La défense de notre système de retraites, une lutte écologique et sociale

lundi 30 janvier 2023, par Vincent Gay

Alors que les syndicats sont tous opposés à la contre-réforme des retraites d’Emmanuel Macron, le soutien aux mobilisations des salarié·es vient également d’autres secteurs de la société, notamment les associations et collectifs écologistes, depuis Greenpeace jusqu’aux Soulèvements de la Terre.

Pour Attac, qui depuis longtemps cherche à favoriser une alliance de l’écologique et du social et s’est toujours pleinement investie contre la destruction de la retraite par répartition, ce soutien est une très bonne nouvelle. Il témoigne d’un élargissement bienvenu de la mobilisation !

Comme toutes les contre-réformes depuis les années 1990, celle engagée par le gouvernement d’Emmanuel Macron n’est pas un simple ajustement des règles du système de pensions. Elle dessine un projet de société qui vise à nous faire travailler plus longtemps et à exploiter d’autant plus la nature.

La question de la crise climatique est de plus en plus présente dans les rangs des manifestant·es et dans les consciences collectives. Dès lors, l’enjeu est de faire en sorte que la mobilisation contre le projet d’Emmanuel Macron soit une lutte écologiste et sociale, au nom de la double dimension d’un même impératif antiproductiviste, la défense des travailleur·ses et la défense du vivant. On trouvera ici quelques arguments pour avancer dans cette voie.

Une logique productiviste

La part de retraité·es augmentant dans la population, si on souhaite maintenir un niveau de pensions acceptable, la part des richesses dédiées aux retraites doit augmenter. Mais le gouvernement se refuse à toute augmentation de cette part, fixée à un taux arbitraire de 14% du PIB. Dès lors, seules deux options sont envisagées : soit baisser le niveau des pensions, soit augmenter le PIB, ou un peu de deux. Bref, pour le gouvernement, entre fin du monde et fin du mois, il faut choisir.

La croissance économique devient alors une variable pour maintenir le niveau des pensions. Or, on sait ce que l’obsession de la croissance économique et donc de la production de biens a provoqué au cours du 20e siècle et jusqu’à aujourd’hui de dégâts écologiques, ce qu’a encore souligné le « GIEC de la biodiversité » (IPBES) en 2022.

Cette orientation tourne le dos à toute perspective de sobriété et de diminution des prélèvements et des dégradations des ressources naturelles. Le logiciel du gouvernement reste enfermé dans une logique productiviste où l’augmentation du travail marchandisé reste un objectif majeur, alors qu’il est urgent d’aller vers une diminution du temps de travail et de repenser le rapport au travail dans le contexte de crise climatique.

Travailler plus pour exploiter toujours plus

L’augmentation de la durée de travail va peser en premier lieu sur les personnes les plus précaires et celles qui effectuent les métiers les plus difficiles. Alors qu’on assiste à une diminution de l’espérance de vie en bonne santé, (66 ans pour les femmes, 64 ans pour les hommes), le recul du départ de l’âge à la retraite va fragiliser une grande partie de la population, en particulier dans les métiers physiques, dans ceux qui sont soumis à des substances dangereuses, ou encore ceux exposés aux conditions météorologiques.

On a vu lors des précédentes canicules comment les travailleur·ses du BTP ou d’autres métiers en extérieur qui déjà usent les corps subissaient fortement les hausses de température. La situation de ces travailleur·ses va empirer avec l’âge et risque de diminuer d’autant plus leur espérance de vie en bonne santé. A contrario, on devrait favoriser une diminution du temps de travail dans les années précédant la retraite de façon à éviter que les salarié·es s’usent lors de leurs dernières années de vie professionnelle. De même qu’il est nécessaire d’améliorer la reconnaissance de la pénibilité et des maladies professionnelles, tout le contraire des ordonnances Macron de 2017 qui ont supprimé quatre facteurs du compte pénibilité (charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques).

L’allongement de la durée du travail est contraire à l’objectif de partage et de réduction du temps de travail. Or, la civilisation qui a mis en son cœur l’exploitation du travail vivant est la même que celle qui s’est fondée sur l’exploitation de la nature. Comme le souligne l’Alliance Ecologique et Sociale à laquelle participe Attac, l’urgence devrait pourtant être à la transition écologique et non pas à la casse des droits des travailleurs et travailleuses. Car c’est tout l’édifice de la société qui est en jeu autour des réformes touchant le travail, et donc les retraites.

Faut-il pousser toujours plus loin le travail salarié, quitte à réduire le temps d’espérance de vie en bonne santé ? Ou doit-on favoriser une libération du travail après une vie en emploi qui permette de faire de la retraite un moment essentiel au sein de la société ? Pendant très longtemps, la retraite a été une période courte de repos entre la fin de l’emploi et la mort. Puis avec la retraite à 60 ans et l’allongement de la durée de vie, elle est devenue une période très importante pour l’engagement aux côtés des autres, auprès de ses proches, dans les associations, notamment au service de la défense des écosystèmes, pour la solidarité, etc.

Epuiser les gens au travail deux années de plus, c’est mettre un frein à ces possibilités, alors qu’aujourd’hui un quart des personnes âgées de 65 ans est membre d’une ou de plusieurs associations.

Des investissements d’avenir introuvables

Un des arguments du gouvernement est qu’il faut faire des économies sur les retraites pour investir dans des projets d’utilité publique, notamment la transition écologique. Or toute la politique d’Emmanuel Macron montre que les investissements en vue de préserver les écosystèmes et de favoriser la bifurcation écologique sont largement insuffisants. Par exemple, le plan de relance de 2020 a surtout consisté à un soutien aux entreprises, y compris les plus grosses qui n’ont pas toutes des problèmes de trésorerie, avec 20 milliards, un cinquième du plan, qui ont été consacrés à la réduction des « impôts de production », vieille demande du MEDEF.

Cette baisse d’imposition était déjà en gestation avant la crise du Covid et est une demande déjà ancienne du MEDEF. Ces aides ne sont assorties d’aucune conditionnalité sociale ou environnementale. Et sur les 100 milliards, seule une dizaine de milliards concerne les besoins sociaux et environnementaux (dans la santé et la rénovation thermique des logements). Quant à la dite « transition agricole », l’effort budgétaire n’a été que de 4% du financement global. Depuis 2020, le gouvernement a gardé ce cap et a refusé toute mesure fiscale qui serait favorable à la bifurcation écologique, notamment une taxe sur les superprofits.

Le hold-up à venir des financiers sur les retraites

L’attaque contre le système de retraites par répartition va favoriser le recours à des plans de capitalisation pour compenser le manque à gagner. Si ces plans sont aujourd’hui peu utilisés par les salarié·es, les allègements fiscaux visent à nous inciter à y avoir recours (augmentation de 20% des retraites par capitalisation entre la loi PACTE de 2019 et aujourd’hui).

Outre qu’un tel système est inégalitaire (il n’est pas accessible à toutes les bourses) et risqué car il repose sur des investissements pas toujours fiables, il favorise le financement d’industries polluantes. Selon l’ONG Reclaim Finance, aucun des grands acteurs de cette finance en vue de la retraite (Amundi, BNP Paribas AM, Crédit agricole Assurances, Generali, AXA IM) n’a tourné le dos aux industries fossiles.

La capitalisation de la retraite est particulièrement forte dans les pays où les systèmes de retraite solidaires (comme le système par répartition) sont faibles et où la financiarisation de la retraite est développée. Le cas de Blackrock est symptomatique de cette tendance : deux tiers de ses actifs seraient liés à des épargnes pour la retraite, et plus de 85 milliards de dollars d’investissements étaient destinés à des entreprises du secteur du charbon en 2021.

C’est cette même société que le gouvernement français a accueilli à bras ouverts depuis 2017. Et même s’il s’agissait d’investir dans la finance verte, il ne pourrait s’agir que d’une tromperie ; une enquête du Monde en novembre dernier montre que près de la moitié des fonds « super verts » investissent dans les énergies fossiles ou l’aviation.

Conclusion

La très forte mobilisation qui s’enclenche contre une nouvelle réforme des retraites illustre la conscience partagée qu’on a affaire à un projet de société qui tourne le dos aux intérêts des salarié·es, et participe d’un projet destructeur pour la planète.

Un tel projet appelle des résistances et des alternatives qui permettent une sortie du productivisme, pour laquelle une autre approche du système des retraites doit être défendue, fondée sur une très forte réduction des inégalités et un objectif de réduction du temps de travail tout au long de la vie (à un niveau hebdomadaire comme en fin de carrière) afin de sortir du produire toujours plus. Cela devrait s’accompagner nécessairement d’une réforme fiscale de grande ampleur portant notamment sur une assiette des patrimoines et un impôt sur la fortune et les successions.

J’agis avec Attac !

Je m’informe

Je passe à l’Attac !

En remplissant ce formulaire vous pourrez être inscrit à notre liste de diffusion. Vous pourrez à tout moment vous désabonner en cliquant sur le lien de désinscription présent en fin des courriels envoyés. Ces données ne seront pas redonnées à des tiers. En cas de question ou de demande, vous pouvez nous contacter : attacfr@attac.org