La question de la taxation des riches est un sujet qui n’était pas prioritaire parmi les économistes critiques il y a une dizaine d’années. Il a pris une importance croissante dans le débat économique et social. Pour autant, à gauche, il y a toujours des objections culturelles à la taxation des riches :
Symbolisme faible : Beaucoup considèrent que la taxation des riches est avant tout symbolique, avec des montants perçus jugés négligeables par rapport aux enjeux économiques réels.
Détournement du vrai combat : Certains estiment que le véritable enjeu réside dans la répartition du revenu entre le profit et le travail, entre capital et travail, considérant la taxation comme un sujet secondaire.
Légitimation des profits : un autre argument suggère que la focalisation sur la taxation des riches pourrait légitimer leurs profits, établissant ainsi un « deal social » où les riches acceptent de contribuer financièrement, mais sans véritable remise en question de leur statut.
A ces objections, on peut opposer des arguments en faveur de la taxation des plus riches :
Justice sociale et rendement financier : La taxation des riches est d’abord une question de justice. Des estimations récentes suggèrent qu’il serait possible de récupérer entre 10 et 15 milliards d’euros grâce à cette mesure, des montants considérables dans le contexte des déficits publics.
Régulation du capitalisme : Taxer les entreprises où elles réalisent leur activité est essentiel pour réguler le capitalisme. Cela permettrait de rétablir un équilibre dans le rapport de force entre le capital et le travail. Les très grandes multinationales qui accumulent un patrimoine ou un capital extrêmement élevé finissent par établir un rapport de force économique et politique disproportionné.
Lutte contre l’accroissement des inégalités : Des travaux, notamment ceux de Thomas Piketty, montrent que les richesses des plus fortunés ont tendance à augmenter plus rapidement que les revenus du reste de la population. La fiscalité peut donc servir de levier pour freiner cette dynamique d’accumulation.
La nécessité des prélèvements obligatoires
Bien que « Taxer les riches » soit un excellent slogan, ce n’est pas un programme politique qui se suffit à lui-même. Il faut défendre l’état social, les services publics, la protection sociale. Historiquement, ça n’a jamais été financé que par les riches. Ce sont les citoyennes et les citoyens qui les financent eux mêmes. C’est pourquoi il faut faire en sorte qu’ils aient les moyens de les financer par eux mêmes. Certes il ne faut pas laisser les plus riches s’exonérer, faire sécession ou accumuler un profit qui serait une fuite dans le système. Pour autant, il ne faut pas laisser penser que l’impôt ne serait bon que pour les riches.
Par exemple, le gouvernement envisage de baisser les remboursements de la Sécurité sociale dans les consultations médicales. A la place la complémentaire santé prend en charge le surcroît de consultations. Le prix de la complémentaire va augmenter via des prélèvements obligatoires. En baissant la dépense publique, la Sécurité sociale recule, le prix des complémentaires augmente. Ce qui est inégalitaire parce que la complémentaire ne tient pas compte du salaire et peut faire payer très cher aux personnes agées. La conclusion c’est que la suppression d’un prélèvement obligatoire public entraîne la création d’un prélèvement obligatoire privé. C’est pourquoi les prélèvements obligatoires, il faut les défendre en tant que tel, pour eux mêmes et pour tout le monde.
Intervention de Michaël Zemmour lors du Forum de la justice fiscale (05/10/24)
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