La course pour un vaccin contre le Coronavirus prouve que l’industrie pharmaceutique n’est pas adaptée pour répondre à la situation.

vendredi 24 avril 2020, par Global Justice Now

Pendant que la propagation du virus continue toujours avec la même intensité, la réponse de l’industrie pharmaceutique apparaît sous les feux de la rampe. Pendant des années, les crises majeures de santé publique ont révélé l’antagonisme fondamental entre profit et santé publique dans notre système pharmaceutique. Qu’il s’agisse de l’épidémie de VIH/SIDA qui, depuis les années 1990, a vu mourir des millions de gens dans les pays du sud parce qu’ils·elles ne pouvaient pas se payer le prix exorbitant de ces traitements, ou la crise actuelle de résistance aux antimicrobiens où il y a eu un investissement insuffisant dans le développement de nouveaux antibiotiques, répondre aux besoins de la santé publique n’est pas toujours la priorité.

Il faut au final en retenir que là où il n’y a pas la motivation du profit, des gens meurent. Et ce scandale se trouve démasqué alors que le nombre d’infections au Coronavirus et de fatalités continue de gonfler. L’industrie pharmaceutique justifie sa réticence à développer des vaccins pour des maladies infectieuses comme le Coronavirus parce que le processus peut prendre plusieurs années, temps après lequel la crise peut être passée et passée avec elle la demande pour le vaccin. C’est ainsi vu comme un risque coûteux à prendre par l’industrie pharmaceutique, surtout que la priorité principale de l’industrie est la rentabilité et non pas la santé publique.

La réticence commerciale à investir dans des vaccins contre les maladies infectieuses a laissé les fonds publics assumer un rôle vital dans la course pour trouver un vaccin. Et ce n’est pas une surprise puisque le financement public est déjà conséquent dans la recherche et le développement d’innovations de santé. Il est estimé que entre un et deux tiers de toute la recherche et développement global en santé est financé par des fonds publics. Et pourtant, la recherche est souvent transférée à des acteurs commerciaux qui mettent ainsi en vente le produit final à des prix exorbitants aux professionnel·le·s de santé et aux patient·e·s. Le contribuable finit par payer ainsi deux fois - d’abord pour la recherche puis à prix fort.

Pas de licence exclusive

D’après les chiffres d’un nouveau rapport du journal en ligne Public Citizen, l’institut national de la santé des États-Unis a déjà dépensé 700 millions de dollars en recherche et développement sur les Coronavirus. Le rapport poursuit par montrer que, en date du 5 Février 2020, il y avait au moins 25 initiatives différentes sur vaccins et traitements pour contrer les Coronavirus, dont les deux-tiers sont soutenus par des institutions soit publiques, soit à but non lucratif. Malgré l’important rôle des fonds publics dans tous ces programmes, il n’y a pas eu de conditions imposées pour s’assurer que tout le monde puisse accéder aux traitements produits.

En réponse à cela, la semaine dernière, 46 membres du congrès ont envoyé une lettre pour presser le Département de la santé et des services humains Américain de ne pas remettre une licence exclusive à tout fabricant de médicaments développant un traitement contre le Coronavirus. Offrir la protection d’un monopole sur n’importe quel traitement pourrait mener à des prix élevés et empêcher un accès étendu. Ils·elles ont aussi appelé à des conditions pour garantir que tout produit final soit abordable et que le département de la santé doive intervenir si les prix sont trop élevés.

Le gouvernement du Royaume-Uni a déjà engagé un montant total de £40 millions de livres pour développer un vaccin pour le Coronavirus et autres maladies infectieuses. Ces fonds sont acheminés via la Coalition pour les Innovations en Préparations pour les Épidémies ( CEPI = Coalition for Epidemic Preparedness Innovations ) - un partenariat public-privé monté pour développer des vaccins contre les maladies infectieuses et fondé par des gouvernements, la fondation Bill & Melinda Gates, et le Wellcome Trust. La CEPI a annoncé son engagement à valeur de $66 millions de dollars dans trois programmes pour s’attaquer au Coronavirus, en partenariat avec les sociétés Inovio Pharmaceuticals et Moderna, et l’Université du Queensland. Toutefois, aucun de ces partenaires n’a les capacités commerciales nécessaires à la fabrication du vaccin dans les quantités requises. Un officiel de la santé Américaine a déjà prévenu que même si ces programmes découvrent un vaccin efficace, il sera difficile de convaincre l’industrie pharmaceutique de s’occuper de la fabrication.

Accumulation de provisions ?

Sans conditions rattachées au financement public pour protéger l’accès public aux vaccins potentiels, il existe un réel danger que les pays accumulent et s’accaparent des réserves de vaccin. Rien que le week-end dernier, la nouvelle choquante a émergé que le président Donald Trump avait proposé à une entreprise de biotechnologie allemande, CureVac, « un gros montant d’argent » pour obtenir les droits exclusifs sur un potentiel vaccin contre le COVID-19. CureVac s’est depuis vu offrir un soutien financier de l’Union Européenne. En l’absence de conditions robustes, le système actuel faillible autorise les tentatives d’accaparement de vaccins dans la logique « America-First ».

Rentabilité, rentabilité

Pendant trop longtemps, l’industrie pharmaceutique a soigneusement sélectionné les domaines lucratifs de la santé publique, laissant le plus risqué, les domaines les plus incertains de la recherche dans les mains du secteur public. C’est un cas classique de socialisation des risques, et privatisation des bénéfices. Soumettre des conditions au financement public et développer des solides règles d’accès est un premier pas vital pour s’assurer que les fonds publics mènent vers des innovations de santé qui profitent au public. Toutefois, il n’est pas possible d’ignorer qu’il y a quelque chose de fondamentalement injuste avec le système en soi.

Médicaments, vaccins, et traitements ne sont pas seulement un luxe que l’on peut simplement ignorer si le prix est trop élevé. Pour une personne souffrante, ils font la différence entre maladie et bonne santé, et parfois entre vie et mort. Ils devraient être accessibles à tou·s·tes ceux·celles qui en ont le besoin. L’innovation en santé est trop importante pour être laissée entièrement dans les mains des grosses sociétés où la profitabilité prend toujours le dessus sur la santé publique. Nous avons besoin de faire pression en faveur d’un changement fondamental de manière à ce que l’accès aux médicaments et aux vaccins soit vu comme un droit humain pour tou·s·tes, et pour que ce changement soit motivé par des besoins de santé publique tels que l’assurance que cela atteigne les gens qui en ont besoin.

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