La COP 29 s’est achevée alors que les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont atteint de nouveaux records en 2024, rendant particulièrement urgente, mais également hélas improbable, la limitation du réchauffement à 1,5 degré. Elle présente un bilan particulièrement décevant et préoccupant alors que les enjeux sont pourtant connus. Personne ne conteste (mis à part quelques voix ultraconservatrices, comme aux États-Unis par exemple) l’impact de l’activité humaine, notamment des pays riches et des multinationales, sur le réchauffement climatique et l’urgence de prendre des mesures. Il y a également unanimité pour estimer que le coût humain, environnemental et financier de l’inaction serait incomparablement plus élevé que le coût de l’action. Malgré cela, cette COP a montré que les pays riches ont tenté jusqu’au bout de minimiser leur contribution financière.
Le financement au cœur des enjeux
Les travaux le confirment de longue date. En 2006, le rapport « Stern » estimait le coût de l’inaction entre 5 % et 20 % du PIB mondial en 2050, soit bien plus que les 1% de PIB que le rapport estimait alors nécessaires à financer la transition. Plus récemment, l’Institut de recherche sur l’impact climatique (PIK) de Potsdam, en Allemagne a évalué à 38 000 milliards de dollars par an l’impact économique du changement climatique d’ici 2050. C’est un montant six fois plus important que le coût d’une limitation du réchauffement climatique à 2°C.
Qui doit payer ? Le constat est établi : les pays développés doivent tripler, voire quadrupler leurs efforts financiers pour aider les pays en développement. C’était bien l’objet de cette COP qui devait définir le nouvel objectif de financement climatique (NCQG, selon le sigle anglais), le dernier ayant été fixé lors des accords de Paris en 2015 à 100 milliards de dollars par an. Selon les travaux de l’ONU (Nouvel objectif de financement climatique : comment les pays en développement peuvent-ils en bénéficier ? (CNUCED), "les pays en développement auraient besoin d’environ 1 100 milliards de dollars de financement pour le climat à partir de 2025 et de quelque 1 800 milliards de dollars d’ici à 2030. (...) le nouvel objectif de contribution au financement de la lutte contre le changement climatique pour les économies développées serait de 890 milliards de dollars à partir de 2025 et de 1 460 milliards de dollars d’ici à 2030".
Un résultat largement en deçà des enjeux
Pour atteindre cet objectif, la contribution des pays « riches » est estimée au bas mot entre 300 et 400 milliards par an, soit bien plus que les 100 milliards d’aide annuelle que les pays riches devaient payer en 2020. Or, leur contribution, soit 89 milliards réellement versés en 2022 sur les 100 attendus initialement en 2020, recouvre majoritairement des prêts. L’effort réel est donc bien plus faible. Pour l’ONG OXFAM, la « valeur réelle » des financements climatiques fournis par les pays riches en 2022 est comprise entre 28 et 35 milliards de dollars, dont seulement 15 milliards de dollars ont été spécialement alloués aux efforts d’adaptation. Ces États estiment pourtant avoir réglé ce qu’ils devaient et avancent que d’autres États, comme la Chine, ou le secteur privé, doivent également contribuer.
Parce qu’il était inconcevable que la COP s’achève sans aucun texte ni aucune perspective, sa déclaration finale réaffirme la nécessité de limiter le réchauffement climatique. Mais une fois de plus, l’enjeu de mieux répartir les richesses afin de financer les besoins environnementaux et sociaux aura pesé sur les discussions et débouché sur un engagement minimum : un engagement des pays riches de porter leur contribution de 100 milliards de dollars à au moins 300 milliards de dollars d’ici 2035, soit bien loin des 1 000 milliards nécessaires et des 500 milliards qui ont été avancés comme un compromis possible. Ce financement prendra la forme de prêts et de dons. Autrement dit, une fois de plus, la contribution nette des pays riches sera faible, et ignorera la notion de dette climatique des pays riches envers les pays du Sud.
Du G20 à la COP 29, le double jeu des pays riches
La responsabilité des pays riches, qui sont les plus grands pollueurs et contributeurs au réchauffement climatique, est donc immense et ce d’autant plus que, dans le cadre des discussions du G20, ils ont eu tout récemment l’opportunité d’instaurer un impôt minimum sur les plus fortunés. Rappelons que ce projet consistait en une taxation minimale de 2 % sur la fortune des 3 000 personnes dont le patrimoine dépasse le milliard de dollars dans le monde, ce qui rapporterait entre 200 milliards et 250 milliards de dollars (soit 185 à 230 milliards d’euros environ) par an, soit la grande majorité de la contribution des 300 à 400 milliards d’euros.
Le G20 se sera finalement conclu par un engagement de mieux lutter contre l’évasion fiscale sans fixer de perspective quant à l’instauration d’une taxe sur les milliardaires. Dans sa déclaration finale, le G20 n’a même pas repris l’engagement à « opérer une transition juste, ordonnée et équitable vers une sortie des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques » de la dernière COP à Dubaï. Si la déclaration reconnaît « le besoin d’augmenter la finance climatique » et de la porter à « des milliers de milliards de dollars, provenant de toutes les sources » elle reste vague et s’en remet à la COP. Pendant la COP29, les membres du G20 ont dès lors eu tout le loisir de renvoyer la question du financement sur les autres pays.
A côté de cette taxation des plus riches de la planète, une autre piste serait de taxer l’extraction des fossiles dans les pays les plus riches, ce qui, selon des ONG comme Greenpeace, Action Aid et le Climate Action Network, pourrait rapporter 720 milliers de dollars d’ici 2030
Plus largement, les pays riches ont également la responsabilité de respecter pleinement leur engagement de financer l’aide au développement, et non pas de faire des prêts aux pays du Sud, ou encore d’annuler la dette des pays pauvres, souvent les plus exposés au réchauffement climatique, dette qu’ils ont largement contribué à nourrir.
Mais ils doivent également mettre en œuvre des politiques pour diminuer drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre. En effet, depuis l’accord de Paris, les plans climat de chaque État signataire de l’accord doivent être présentés à l’ONU. Pour le moment, le compte n’y est pas puisque l’ONU estime que les engagements actuels conduiraient à une baisse de 2,6 % des émissions d’ici 2030 par rapport à 2019, alors qu’elles doivent diminuer de 43 % pour respecter l’objectif de ne pas dépasser une hausse globale de 1,5 °C de la température mondiale.
Les COP sont à l’image du monde dirigé par les grandes puissances de la finance et du pétrole : les responsables de l’ONU peuvent faire des déclarations sur la justice climatique, les représentants des États les plus pauvres et des zones insulaires peuvent alerter une nouvelle fois sur les dangers qui menacent les populations, à la fin ce sont les lobbies des énergies fossiles et les dirigeants des pays les plus pollueurs qui dictent la politique climatique internationale. Accueillie par le dictateur Ilham Aliyev, la COP29, la dernière avant le retour de Trump aux affaires, n’aura pas fait exception : si quelques voix du Sud ont pu se faire entendre à défaut d’être écoutées, le multilatéralisme climatique aura une nouvelle fois fait la preuve de son impuissance, tant les pays riches s’obstinent à perpétuer une répartition des richesses de plus en plus inégale et une absence d’ambition en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Leur responsabilité dans le réchauffement climatique, la crise démocratique et la montée des extrêmes droites ou encore dans la hausse des inégalités n’en est que plus immense.