Crise sanitaire : agir par la solidarité et la justice sociale

mercredi 18 mars 2020, par Attac France

Dans cette période troublée, vous trouverez ci-dessous de premiers éléments de réflexion. Nous poursuivrons dans les prochaines semaines, sur notre site et par des conférences filmées la diffusion d’analyses.

Le 17 mars, un confinement des populations en France a enfin débuté. Depuis plusieurs semaines, les exemples chinois et italien nous montrent que c’est la seule voie possible pour faire face à l’épidémie. Ce confinement aurait dû être anticipé au vu des déclarations de l’ancienne ministre de la santé. Il ne s’agit pas ici de faire le bilan alors que l’urgence est de contenir l’extension de la maladie, mais de prendre date pour que toute la lumière soit faite sur la séquence une fois la crise passée. Pour autant, les discours culpabilisants une « population irresponsable » n’ont pas de fondement alors que la communication du gouvernement a été pour le moins confuse et contradictoire. Par ailleurs, cette pandémie survient alors que des années d’austérité budgétaire ont affaibli un hôpital public de plus en plus géré comme une entreprise selon des critères de rentabilité. L’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron a amplifié cette orientation.

Face à l’urgence sanitaire, la solidarité au poste de commandes

Alors que des mesures d’urgence sont prises, il faut organiser les solidarités, et d’abord avec celles et ceux qui sont en première ligne face au virus : les soignant·e·s, l’ensemble des travailleur·ses hospitalier·e·s. Mais également les travaileurs·euses du commerce, de l’alimentation, de l’agriculture qui permettent de maintenir l’accès à la nourriture et toutes les populations menacées, en premier lieu les personnes âgées et/ou déjà malades, qui ne doivent pas être sacrifiées par le manque de moyens de notre système de santé. Ce sont également les populations les plus précaires qui sont immédiatement concernées et qui n’ont pas toujours les moyens de se confiner : sans domicile fixe, prisonnier·e·s, migrant·e·s (notamment dans les centres de rétention administrative).

N’oublions pas qu’une crise sanitaire ne fait que renforcer les inégalités déjà à l’œuvre dans nos sociétés : si tout le monde peut être frappé, certaines catégories de la population sont plus exposées. Ainsi, il ne s’agit pas seulement de se protéger, mais de prendre acte que nous sommes potentiellement tou·te·s une menace en propageant le virus, notamment vis-à-vis des plus vulnérables.

Par ailleurs, dans la gestion de cette crise, les femmes sont en première ligne. Majoritaires dans des secteurs indispensables tels que la santé, le nettoyage, les soins, ce sont elles qui assurent la plus grande part du travail domestique, qui ne peut qu’augmenter fortement durant la période de confinement.

Nous sommes encore au début de la pandémie. Les prévisions montrent une accélération à venir de la propagation du virus. En comprendre les causes et les perspectives est une nécessité démocratique, afin de faire face à cette réalité qui nous affecte tou·te·s. De nombreuses ressources existent, comme cette vidéo-conférence donnée au collège de France par le Pr Philippe Sansonetti. Nous avons commencé à rassembler sur le site d’Attac un certain nombre de textes sur le coronavirus et ses conséquences.

Comme le disent les personnels soignants, à l’instar du collectif inter-hôpitaux - en lutte depuis un an pour défendre l’hôpital public - : restez chez vous ! La première des solutions est en effet de respecter strictement les consignes de sécurité et d’éviter le plus possible les déplacements et les rencontres. Toute autre activité que le strict nécessaire doit être proscrite. Car si de nombreux cas ne présentent pas de symptômes, 20% des personnes contaminées par le virus peuvent développer des complications. L’hôpital et le système sanitaire sont en tension majeure avec une augmentation journalière des cas nécessitant des soins lourds et prolongés, un engorgement des services de réanimation posant à terme des questions éthiques majeures.

Ne pas rester silencieux·ses et agir

Si aujourd’hui chacun·e d’entre nous est confiné·e, cela ne signe pas la fin des actions collectives et des gestes de solidarité. Bien au contraire, nous entrons dans une période où la solidarité va devenir un élément essentiel. Solidarité dans les immeubles, dans les quartiers, dans les villages, pour organiser des ravitaillements collectifs afin de limiter les déplacements ; répondre aux besoins les plus urgents ; solidarité avec les salarié·e·s dont le travail est indispensable, en organisant des gardes d’enfants si l’État ne le fait pas ; solidarité avec les personnes isolées en maintenant les contacts téléphoniques avec elles ; vigilance extrême quant aux violences conjugales qui peuvent se multiplier en période de confinement ; solidarité financière avec les plus démuni·e·s… Notre solidarité peut s’exprimer aux balcons et sur les murs de nos logements, en affichant banderoles et pancartes, en se manifestant tous les soirs à nos fenêtres pour faire du bruit en soutien aux personnels soignants.

Sur les 45 milliards annoncés par le gouvernement, la plus grande part est allouée au soutien aux entreprises. S’il est nécessaire de faire en sorte que les petites entreprises ne soient pas englouties par la crise économique, priorité est d’abord de redresser la situation catastrophique de notre système de santé. Le gouvernement annonce 2 milliards pour financer la lutte contre la crise sanitaire, mais derrière ce montant sont regroupés le financement des arrêts maladie et le soutien direct aux besoins des hôpitaux. Le financement des besoins hospitaliers doit être garanti, clairement énoncé et chiffré.

Par ailleurs, Emmanuel Macron a multiplié les références à la guerre lors de son allocution du 16 mars. Mais la guerre contre qui ? S’il s’agit d’une mobilisation générale, ce sont bien les valeurs de solidarité et d’égalité (face à l’accès aux soins, aux biens...) qui doivent nous guider, à l’opposé de toutes les valeurs martiales et belliqueuses que véhicule cet imaginaire guerrier inapproprié.

Et nous serons vigilant·e·s face à toute tentative du pouvoir d’utiliser la crise pour accentuer ses traits autoritaires. L’avenir s’écrit dans cette épreuve nous rappelle Naomi Klein : « Lorsque nous sommes mis·e·s à l’épreuve par la crise, soit nous nous replions et nous nous effondrons, soit nous grandissons, et nous trouvons des réserves de force et de compassion dont nous ne savions pas que nous étions capables. » Lire son entretien sur le site ZIN TV. Enfin, alors que l’imaginaire guerrier porte en germe les rivalités nationales, la crise du COVID-19 nous appelle au contraire à une solidarité internationale et une coordination entre les différents pays.

Les urgences sociales et sanitaires appellent des réponses immédiates

La gravité de la situation nécessite un plan d’urgence pour les hôpitaux, qui doit s’appuyer sur les exigences des personnels en lutte depuis des mois, avec notamment :

  • l’embauche de personnels ;
  • la réouverture de lits (il manque 10 000 places aux urgences et 40 000 dans les Ehpad) ;
  • la mise à disposition systématique de tenues de protection efficaces ;
  • la mise à disposition de moyens de diagnostic ;
  • des soins assurés pour tout·e·s les contaminé·e·s, quel que soit leur âge et leur statut juridique ;
  • l’achat de matériel lourd pour les soins (respirateurs...) ;
  • l’annulation des dettes des hôpitaux accumulés par 10 ans de politiques néolibérales (8 à 10 milliards d’euros).

Notre santé vaut plus que leurs profits

Que des milliers de travailleurs et travailleuses continuent d’aller produire des choses non essentielles dans ce contexte de crise n’est pas acceptable (entrepôts Amazon, chantiers naval, usines Airbus...). Il faut étendre le confinement aux salarié·e·s qui travaillent dans les secteurs qui ne sont pas d’utilité publique en période de crise sanitaire, en fermant provisoirement les entreprises, en assurant un maintien des salaires et l’interdiction des licenciements. Par ailleurs, de nombreux·ses travailleur·se·s précaires, des indépendant·e·s, des auto-entrepreneur·se·s sont également menacé·e·s, notamment dans le secteur associatif et culturel, de même que les étudiant·e·s qui sont privé·e·s des modes de consommation bon marché (restaurants universitaires...). À ceux et celles-là, le gouvernement doit garantir des revenus de substitution. Il s’agit également d’assurer que la garde d’enfants ne pèse pas uniquement sur les femmes et que soient pris en charge à 100 % les arrêts de travail.

Bien que le gouvernement prolonge la trêve hivernale, aujourd’hui, de nombreuses personnes dorment encore à la rue. La réquisition des logements vides pour accueillir ces personnes doit être mise en œuvre d’urgence.

Enfin, Emmanuel Macron a annoncé la suspension du processus législatif, et donc de la réforme des retraites et la non application de la réforme de l’assurance chômage. Une suspension qui doit conduire à une annulation tant la démonstration est faite que ces projets sont incapables d’assurer une protection et les garanties sociales nécessaires, que l’on soit en temps de crise économique ou pas.

Pour une sortie de crise sociale et écologique

Les mesures que vient d’annoncer Emmanuel Macron sont la démonstration que les choix politiques ne sont pas nécessairement soumis à un déterminisme économique. Les mesures d’austérité et les injonctions de l’Europe libérale ne valent plus rien dans un tel contexte. Cela doit nous servir de leçon : non, la mondialisation néolibérale n’est pas une fatalité ; oui, les populations peuvent reprendre la main sur leurs destinées économiques grâce à une intervention politique déterminée ; oui, il est possible de réorganiser l’économie pour répondre aux besoins sociaux, environnementaux et sanitaires du plus grand nombre. Cela démontre également qu’il est possible de réduire les émissions de gaz à effet de serre dès lors que l’on réduit les productions et les transports, mais aussi que l’on apprend à vivre à rebours de toutes les exigences de compétitivité et de concurrence qui nous ont été assénées depuis des dizaines d’années.

Si aujourd’hui cela se fait dans un contexte d’urgence et de façon non planifiée, d’autres perspectives économiques et sociales qui s’attaqueraient aux productions les plus nuisibles et inutiles permettraient de lutter efficacement contre le changement climatique.

De même, alors que Bruno Le Maire évoque de possibles nationalisations pour protéger les multinationales françaises, c’est bien une socialisation de certains secteurs industriels clé, comme l’industrie pharmaceutique ou énergétique, qui est nécessaire pour les soustraire aux lois du marché et les mettre au service de la société.

Par ailleurs, si cette crise sanitaire peut conduire à des pratiques autoritaires des États ou inciter les entreprises à accentuer l’exploitation des salarié·e·s, elle peut aussi conduire à forger de nouvelles pratiques sociales, à des organisations collectives pour transformer nos façons de consommer, pour enclencher une relocalisation de nos activités...

Faire face aux catastrophes sanitaires et écologiques ne se fera pas sans la participation des populations !

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