De la proposition d’Attac à la loi : la taxation unitaire des multinationales fait un pas décisif

mercredi 29 octobre 2025, par Attac France

Ce mardi 28 octobre, les députées ont très largement approuvé, contre l’avis du gouvernement, un amendement visant à taxer les bénéfices des multinationales, proportionnellement à leur activité réalisée en France. Attac se félicite de voir l’une de ses principales propositions être reprise et adoptée. L’association Attac porte en effet depuis plusieurs années cette proposition de taxation unitaire, visant à mettre fin à l’évasion fiscale des multinationales.

Selon le texte qui vient d’être adopté, « toute personne morale ayant une activité en France est imposable à hauteur de son chiffre d’affaires réalisé sur le territoire national ramené à son chiffre d’affaires mondial, le calcul de ces chiffres d’affaires national et mondial incluant également le chiffre d’affaires des entités juridiques dont elle détient plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote ». Par ailleurs, « cette imposition garantit que le taux d’imposition de la part des bénéfices mondiaux imposée en France sera égal à 25 % ». Cette mesure, présentée comme un "impôt universel", est très fortement inspirée de la revendication de taxation unitaire portée par Attac : il s’agit en effet de neutraliser l’évasion fiscale des multinationales, en leur faisant payer l’impôt sur les sociétés là où elles réalisent leurs activités plutôt que de leur permettre de délocaliser leurs profits dans des paradis fiscaux.

En 2019, face aux dégâts considérables de l’évasion fiscale et au laisser-faire des gouvernements, Attac avait montré dans un rapport publié à l’occasion du G7 Finance qu’une taxation unitaire était nécessaire pour neutraliser l’évasion fiscale à laquelle les multinationales se livrent via le jeu des prix de transfert.
L’association n’a eu de cesse de réclamer un tel système. Elle avait mené une campagne d’actions « Prélevons les multinationales à la source » pour le promouvoir. Elle a également lancé une pétition pour défendre ce projet fin 2024. La moitié du commerce mondial est le fruit de transactions intra-groupes, les prix de transfert, et les profits des multinationales délocalisés dans les paradis fiscaux sont estimés à 36 % par le Cepii (Centre d’études prospectives et d’informations internationales) et 40 % par l’Observatoire européen de la fiscalité (EU Tax Observatory).

Relocaliser les bénéfices là où ils ont été véritablement générés est l’objectif principal de cette mesure. Cela permettrait de dégager des recettes fiscales importantes, de 18 à 26 milliards d’euros. Cette mesure est nettement plus efficace que le taux minimal d’imposition des multinationales de 15 %, qui résulte d’un accord au sein de l’OCDE et qui a été récemment mis en place au sein de l’Union européenne, et donc en France.

Le ministre de l’économie, Roland Lescure, ne peut valablement invoquer les travaux en cours entre les pays de l’OCDE sur la taxation minimale de 15 % sur les multinationales. Rappelons que cette disposition a été validée par le Conseil de l’Union européenne et qu’elle est entrée en application le 1er janvier 2024.

Initialement, selon une note du Conseil d’analyse économique « les recettes fiscales de la France augmenteraient de près de 6 milliards d’euros avec un taux de taxation minimal effectif à 15 % ». Le résultat est très loin de ces estimations. Selon le projet de loi de finances pour 2026, les dernières précisions concernant les règles de définition de l’assiette de l’impôt conduisent à une prévision de recettes de l’impôt minimum mondial à 15 % s’établissant à 500 millions d’euros pour 2026. Avec un tel dispositif, les écarts d’imposition entre grandes entreprises et petites et moyennes entreprises, que l’association Attac a récemment dénoncés, ne peuvent que perdurer. Mais ils cesseraient immédiatement avec la taxation unitaire.

Il est temps de saisir cette occasion pour passer à la vitesse supérieure afin de financer les immenses besoins sociaux, environnementaux et économiques et pour rétablir davantage de justice fiscale, synonyme de renforcement du consentement à l’impôt. Cela passe par une véritable taxation unitaire et, plus largement, par un système fiscal réformé qui renforce les impôts directs et la progressivité de l’impôt. C’est à ces conditions qu’il sera possible de financer l’action publique et de réduire les inégalités. Deux priorités absolues.

Certes, le chemin parlementaire est encore long avant de voir adoptée définitivement la taxation unitaire. Mais le vote de l’Assemblée nationale ce 28 octobre est une importante victoire, qui confirme que la lutte contre l’évasion fiscale est avant tout une question de volonté politique.