Au lendemain de la crise du COVID, le 27 mars 2020, le superviseur bancaire européen (SSM) de la BCE a temporairement interdit aux grandes banques de la zone euro de distribuer des dividendes et de racheter des actions. L’objectif de cette mesure est de garantir que les banques soient suffisamment capitalisées pendant la crise.
Bien que la BCE recommande désormais aux banques de renoncer à la distribution de bénéfices et d’en limiter le montant à 15 % - à partir de l’année prochaine, la décision incombera une fois de plus et exclusivement aux banques.
Le réseau Attac, qui s’oppose à la mondialisation néolibérale, critique vivement cette décision. "La décision ne peut être justifiée économiquement. Elle ne sert que les intérêts des actionnaires et met en danger la stabilité du système bancaire", dénonce Lisa Mittendrein d’Attac Autriche. Attac demande à la BCE de revoir sa décision.
Les bénéfices des banques s’expliquent aussi grâce à l’aide publique
Attac critique en particulier le fait que les banques réalisent aujourd’hui des bénéfices, pour la simple raison qu’elles tirent massivement profit des mesures de soutien publiques tels que les moratoires de paiement, les garanties d’État et le refinancement très bon marché de la BCE. "En redistribuant ces bénéfices, dans la situation actuelle, on en fait surtout profiter les plus riches.
Le lobbying des actionnaires a malheureusement porté ses fruits sur ce point", déplore Mittendrein.
Des banques solides n’ont aucun mal à collecter des capitaux suffisants
L’argument selon lequel les banques ne peuvent pas lever de capitaux sans distribuer de bénéfices ne tient pas la route selon Attac. Les banques autrichiennes notamment, même pendant la crise, ont pu émettre des capitaux à des conditions très favorables. "La capacité d’une banque à lever des capitaux dépend principalement de ses perspectives à long terme. Et celles-ci se trouvent améliorées lorsque les banques se prémunissent contre les défauts de paiement à venir, c’est-à-dire qu’elles ne distribuent pas de bénéfices", explique M. Mittendrein.
La stabilité du secteur bancaire en péril - les défaillances de prêts se profilent encore à l’horizon 2021
Comme le note la BCE elle-même, les conséquences économiques de la pandémie du COVID seront loin d’être maitrisées en 2021. Les défauts de paiement imminents à la suite de faillites d’entreprises représentent eux aussi des risques majeurs pour le secteur bancaire. Si les banques ne prennent pas suffisamment de précautions, elles devront à nouveau être renflouées.
"Permettre la distribution de bénéfices met en danger la stabilité du système bancaire. En fin de compte, le secteur public devra une fois de plus renflouer les grandes banques supposées revêtir une importance systémique", fait observer M. Mittendrein.
Une décision à revoir
Attac demande expressément à la BCE de réviser sa décision et d’obliger les banques à continuer de consolider leurs fonds propres afin de faire face à d’éventuels défauts de paiement. En plus de l’interdiction des distributions de bénéfices, Attac en appelle à un plafonnement strict des bonus et des salaires des dirigeant*es dans le but de renforcer la résistance des banques face à la crise.