1. Le chantage à la dette publique pour justifier les politiques d’austérité
Depuis son arrivée à Matignon, dans ses annonces budgétaires le 15 juillet et tout au long de l’été, François Bayrou a dramatisé la situation de la dette publique pour justifier un budget injuste. Il a notamment déclaré que « notre pronostic vital comme État est engagé ». Depuis 1993, il n’a cessé de répéter le même discours. On se souvient aussi qu’en 2007, François Fillon déclarait « Je suis à la tête d’un État en faillite ».
Ce type d’arguments est fait pour nous tétaniser. Les macronistes sont en train de rejouer le sketch joué par Margaret Thatcher avec son « There is no alternative ». Il n’y a pas d’alternative, c’est soit un budget injuste soit la catastrophe. Alors, ne nous laissons pas intoxiquer, voici quelques arguments pour nous défendre.
Les macronistes ne cessent de parler de « surendettement ». Cela fait peur, car un ménage surendetté se retrouve enfermé dans une spirale infernale. Mais est-ce pertinent de comparer l’État à un ménage ? Le ministre de l’enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a déclaré que « Chaque Français doit, en gros une DS7 neuve, c’est 45 000 euros ». Il a divisé le montant de la dette publique par le nombre de Français
es. Cela fait peur : quand un enfant nait, il a déjà une dette de 45 000 euros.Mais cela n’a aucun sens, aucun
e Français e ne va devoir rembourser cette somme au cours de sa vie. Chaque mois l’État réemprunte les sommes qu’il vient de rembourser, il ne rembourse donc pas sa dette : c’est ce qui s’appelle faire rouler sa dette. En effet, l’État est immortel : contrairement à un ménage, il ne doit pas rembourser sa dette au cours de sa vie. L’État n’est pas un ménage, la comparaison n’a aucun sens mais est destinée à nous faire peur.Les macronistes répètent que la dette publique était de 3 300 milliards d’euros fin 2024 et de 3 345 milliards d’euros à la fin du premier trimestre 2025. C’est vrai. Mais en face de cette dette, il y a un patrimoine, l’État détient des bâtiments, des terrains, des actions, des œuvres d’art... Par exemple, nos enfants (remarquez qu’ils s’en soucient beaucoup moins quand il s’agit du réchauffement climatique) n’auront pas à construire l’hôpital dans lequel ils seront soignés ou l’école dans laquelle ils apprendront à lire.
Or, ce patrimoine est supérieur à la dette. Si bien que le patrimoine net (la différence entre le patrimoine et la dette) était de 735 milliards fin 2023 selon Fipeco. La dette ne s’est pas créée par de l’argent jeté par les fenêtres, elle a servi à financer des investissements publics dont bénéficieront les générations futures. Ce que les gouvernements vont léguer aux générations futures en revanche, c’est une dette écologique dramatique dont ils ne se sont guère souciés. De plus, dans des pays où l’intervention de l’État est moins importante, les individus se retrouvent réellement endettés quand ils souhaitent faire des études ou sont hospitalisés. On se souvient de ces patient es qui, aux États-Unis, étaient ressortis de l’hôpital suite à une hospitalisation en soins intensifs liée au Covid avec une facture de plus d’un million de dollars.
Les macronistes aiment également répéter que « chaque seconde, la dette de la France augmente de 5 000 euros ». C’est vertigineux, ça fait peur. Mais il suffit de faire un petit calcul pour relativiser cela. Le rapport sénatorial sur les aides publiques aux entreprises, publié en juillet 2025, a calculé qu’elles coûtent 211 milliards d’euros par an. Cela représente 6 690 euros par seconde !
La notion de surendettement pourrait également laisser penser que le remboursement de la dette est insupportable et empêche des dépenses utiles, par exemple pour investir dans la bifurcation écologique. Il est vrai que les intérêts de la dette représentent une part non négligeable des dépenses publiques. Mais, quand on regarde sur deux siècles, la part des dépenses publiques consacrée au remboursement de la dette n’a jamais été aussi faible, à part à la fin des Trente Glorieuses [1] ! Si on la rapporte au PIB, la charge d’intérêt représente 2%, c’est en légère hausse depuis la crise Covid, mais bien inférieur aux années 1990 (plus de 3%). On voit bien que cela n’a rien d’insupportable.
Un autre argument agité est celui de la hausse des taux d’intérêt. Oui, ils ont augmenté ces derniers mois. Mais ce n’est pas principalement à cause d’une dette jugée trop élevée par les marchés financiers. Deux facteurs majeurs expliquent la remontée des taux. Tout d’abord, la remontée des taux d’intérêt pratiqués par la Banque centrale européenne entre 2019 et 2023 : le principal taux directeur de la BCE (appelé taux de dépôt) est ainsi passé de -0,50% en 2019 à 4% en 2023. Ce taux est redescendu à 2% aujourd’hui, mais avait été nul pendant toute la décennie 2010.
La deuxième explication de la remontée des taux d’intérêts sur la dette française est liée au contexte politique : c’est la dissolution de 2024 puis l’annonce du vote de confiance en 2025 qui ont été à l’origine de la récente montée des taux sur la dette française. Pompiers pyromanes, les macronistes agitent la menace de la dette publique tout en créant les conditions pour que les taux d’intérêt s’envolent. Une des explications possibles est qu’ils cherchent sciemment à accentuer la pression des marchés financiers afin de renforcer leur narratif d’une cure d’austérité inéluctable [2].
Enfin, l’argument ultime utilisé par les libéraux pour nous tétaniser est de dire que c’est soit ce budget, soit le FMI va intervenir et là ce sera vraiment l’austérité. Pour cela, ils font le parallèle avec la situation de la Grèce au début des années 2010.
Rappelons que quand le FMI est intervenu en Grèce, la dette publique y représentait 177% du PIB (contre 113% en France fin 2024), le déficit public représentait 13% du PIB (contre 5,8% en France en 2024) et surtout, les taux d’intérêt avaient atteint des niveaux incomparables avec ceux auxquels la France emprunte aujourd’hui (en août 2011, les taux à 10 ans étaient de 18,54 % en Grèce, contre 4,50% en France aujourd’hui). Bref, la situation n’a absolument rien à voir, et cette menace est un pur chantage.
Le ministre de l’économie Eric Lombard a d’ailleurs reconnu fin août que la France n’est « aujourd’hui sous la menace d’aucune intervention du FMI ou de la BCE ».
Mais comment expliquer la hausse de la dette ?
2. La dette de l’injustice fiscale
Il est indéniable que la dette a augmenté ces dernières années, mais à qui la faute ?
Selon les libéraux, cela s’explique par un dérapage des dépenses publiques.
Contrairement à une idée fausse très répandue, et répétée par François Bayrou (« nous sommes devenus accros à la dépense publique ») la hausse de la dette ne s’explique pas par une hausse des dépenses publiques qui sont en réalité très stables : entre 2017 et 2024, elles sont en effet passées de 57,7% du PIB à 57,3% du PIB.
La hausse de la dette publique vient essentiellement d’une baisse des recettes : entre 2017 et 2024, les recettes publiques sont passées de 54,3 % du PIB à 51,4% selon l’INSEE. C’est aussi ce que montre une note de l’Observatoire français des conjonctures économiques publiée le 11 juillet 2025 : le creusement du déficit public français depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à la tête de l’État s’explique par la baisse du taux des prélèvements obligatoires, et non pas par une dérive des dépenses publiques ! Or, François Bayrou a concentré ses annonces sur une baisse des dépenses.
Depuis 2017 la dette publique a été creusée par les baisses d’impôts dont ont bénéficié les plus riches et les grandes entreprises. Attac a montré dans son rapport sur « La dette de l’injustice fiscale » que depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, les baisses d’impôts et de prélèvements représentent au moins 308 milliards d’euros de manque à gagner pour les finances publiques, dont 207 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches et aux grandes entreprises :
- suppression de l’ISF et remplacement par l’IFI qui ne taxe que le patrimoine immobilier, alors que le patrimoine des ultra-riches est composé essentiellement d’actions
- prélèvement forfaitaire unique, ou flat tax, qui taxe les revenus financiers au taux proportionnel de 30% : non seulement les dividendes et autres revenus financiers ne sont pas taxés selon le barème progressif de l’IR, mais ils sont moins taxés que les revenus du travail
- 4 rapports du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital ont montré que ces deux réformes n’ont eu aucun effet sur l’investissement et l’emploi (pas de ruissellement) mais ont aggravé les inégalités en faveur des très riches
- suppression de la taxe d’habitation : 20% des ménages les plus aisés ont capté 45% des gains de cette réforme
- baisse du taux d’impôt sur les sociétés de 33,3% à 25%
- baisse des impôts de production
- aides massives aux entreprises, devenues le 1er Budget de l’État : les 211 milliards d’aides publiques aux entreprises constituées très majoritairement de « niches fiscales et sociales ». Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale vient de montrer qu’elles sont versées sans condition, sans contrôle, sans transparence.
Cette tendance a même commencé sous Hollande, quand Macron était ministre de l’économie :
- CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), depuis transformé en allègement pérenne de cotisations sociales
- Pacte de responsabilité, qui a consisté en un allègement des cotisations sociales
Si la législation fiscale et le niveau des recettes sociales avaient été figés entre 2014 et 2023, la dette publique se serait élevée à 93,8 % du PIB fin 2023, au lieu de au lieu de 109,9%.
3. Un budget injuste
Et c’est ainsi que Macron et Lecornu entendent nous faire docilement accepter un budget injuste, en baissant les dépenses publiques.
Alors qu’en réalité, ce budget, c’est le rêve des libéraux, mais il fallait bien dramatiser la situation pour nous faire accepter l’addition.
Leur projet, c’est de détruire les services publics
La baisse des effectifs des fonctionnaires est au programme du « centre » et de la droite depuis des décennies, on a aujourd’hui un prétexte tout trouvé pour justifier la suppression de 3 119 postes de fonctionnaires en 2026 puis le non remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite à partir de 2027.
On sait aussi que les métiers de la fonction publique ont un problème d’attractivité, notamment à cause des faibles salaires versés et de conditions de travail de plus en plus dégradées. Par exemple, dans l’Éducation nationale, on n’arrive plus à recruter aux concours, et le gouvernement avait dû se résoudre à des hausses de salaires pour les débuts de carrière. On a aujourd’hui un prétexte parfait pour mettre fin aux revendications salariales et geler le point d’indice des fonctionnaires, ce qui se traduira par la baisse du pouvoir d’achat de millions d’agent.es.
Leur projet c’est de détruire la protection sociale
Sous couvert de « responsabilisation des patients », le gouvernement Lecornu a annoncé un effort de l’ordre de 7,1 milliards sur les dépenses de santé, via de nouveaux déremboursements de médicaments, des économies sur les malades souffrant d’affections de longue durée et les arrêts-maladie...
Le PLFSS 2026 prévoit ainsi le doublement des franchises médicales : 2 euros sur une boîte de médicament (par exemple : pour une boîte de Doliprane de 2,18 euros, seulement 18 centimes seront remboursés), 4 euros sur une consultation médicale, 16 euros pour un aller-retour en transport sanitaire.
Ainsi, certains médicaments des personnes atteintes d’affection de longue durée ne seront plus remboursés à 100 % par la Sécurité sociale, ce qui signifie qu’il faudra prendre une complémentaire santé : mieux vaudra être riche pour avoir une couverture sociale digne de ce nom.
Voilà comment on réduit la part de la protection sociale et qu’on augmente la part des dépenses de santé qui relèvent du privé selon une logique individuelle et non pas solidaire.
Leur projet, c’est de faire les poches des plus précaires, qui ne votent pas ou ne votent pas pour eux, tout en épargnant la base de leur électorat, les plus riches. Quelques mesures cosmétiques sur les plus riches, purement symboliques, mais ne nous y trompons pas, ce sont les plus pauvres qui vont morfler.
« L’année blanche » aura des effets particulièrement néfastes pour les plus pauvres.
Le gouvernement a annoncé une « année blanche ». Ce terme est relativement méconnu, mais une telle mesure aurait des effets particulièrement néfastes.
L’année blanche consiste en un gel de l’ensemble de la dépense publique et des différents dispositifs de type barème de l’impôt sur le revenu. En d’autres termes, les mécanismes d’indexation sur l’inflation seraient neutralisés.
Concrètement, l’année blanche signifie principalement un appauvrissement des plus pauvres, des classes moyennes et de nombreux retraités. L’OFCE a montré qu’un gel de toutes les prestations sociales (dont l’indemnisation du chômage et les pensions de retraite) permettrait une économie d’environ 5 milliards d’euros. Les retraités en supporteraient l’essentiel (3,7 milliards d’euros). Les plus pauvres seraient également frappés par l’absence de revalorisation des minima sociaux, ce qui contribuerait à augmenter un taux de pauvreté déjà record.
Concrètement, pour l’ensemble des bénéficiaires des prestations sociales, cela signifierait une baisse du pouvoir d’achat et, par conséquent, une baisse de la consommation, laquelle serait mécaniquement synonyme de baisse du chiffre d’affaires des commerçants et des entreprises. Selon l’OFCE, « Les 5 % de ménages les plus modestes perdraient ainsi près de 1 % de revenu disponible (...) Pour les ménages du centre de la distribution, l’impact serait de l’ordre de 0,5 % et pour les 5 % de ménages les plus aisés inférieur à 0,3 % ». L’effet pourrait être bien plus prononcé si l’on tient par ailleurs compte d’un gel des dépenses de santé, d’un gel de la valeur du point d’indice de la fonction publique et du gel des dotations aux collectivités, déjà sous pression avec la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.
L’année blanche rendrait par ailleurs imposables plusieurs centaines de milliers de foyers fiscaux (aux alentours de 500 000 voire 600 000) et se traduirait par une hausse de l’imposition des revenus de près de 20 millions de foyers fiscaux sans toutefois en renforcer la progressivité.
L’austérité, c’est anti-économique
Signalons enfin qu’une politique d’austérité serait tout simplement anti-économique car elle se traduit nécessairement par une perte de pouvoir d’achat pour les ménages et par une baisse de l’activité des entreprises. Au final, elle se révèle budgétairement particulièrement coûteuse : de nombreux travaux ont ainsi montré que les ratios de la dette publique sur le PIB ont en définitive été plus élevés avec les consolidations budgétaires qu’ils ne l’auraient été si ces dernières n’avaient pas été adoptées [3].
L’objectif de l’austérité est en réalité de priver l’action publique et la protection sociale de ressources afin d’en livrer des pans entiers au secteur marchand.
4. Un budget sexiste, anti-écologique, raciste et guerrier
Budget austéritaire : les femmes en première ligne
Le budget Lecornu s’inscrit dans la même logique que celui présenté par Bayrou et rejeté à juste titre par l’Assemblée nationale : un budget de guerre socialement injuste et sexiste !
Des services publics sur l’ensemble du territoire, urbain comme rural, avec des agent
es en nombre suffisant, bien formé es et bien rémunéré es, sont une condition importante de l’accès à l’égalité et à l’autonomie pour les femmes. En tant qu’usagères et en tant que travailleuses (la majorité des agent es de la fonction publique sont des femmes,) ce sont elles qui paieront le prix fort des baisses d’effectifs et de la précarité généralisée dans l’accès à l’école, les crèches, les garderies, l’hôpital ou les activités culturelles car ce sont elles qui assurent encore très majoritairement ces tâches.Un nombre important de femmes parmi les plus pauvres et les plus précaires subiront de plein fouet tout gel de la revalorisation des aides et des minima sociaux. Pour les familles monoparentales, dont la très grande majorité ont des femmes à leur tête, c’est l’accélération des processus de pauvreté comme pour les bénéficiaires du minimum vieillesse (61% de femmes).
Les coupes dans les budgets des collectivités territoriales et dans les subventions aux associations conduisent à la disparition de structures de terrain indispensables à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, pourtant présentée un temps comme une « grande cause nationale »…
Un projet politique qui naturalise l’usage de la violence pour résoudre les conflits (à travers la guerre) valorise la masculinité violente, limite les masculinités alternatives au détriment de la justice de genre et de la paix sociale.
Ce projet de budget basé sur la guerre militaire et sociale est un budget contre les droits des femmes et leur droit à l’autonomie pour choisir librement leur vie.
L’écologie sacrifiée par l’austérité budgétaire et les politiques écocides
Le projet de budget gouvernemental s’inscrit dans une politique écocidaire : on rogne les dépenses sur les services et les investissements nécessaires à la protection des écosystèmes et à une bifurcation écologique, on autorise des projets destructeurs coûtant des milliards d’euros et on favorise des politiques dangereuses, par exemple pour la santé, qui à terme vont largement augmenter les dépenses publiques.
L’austérité pour l’écologie
L’austérité budgétaire pèse sur des nombreux postes de financements publics, parmi lesquels les missions allouées à l’écologie :
- baisse de plus de 2 milliards d’euros des crédits alloués à la mission écologie dès 2025,
- réorganisation ou disparition pure et simple des « agences improductives » qui pilotent les politiques écologiques.
La lutte contre les dérèglements climatiques au point mort
Emmanuel Macon s’est désormais rangé du côté des économies budgétaires, pas du côté des économies d’énergie. Même la Cour des comptes en septembre 2025 pointe l’insuffisance des financements actuels : « Atteindre la neutralité carbone en 2050 suppose de doubler les investissements actuels d’ici 2030. Les besoins s’élèvent à plus de 200 Md€ par an, dont environ 100 Md€ supplémentaires pour l’atténuation du changement climatique. »
Les attaques contre le vivant coûtent cher
L’autorisation des pesticides, facilitée par la loi Duplomb, pourrait coûter 8 milliards d’euros par an (frais de santé, conséquences sur les organismes vivants, coûts supplémentaires pour la gestion et la réduction des impacts des pesticides).
Une fiscalité anti-écologique
La fiscalité devrait être un outil pour réorienter les productions et réorganiser écologiquement les politiques publiques. Mais aucun outil fiscal n’est mis en œuvre au service de la bifurcation, ni sur le bâti, ni sur le secteur aérien ou la production de véhicules lourds (SUV), ni bien sûr sur les plus riches, alors que le patrimoine financier de 63 milliardaires français émet autant de gaz à effet de serre que celui de 50 % des ménages en France. Traquer les niches fiscales brunes (67 milliards d’euros selon le RAC) devrait être une priorité pour mettre la fiscalité au service du vivant.
Les finances publiques au service des projets écocides
Pour les projets destructeurs du vivant, pas d’austérité : l’État et les collectivités locales sont prêtes à débourser les milliards nécessaires pour imposer ce qui ne contribuera qu’à accentuer la destruction de la biodiversité, alors que de tels financements pourraient servir à développer des infrastructures utiles, par exemple pour développer le fret ferroviaire.
Le cout de l’inaction climatique
Selon la Cour des comptes, "un scénario de statu quo des politiques menées face au dérèglement climatique entraînerait une perte de 11,4 points de PIB à l’horizon 2050".
Un budget guerrier et raciste
Le discours macroniste sur la « responsabilité budgétaire » cache une volonté de réarmer à l’extérieur, contrôler à l’intérieur. De l’argent pour les armées, la police, les prisons et les frontières, de l’austérité pour les hôpitaux et les écoles, exclusion des minorités et dépendance des Outre-mer, c’est choisir la guerre, la répression et la hiérarchie raciale aux dépens des droits et des services publics.
En 2025, les armées sont le premier poste budgétaire, devant l’Éducation (95,36 Md€ contre 86,94 Md€). L’Éducation nationale perd des postes, les hôpitaux sont asphyxiés, les aides sociales rognées. La France, deuxième exportateur mondial d’armes, augmentera encore son budget défense avec le plan européen Rearm Europe. Elle se fait fer de lance du réarmement continental et de la dérégulation industrielle, au risque d’un glissement autoritaire et d’un engrenage vers la guerre.
Cette militarisation s’accompagne d’une austérité racialisée. Le budget de l’asile est réduit de 71 millions d’euros. Le mythe du « coût de l’immigration » est réactivé, malgré les faits : les immigré
e s paient 12 milliards d’euros d’impôts chaque année et le racisme économique prive la France de 10 milliards d’euros de PIB par an selon France Stratégie.Dans les Outre-mer, les coupes dans le logement, la santé et l’éducation se combinent à la dépendance alimentaire et aux pollutions héritées du colonialisme. Ces territoires demeurent des périphéries économiques : importateurs captifs, consommateurs forcés et lieux de rente pour les grands groupes.
Ce budget consacre une hiérarchie des vies — européennes, blanches, militarisées d’un côté ; racisées, exilées ou ultramarines de l’autre. Face à cette fuite en avant guerrière et autoritaire, un autre budget est vital : un budget pour la paix, la justice sociale et la souveraineté des peuples.
5. L’austérité n’est pas une fatalité, un autre budget est vital
François Bayrou a affirmé que « toutes les idées d’améliorations seront bienvenues » . Chiche ! Attac a de nombreuses propositions pour un budget juste.
Il est en effet tout à fait possible de récupérer 40 milliards dès 2026 sans impacter les classes populaires et moyennes et sans mettre les PME à contribution :
La taxe Zucman
Au lieu de faire payer toute la population, il faut mettre fin aux privilèges fiscaux des ultra-riches. C’est ce que permettrait la taxe Zucman, que le Sénat a rejetée en juin après qu’elle avait été adoptée par l’Assemblée nationale. Elle rapporterait entre 15 et 25 milliards d’euros et viendrait corriger une anomalie : les 0,1% les plus riches payent proportionnellement moins d’impôts que le reste de la population.
Cela est aujourd’hui largement reconnu, y compris par le gouvernement : le système fiscal français est globalement progressif, mais devient dégressif pour les 0,1 % les plus riches. Cela heurte le principe d’égalité devant l’impôt, pourtant reconnu dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, aujourd’hui intégrée dans la Constitution, dont l’article 13 indique que « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Or, la population française dans son ensemble paie en moyenne environ 50 % de ses revenus en impôts et cotisations sociales, contre 27 % pour les milliardaires [4]. L’économiste Gabriel Zucman a proposé un mécanisme qui permettrait de faire en sorte que les 1 800 foyers les plus riches paient des impôts à hauteur de 2% de leur patrimoine.
Le gouvernement, a rejeté cette taxe au motif qu’elle serait « confiscatoire » et donc « inconstitutionnelle » : or, le patrimoine des plus riches s’accroit de plus de 2% par an, donc même avec cette taxe, ils continueraient de s’enrichir. Il s’agit donc d’une taxe qui vise simplement à rétablir le principe d’égalité devant l’impôt, qui a aujourd’hui une valeur constitutionnelle. De Macron à Bardella, un autre argument est utilisé pour rejeter cette taxe : elle ferait fuir les riches. Or, une note récente du Conseil d’analyse économique (dont le rôle est de conseiller le Premier ministre) vient balayer cet argument en montrant qu’une hausse de la fiscalité du patrimoine entraînerait un exil fiscal très limité, et un effet marginal sur l’économie [5].
Soucieux de donner des gages d’équité, François Bayrou a lourdement insisté sur le fait que « tout le monde devra participer à l’effort » et a annoncé une très vague et non chiffrée lutte contre « l’optimisation abusive des patrimoines non productifs ». Pour l’heure, nous n’en savons pas plus sur le dispositif envisagé. Il est parfois évoqué une sorte de « mini taxe Zucman » de 0,5% qui excluerait le patrimoine professionnel. Or, comme la fortune des milliardaires est principalement composée d’actions, exclure les biens professionnels reviendrait à ne taxer qu’une petite partie de leur patrimoine. Ne nous y trompons pas : il s’agira d’une contribution purement symbolique des ultra-riches, bien loin de ce que rapporterait la taxe Zucman et qui ne règlera pas le problème qu’elle prétend combattre, puisque les ultra-riches continueront de payer moins d’impôts que le reste de la population.
La revue des niches fiscales
Dans sa note « Qui veut gagner des milliards ? En finir avec les niches fiscales injustes », Attac montre qu’il est possible de récupérer de 17 à 19 milliards à court terme en remettant en cause les niches climaticides et en procédant à une revue des niches les plus coûteuses et injustes. Nous montrons qu’il est possible d’atteindre ces objectifs en procédant notamment à :
- Une réforme du crédit d’impôt pour emploi d’un e salarié e à domicile, peu efficace et dont le plafond ne concerne qu’une infime minorité de contribuables aisé es. Une baisse du plafond à 3 000 euros concernerait uniquement les plus aisé es et permettrait de dégager 1,75 milliard d’euros de recettes supplémentaires ;
- Une réforme du « pacte Dutreil », aujourd’hui non plafonné, qui permet des économies d’impôts considérables aux ultra-riches transmettant une holding familiale et contribue à la reconstitution d’une société de rentiers. L’instauration d’un plafond, pour mettre à contribution les plus riches sans pénaliser les transmissions de PME, permettrait de dégager au moins un milliard d’euros ;
- Une réforme en profondeur du crédit d’impôt recherche, qui profite surtout aux très grandes entreprises sans inciter à véritablement investir dans la recherche. Cela permettrait de dégager des recettes pour la recherche publique. Sur les 7,8 milliards d’euros que coûte le CIR, au moins 3 milliards peuvent être dégagés à court terme ;
- Une réforme du mécénat d’entreprise, qui profite surtout aux plus grandes entreprises et est souvent détourné de son objectif initial. Sa révision viserait à ce que ce dispositif ne soit plus utilisé à des fins de promotion commerciale par les groupes qui y ont recours, et permettrait de dégager 500 millions d’euros ;
- Une remise en cause des niches en matière de fiscalité du patrimoine permettrait de dégager de 3 à 5 milliards d’euros ; celle des niches brunes environ 7,5 milliards d’euros ;
- Le renforcement du contrôle de l’ensemble des dispositifs dans le cadre d’une lutte résolue contre la fraude fiscale.
À elles-seules, ces deux mesures rapportent déjà 40 milliards. Il faut cependant aller plus loin en réorientant profondément la politique fiscale à l’œuvre depuis 2017. Les 4 rapports du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, nommé par Emmanuel Macron pour évaluer les effets de la transformation de l’ISF en IFI et de la création de la flat tax, ont montré que ces mesures n’ont eu aucun effet sur les investissements ou l’emploi, mais ont creusé les inégalités en faveur des plus riches.
Au lieu de demander des sacrifices à l’ensemble de la population, il est temps de revenir sur ces cadeaux fiscaux injustes et inefficaces et de réhabiliter les objectifs historiques de la politique fiscale : financer l’action publique et réduire les inégalités. À moyen et long termes, bien d’autres mesures pourraient donc permettre de financer les urgences sociales et la bifurcation écologique.
Un ISF rénové
Dès son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron a remplacé l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) par un impôt sur la fortune immobilière (IFI), excluant les actifs financiers de la taxation du patrimoine.
Le Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital a évalué l’impact de la suppression de l’ISF et de la flat tax et a rendu 4 rapports, dont le dernier en octobre 2023, présenté comme le rapport final. A rebours de la théorie du ruissellement, aucun effet sur l’investissement ou l’emploi n’a été constaté ! En revanche, il a bien été constaté une hausse spectaculaire de la distribution de dividendes et de réalisations de plus-values et une forte concentration de ces revenus sur les plus aisés, ce qui a fortement contribué à nourrir les inégalités en faveur des plus riches.
La suppression de l’ISF coûte un « pognon de dingue » : en 2022, l’IFI a rapporté 1,8 milliard d’euros alors que les recettes de l’ISF auraient du s’élever à 6,3 milliards d’euros. La perte de recettes fiscales liée à la transformation de l’ISF en IFI est donc estimée pour la seule année 2022 à 4,5 milliards d’euros. Ce coût exorbitant doit être mis en parallèle avec la non efficacité de cette mesure sur l’économie réelle.
Demander le retour d’un impôt sur la fortune ne signifie pas demander le retour à l’identique de l’ex-ISF qui présentait de nombreux « trous dans la raquette » avec l’existence de niches fiscales profitant aux plus gros contribuables. Nous proposons d’asseoir l’ISF sur l’ensemble des actifs d’un e contribuable (immobiliers, mobiliers et financiers), d’élargir son assiette et de renforcer sa progressivité. Ce sont entre 10 et 15 milliards d’euros qui pourraient être dégagés grâce à un ISF rénové à l’assiette plus large que l’ancien ISF.
Rétablir la progressivité de l’imposition des revenus financiers en supprimant la flat tax
Le Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU, ou flat tax) consiste en la taxation forfaitaire de tous les revenus du capital mobilier (actions, placements, SICAV, assurances-vie, etc.) à un taux fixé à 30%, alors qu’avant 2017 ils étaient soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Le PFU augmente la différence de taxation entre revenus du travail et revenus du capital. Alors qu’en 2013, les revenus du travail étaient imposés à un taux de 7 points supérieur à ceux du capital, en 2019, la différence entre les deux était passée à 16 points. La répartition extrêmement inégale entre revenus du travail et revenus du capital est donc encore augmentée par la taxation qui avantage considérablement ces derniers. Ce mécanisme profite essentiellement aux plus aisé
e s : pour les 100 contribuables les plus riches, le gain serait de 1,5 million d’euros en moyenne.La suppression de la flat tax permettrait de rétablir la progressivité de l’imposition des revenus financiers et rapporterait 9 milliards selon l’Institut des politiques publiques.
La taxation unitaire pour mettre fin à l’évasion fiscale des multinationales
Les entreprises multinationales utilisent leurs différentes filiales pour échapper à l’impôt : c’est ainsi que plus de 40% des profits réalisés par les multinationales sont délocalisés artificiellement dans des paradis fiscaux, ce qui mine considérablement les recettes de l’impôt sur les sociétés.
Des avancées ont été obtenues ces dernières années au niveau international, preuve que la lutte contre l’évasion fiscale est avant tout une question de volonté politique. Mais le taux minimal d’imposition des bénéfices des multinationales de 15% présente de nombreux défauts et ne règle pas le problème, les multinationales continuant à payer proportionnellement moins d’impôts que les petites et moyennes entreprises (PME) [6].
La taxation unitaire consiste à taxer le bénéfice global des entreprises multinationales, en considérant celles-ci comme une entité unique, puis dans une seconde étape, à répartir ce bénéfice dans les pays où ces entreprises réalisent effectivement leur activité [7]. Cela permettrait donc de mettre fin à l’évasion fiscale des multinationales en neutralisant les transferts artificiels de bénéfices vers les paradis fiscaux, et donc de récupérer les 18 milliards qui échappent annuellement aux finances publiques.
Réduire les aides publiques aux grandes entreprises
Une commission d’enquête sénatoriale a rendu en juillet 2025 un rapport édifiant sur les aides publiques aux entreprises. Plus de 2 200 dispositifs recensés coûtent un « pognon de dingue » (211 milliards d’euros en 2023), versé sans contrôle ni conditions, et qui profite majoritairement aux grandes entreprises. Ces sommes pèsent lourdement dans les budgets publics puisqu’elles représentent le premier budget de l’État. Il est souhaitable de réduire ces aides publiques, notamment en les encadrant et les conditionnant à des objectifs en termes de préservation et de création d’emplois ainsi qu’à des critères écologiques, à l’absence de filiales dans des paradis fiscaux, et à des restrictions sur le versement des dividendes. Il faut renforcer l’ensemble des mécanismes de contrôle de ces aides et les moyens des services concernés. Il est nécessaire de sanctionner les entreprises qui ne respectent pas ce cadre, en demandant le remboursement des aides [8].
Soulignons que la majorité des aides publiques aux entreprises est constituée des niches fiscales et sociales. Ces dernières, qui visent à réduire le coût du travail afin d’améliorer – officiellement – la compétitivité des entreprises, représentent un manque à gagner annuel de 86 milliards d’euros pour les caisses de Sécurité sociale pour un effet marginal sur l’emploi. La revue des niches que nous préconisons intègre donc nécessairement une revue des allègements de cotisations sociales.
Pour toutes ces raisons, nous disons qu’un autre budget est vital !
Nous ne voulons pas nous serrer la ceinture : aux ultra-riches de faire des efforts !