant, les dépenses de santé et d’éducation, qui évidemment constituent un élément capital dans la réduction de la pauvreté et plus encore pour lutter contre les inégalités, ne sont pas examinées. On ne veut pas croire qu’il en serait ainsi parce c’est bien là le point nodal du capitalisme ! Mais le FMI a, dans plusieurs pays, couvert différentes activités relatives à la protection sociale, comme l’assistance technique mise en place à cette occasion ; il aurait mené une analyse approfondie des effets de répartition des revenus et examiné les moyens d’action possibles pour renforcer ladite protection. Bref, les examinateurs délivrent un satisfecit quant à la défense « énergique » de cette protection par l’institution, y compris en incluant dans ses contrats, des conditionnalités la rendant obligatoire.

C’est peut-être avec une pointe d’humour que les auteurs décèlent une contrainte idiosyncratic quand les experts du Fonds abordent les questions macroéconomiques ; hors langue de bois, on pourrait appeler ça, l’idéologie dominante, non ? Ils mentionnent aussi que le FMI s’est fait reprocher par les autorités locales de n’avoir pas tenu suffisamment compte des réalités des pays.

Les évaluateurs terminent leur travail par cinq recommandations visant à « renforcer » l’efficacité du Fonds.

    • Le FMI n’a pas les capacités ou les compétences pour participer activement à la protection sociale de tous les membres. Aussi convient-il d’élaborer un cadre stratégique clair établissant le périmètre, les objectifs et les limites du rôle joué par le FMI ; il devra prendre en compte, pays par pays, sa réalité. Reste une question essentielle quant aux sommes nécessaires pour ce faire. Qu’advient-il du milliard d’êtres humains vivant dans les pays les plus pauvres (les PMA) dont le PIB atteint à peine 2,5 % de celui du monde ?
    • Pour les pays où la protection sociale s’avère essentielle pour la situation macroéconomique – donc le pognon de dingue, aux yeux de certains, consacré à la protection sociale pourrait se révéler indispensable à la survie de ces pays – des conseils appropriés, bâtis avec les divers partenaires au développement devraient être élaborés. L’appel aux compétences extérieures est-il une sorte de garantie quant au contenu desdites recommandations ?
    • Pour atténuer les effets négatifs des meures arrêtées, pour les populations vulnérables, le FMI devra trouver des méthodes plus efficaces et réalistes ; il pourra s’appuyer sur le Policy paper présenté le 6 juin 2017 relatif à la réduction des inégalités. On reconnaît ici, que le FMI lui-même sait parfaitement comment instaurer une protection sociale, indispensable au demeurant !
    • Pour sauvegarder la réputation du FMI – serait-t-elle menacée ? – celui-ci devrait indiquer clairement ce qu’il peut et ne peut pas faire.
    • Le FMI devra participer activement à une coopération avec toutes les parties prenantes au développement.

Un mois après la remise de ce rapport, le Conseil du FMI l’a approuvé et a demandé à la direction de lui soumettre une plan d’application qui fut remis en février 2018 sous le titre Implementation Plan in Response. On y verra que la direction de l’institution met immédiatement en place les dispositions pour établir un cadre stratégique clair devant conduire le Fonds à participer à la protection sociale ; pour fournir à chaque pays des conseils personnalisés répondant à sa situation particulière ; pour élaborer des approches plus réalistes et plus efficaces quant à la conception des programmes et l’établissement de conditionnalités permettant de réduire les effets négatifs des mesures du programme sur les plus vulnérables ; pour exposer plus clairement la communication ; enfin, pour développer une coopération approfondie avec les autres institutions, notamment celles ayant des mandats et priorités qui différent de celles du Fonds.

Si l’analyse présentée par l’IEO et l’action censée s’ensuivre ne conduisent pas, tant s’en faut, à conclure que le FMI deviendrait parfait, elles mettent clairement en évidence que tous ceux qui dénoncent, et démontrent, le caractère néfaste, et erroné, de ce qui s’est appelé le consensus de Washington, ne travaillent pas, ne militent pas, pour rien. C’est un encouragement à poursuivre et amplifier ce travail.

Notes

[1On définit le seuil de pauvreté comme celui correspondant à un pourcentage défini du revenu médian de la population étudiée ; les pourcentages retenus sont généralement 60 %, 50 % ou 40 %.

[2Indice utilisé par Eurostat au sein de l’Union européenne, comme la PPA (parité de pouvoir d’achat) au plan international ; il est destiné à gommer les disparités propres à l’emploi des parités monétaires.

[3Indice de Gini : 0 signifierait une égalité parfaite et 1 une inégalité absolue.

[4Gabriel Zucman et deux autres experts estiment dans leur étude de décembre 2017 portant sur la richesse cachée par des contribuables français dans les paradis fiscaux à 300 milliards d’euros dont 150 milliards seraient le fait de 3 520 ménages français, représentant 0,01 % du total des ménages.

[5Olivier Blanchard, a été, pendant sept ans jusqu’en 2015, Chef économiste du FMI

[6On retrouvera ces démonstrations de Marx, notamment, dans le Livre I du Capital et dans les Grundrisse.

[7L’OIT définit la population active comme celle qui comporte tous les individus ayant, pendant une semaine de référence, disposé d’un emploi rémunéré.

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