« Pressions inqualifiables » sur l’Assemblée nationale : que s’est-il passé le 7 février ?

mercredi 8 février 2023, par Raphael Pradeau

Que s’est-il passé devant l’Assemblée nationale mardi 7 février, jour de débat sur la réforme des retraites dans l’hémicycle et de mobilisation contre ce projet ? Un évènement gravissime, si l’on en croit les commentaires outrés de parlementaires du groupe présidentiel et du Rassemblement National. Mais quoi exactement ?

Lors d’un point presse organisé le 7 février midi, la présidente de l’Assemblée nationale en personne apparaît déterminée : « Ça suffit, notre démocratie est un bien précieux » s’indigne Yael Braun-Pivet. Et de dénoncer des « pressions et intimidations inqualifiables » sur les parlementaires. Plus tard, c’est la présidente du groupe des députés Renaissance, Aurore Bergé, qui annonce au nom de son groupe « condamner fermement » des « actes intolérables ».

Le député Karl Olive se félicite quant à lui que « les voyous qui ont dégradé un certain nombre d’éléments du patrimoine national [aient] été interpellés » et réclame « qu’ils soient sévèrement punis ». « Toucher la République c’est abîmer la France et fragiliser les français », écrit-il solennellement. Son collègue Charles Rodwell surenchérit, le ton grave : « Saccager les bâtiments de l’Assemblée, c’est attaquer la République. Les sanctions les plus fermes doivent être prises ».

Les actes en question semblent si intolérables que les députés Rassemblement National sont à l’unisson de leurs homologues du groupe Renaissance. Le député RN Thibaut François s’en prend aux « nervis d’Attac ». Sa collègue, Edwige Diaz, regrette quant à elle que « l’association Attac dégrade les symboles de notre démocratie » et déclare, d’un air martial : « les méthodes nauséabondes de cette extrême-gauche ne doivent pas rester impunies ».

Qu’ont fait les « voyous » pour déclencher une telle indignation ?

Alors dans les faits, de quoi s’est-il agi ? D’une action menée devant l’Assemblée nationale, qui a indéniablement porté gravement atteinte à la démocratie : en plus d’avoir dansé et chanté leur tube « Nous on veut vivre », plusieurs membres du collectif des Rosies ont redécoré la statue de la place du Palais Bourbon avec une chasuble géante bleue portant le message « Retraite à 60 ans ». Elles ont osé inscrire avec de la peinture à la craie « 60 ans » sur la porte de l’Assemblée nationale. Cette action visait à dénoncer « un projet de réforme illégitime, injuste et injustifié ».

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Crédits : Paris-tv.com


Si vous ne connaissez pas encore les Rosies, ce sont ces dangereuses criminelles déguisées d’un bleu de travail qui animent les cortèges des manifestations contre la réforme des retraites en dansant et chantant des chansons démontant les arguments du gouvernement selon lesquels les femmes seraient les gagnantes de cette réforme.

Toujours est-il qu’au terme de cette action, neuf personnes parmi ces dangereux « voyous » ont été arrêtées et ont passé neuf heures de garde à vue. Parmi elles, Lou Chesné et Youlie Yamamoto, porte-parole d’Attac et animatrices des Rosies. Au lieu d’animer le cortège pendant le défilé parisien, comme lors des précédentes journées de mobilisation, elles ont donc été privées de manifestation et de liberté pendant 9 heures.

Où est la violence ?

Alors que toutes les « dégradations » ont été facilement effacées quelques minutes après l’action (et pour cause, la peinture à la craie vise à ne pas produire de dégradation), les réactions indignées des députés Renaissance et Rassemblement national ont de quoi nous interroger.

Qu’est-ce qui est violent ? Qu’est-ce qui menace la démocratie ? Peindre à la craie un slogan pour faire passer un message politique, ou bien placer en garde à vue pendant 9 heures des activistes non violents ? Redécorer une statue, ou bien obliger les français à travailler jusqu’à 64 ans, soit la limite de l’âge de l’espérance de vie en bonne santé ? Danser, ou bien faire financer les cadeaux fiscaux aux riches et aux entreprises par la sueur des travailleuses et travailleurs ? Chanter, ou bien faire passer en force une réforme rejetée par les trois quarts des français et contestée par plusieurs millions de manifestants ?

Pour justifier leur réforme - qu’ils ont renoncé à présenter comme « juste » - les députés macronistes sont à ce point à court d’arguments qu’ils tentent de criminaliser la contestation, même quand celle-ci est non-violente. Nous ne sommes pas dupes : cette réaction disproportionnée montre que la macronie est à l’agonie. Incapable de convaincre les français de l’utilité de sa réforme malgré d’intenses efforts de « pédagogie », il lui faut tenter de faire passer des activistes non violents pour des voyous et un tag à la craie pour une menace intolérable contre la démocratie. Cela renforce au contraire notre détermination à poursuivre la mobilisation jusqu’au retrait de cette contre-réforme !

Raphaël Pradeau

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