La taxation unitaire pourrait rapporter plus de 18 milliards d’euros par an en France. Depuis récemment, elle a le vent en poupe : promue par Attac et l’économiste Gabriel Zucman, elle fait l’objet d’un amendement adopté lors de l’examen du projet de loi de finances 2025 par l’Assemblée nationale.
Elle est également étudiée à l’échelle de l’Union européenne dans le cadre d’une directive visant à harmoniser la fiscalité des grandes entreprises. Mais ces propositions provoquent également une levée de boucliers de la part des grands groupes. Pour stopper l’évasion fiscale des multinationales et pour financer les urgences sociales et écologiques, nous avons besoin de votre soutien !
Une taxe sur mesure pour Amazon et les GAFAM
Les multinationales utilisent des méthodes plus ou moins sophistiquées pour transférer artificiellement les profits dans des pays où l’impôt est faible, voire inexistant. Par ces pratiques, elles parviennent à payer un montant très faible d’impôts, privant ainsi les États de recettes fiscales essentielles, creusant le fossé des inégalités avec les PME et fragilisant nos services publics. Pour éradiquer cette forme d’évasion fiscale pratiquée par les multinationales, il faut mettre en place une taxation unitaire des multinationales, de sorte qu’elles soient imposées dans les pays où elles réalisent leur activité.
Une telle taxation est particulièrement adaptée au cas des entreprises numériques qui parviennent à localiser une grande partie de leurs profits dans les paradis fiscaux. En 2019, Attac a conduit une étude montrant qu’avec une taxation unitaire, Apple, Microsoft, Facebook et Google auraient dû payer un impôt sur les sociétés de 7 à 22 fois supérieur à ce qu’elles ont effectivement payé en France.
Amazon fait partie de ces champions de l’évasion fiscale qui seraient tout particulièrement impactés par une taxation unitaire des multinationales. Depuis l’origine, Jeff Bezos a organisé son groupe de telle façon qu’il est très difficile de chiffrer l’étendue réelle de son activité pays par pays et l’évasion fiscale est en quelque sorte dans l’ADN de la multinationale. En 2019, nous avions démontré que la firme de Seattle dissimulait 57% de son chiffre d’affaires réalisé en France, ce qui lui permet de pratiquer une évasion fiscale massive en déplaçant une grande partie de ses bénéfices vers l’étranger.
Cette estimation n’a jamais été contestée par l’entreprise. Depuis, Amazon a même réussi l’exploit de payer zéro euro d’impôt sur les sociétés dans toute l’Union Européenne en 2020 et 2021 – malgré des ventes dopées par les confinements – et cela grâce notamment à sa filiale luxembourgeoise.
Mettre en place la taxation unitaire, c’est possible !
Mercredi 6 novembre, un amendement visant à mettre en place à l’échelle de la France une taxation unitaire des multinationales a été adopté en séance à l’Assemblée nationale. Selon le même principe, il s’agirait de taxer les multinationales à hauteur de leur bénéfice réellement réalisé en France, un premier pas pour la mise en place d’une taxation unitaire à une échelle plus large. Les recettes dégagées permettraient de restaurer nos comptes publics, la confiance de nos citoyens dans notre système fiscal, et surtout nos services publics, mis à mal par des années de néolibéralisme. Cet amendement, voté par la représentation nationale, doit être intégré dans le projet final de loi de finances, et en particulier ne doit pas être balayé par le biais du recours à l’article 49.3.
La Commission européenne a présenté le 12 septembre 2023 un projet de directive visant à proposer des règles harmonisées pour déterminer la base d’imposition des grandes entreprises qui exercent leurs activités dans plusieurs États membres. Une déclinaison européenne de la taxation unitaire, intitulée « BEFIT », pourrait voir le jour dans le cadre de cette directive. Mais il faudrait pour cela considérablement améliorer le projet, en élargissant son application à toutes les entreprises de dimension internationale (et pas seulement aux plus grands groupes). Un taux « plancher » d’impôt sur les sociétés (IS) pourrait être fixé à 25 % pour tous les États membres. L’objectif est de neutraliser la concurrence fiscale qui sévit. La France doit porter ces revendications dans le cadre des négociations de la directive BEFIT.