Plutôt que de répondre à la demande de justice fiscale, Macron propose de nouveaux reculs sociaux

jeudi 25 avril 2019, par Attac France

Depuis des mois s’expriment une aspiration à plus de justice sociale et fiscale, le désir d’une action déterminée des pouvoirs publics en matière de transition écologique et l’exigence de services publics de proximité adaptés aux besoins des populations. Après un « Grand débat » largement instrumentalisé, Emmanuel Macron fait comme s’il pouvait reprendre tranquillement le « cours normal » de sa politique, profondément néolibérale sur le plan économique, injuste sur le plan social et inefficace sur le plan écologique. A quoi bon avoir fait débattre des dizaines de milliers de personnes si c’est pour annoncer des mesures éloignées des aspirations du plus grand nombre ?

L’injustice fiscale n’est pas remise en cause

Alors qu’Emmanuel Macron reconnaît que ce qu’il a le plus entendu pendant les débats est « l’injustice sociale, l’injustice territoriale, l’injustice fiscale », il n’en tire pas les conséquences et n’annonce aucune remise en cause des cadeaux fiscaux faits aux plus riches. Emmanuel Macron indique clairement vouloir poursuivre « les fondamentaux de ces deux premières années », qu’il estime « justes ». Pourtant, les mesures prises depuis 2017 (notamment la suppression de l’ISF et l’instauration de la flat tax) ont surtout profité aux plus fortunés : elles vont entraîner une hausse de 6,4% du pouvoir d’achat des 1% les plus riches cette année quand les 0,1% les plus riches vont voir leurs revenus augmenter de 17,5%. « En même temps », le revenu disponible des 9% de français·es les plus pauvres baisse du fait de ces mesures [1]. Mais Emmanuel Macron n’annonce aucune décision structurante pour revenir sur cette injustice fiscale criante !

De plus, Emmanuel Macron n’annonce aucune mesure de lutte contre l’évasion fiscale, se contenant d’annoncer confier une mission à la Cour des Comptes pour évaluer les sommes qui échappent à l’impôt ! Cela ressemble à une nouvelle diversion pour éviter de prendre des mesures concrètes, alors qu’une étude récente a estimé à 118 milliards d’euros le « coût » annuel de l’évasion fiscale en France. « Si nous pouvons aller plus loin, nous le ferons » : voici une promesse bien vague.

Dans un souci de justice fiscale, il aurait été préférable d’augmenter la progressivité de l’impôt sur le revenu (en créant de nouvelles tranches pour les hauts revenus), de réduire la TVA sur les produits de première nécessité (ce qui aurait profité prioritairement aux ménages modestes), d’engager une réelle lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, ou encore de rétablir l’ISF comme le réclament plus de 77% des français [2].

Les services publics sacrifiés

Le Grand débat a clairement mis en avant une exigence de « plus de services publics et de meilleure qualité ». Emmanuel Macron prétend y répondre en annonçant un « moratoire » sur les fermetures d’écoles et d’hôpitaux d’ici la fin du quinquennat, tout en souhaitant « plus de fonctionnaires sur le terrain ». Mais, en même temps, Emmanuel Macron n’a pas annoncé remettre en cause son projet de diminuer de 60 milliards d’euros par an les dépenses publiques d’ici 2022. Très concrètement cela va se traduire par la poursuite de la dégradation de la qualité des services publics, avec plus d’élèves par classe et plus de malades à la charge d’un personnel soignant déjà au bord de la rupture. Qui peut croire qu’on aura des services publics de meilleure qualité demain avec moins de personnels ?
pour justifier cette contradiction entre baisse des dépenses publiques et amélioration des services publics il reprend la vieille rhétorique sarkorziste : faire mieux avec moins, réorganiser les administrations, simplifier, supprimer les « doublons »...

Travailler plus sans gagner plus

L’axe central des annonces d’Emmanuel Macron s’est porté sur la nécessité de « faire payer le travail » en avançant une arnaque évidente, celle de travailler plus sans gagner plus. Après la loi El Khomri sous Hollande et les ordonnances Pénicaud sous Emmanuel Macron, qui ont réduit les droits des travailleurs et affaibli un peu plus les syndicats face au patronat, le président s’apprête à donner une attaque supplémentaire à la condition salariale. Non content d’instaurer vraisemblablement un système de retraite par points qui diminuera le montant des pensions individuelles, accroîtra les inégalités, surtout celles dont sont victimes les femmes, il cherche un moyen d’augmenter la durée du travail.

Plusieurs membres du gouvernement ont lancé des ballons-sondes pour tester l’opinion. Certains parlent ouvertement de retarder l’âge légal de la retraite fixé, depuis la réforme de Hollande, à 62 ans. Emmanuel Macron rejette cette idée parce qu’elle n’est pas dans son programme présidentiel et qualifie d’hypocrites ceux qui veulent reporter l’age de la retraite tant que le chômage n’a pas diminué. « En même temps » il avoue que sa réforme des retraites aboutira au même résultat car avec son système par points on sera fortement incité à travailler plus longtemps (l’age de 64 ans a été cité) à cause d’une décote dissuasive. Ce sera la décote pour ceux et celles qui sont sans emploi, ont un travail pénible, des problèmes de santé et la surcote pour les personnes ayant un travail moins difficile et plus rémunéré. L’injustice d’un système prétendument juste !

On comprend l’inflexibilité du président Emmanuel Macron : il a tellement gratifié les riches et les entreprises de cadeaux fiscaux qu’il est contraint à pressurer un peu plus les travailleurs. Et comment faire quand les salaires sont quasiment bloqués, que la CSG augmente et que les tensions sur les prix menacent ? Il ne reste que la solution de l’accroissement de la durée du travail des salariés. Or, la France a six millions de chômeurs. Augmenter la durée du travail ne pourra qu’aggraver cette situation. Dans un contexte où la productivité du travail augmente plus vite que la croissance, seule la réduction du temps de travail permettrait de gagner sur plusieurs tableaux : réduire le chômage et les inégalités, alléger la souffrance au travail, et donner un autre sens au progrès que la course consumériste. Un vrai progrès social serait d’avoir le temps de s’occuper de ses enfants, de ses parents, avoir une vie amicale, associative, amoureuse… tout en évitant les burn out qui se multiplient ! Il est vrai que la condition sine qua non est de stopper net le ruissellement de la richesse du bas vers le haut.

Une autre proposition sur la table consiste à supprimer un jour férié dans un contexte où les conditions de travail se dégradent. Il est aisé de comprendre que cette logique, à l’image des heures supplémentaires sans cotisation, contribue au non-partage du travail et réduit ainsi les besoins d’embauches. Supprimer un jour férié rapporterait 3 milliards, soit autant que le manque à gagner lié à la transformation de l’ISF en IFI : plutôt que nous faire travailler gratuitement, ne serait-il pas plus efficace et plus juste de rétablir l’ISF ?

Enfin, la réindexation des petites retraites sur l’inflation est une bonne nouvelle pour les plus démunis mais n’est en rien un progrès social : Emmanuel Macron ne fait que revenir sur une mesure qu’il avait prise en début de quinquennat. Les retraites de plus de 2000 euros seront à nouveau indexées sur le les prix à partir de 2021, mais les retraités demandent une indexation sur les salaires pour que leur niveau de vie ne diminue pas relativement à celui des actifs.

Climat : l’urgence d’attendre et de ne pas transformer les politiques économiques

Face à la gravité de la crise écologique, c’est une grande transformation à la fois matérielle et sociétale qu’il faudrait mettre en œuvre : transformer les soubassements énergétiques et matériels de l’économie pour justement permettre à chacun de transformer ses propres comportements. Confirmant l’orientation profondément néolibérale et productiviste des orientations économiques, Emmanuel Macron repousse à plus tard toutes les mesures structurelles pour juguler cette grave crise écologique : nulle remise en cause de la primauté donnée à la compétitivité des entreprises et aux pouvoirs acquis des entreprises multinationales. Au questionnaire biaisé et orienté du grand débat en matière de transition écologique succède donc le refus de l’exécutif d’assumer la charge de la transformation sociale et écologique. L’annonce d’un conseil de défense écologique - dont il rester à déterminer s’il fera effectivement primer l’urgence écologique en toute matière - ne saurait masquer la vacuité du logiciel d’Emmanuel Macron sur le sujet : préférant se défausser sur chacun.e d’entre nous, et désormais sur les résultats d’une prochaine assemblée citoyenne, Emmanuel Macron écarte toute transformation structurelle de l’économie française. Pourtant, les modes de vie sont très largement déterminés par le cadre général des infrastructures et des orientations économiques des pouvoirs publics : quand on fait primer la compétitivité externe de l’économie française et la baisse du coût du travail sur tout le reste, il ne peut y avoir de politique écologique à la hauteur des défis écologiques auxquels nous faisons face.

La réforme de l’ENA, une mesure cosmétique face à l’immense problème des inégalités scolaires

L’annonce de la réforme de l’ENA relève d’une mesure démagogique qui ne change rien à deux problèmes de fond. D’une part, il ne prend pas en compte le problème plus général du pantouflage, c’est-à-dire le passage d’un haut fonctionnaire du public vers le privé, et des conflits d’intérêts potentiels qui gangrènent le corps des énarques. D’ailleurs parmi les conseillers proches d’Emmanuel Macron, certains ont allègrement pratiqué ce pantouflage. Emmanuel Macron ferait mieux d’annoncer un encadrement drastique du pantouflage plutôt que d’annoncer la suppression de l’ENA.

D’autre part, la France fait face à un problème global de reproduction sociale dans l’éducation. Notre système scolaire fait partie des plus inégalitaires parmi les pays riches. Le nombre d’élèves en grande difficulté a augmenté, les inégalités scolaires se sont aggravées et Emmanuel Macron ne prend strictement aucune mesure pour s’attaquer à ces inégalités. Au contraire, le projet de loi Blanquer, contre lequel se soulèvent les parents d’élèves et leurs associations, risque encore d’aggraver cette situation. Dans un contexte de ras-le-bol général face au manque de moyens pour une éducation juste et de qualité, ce projet de loi constitue une menace sur la fonction cruciale des directeurs d’école et fait porter une charge budgétaire supplémentaire sur les communes qui seront obligés de financer la scolarité des enfants des maternelles privées. Cet argent en plus pour les écoles privées, c’est autant de moyens en moins pour les écoles publiques. Quant à la réforme du lycée, la promotion d’un « lycée à la carte » ne masque pas que l’objectif prioritaire de la réforme est de faire des économies en diminuant les heures d’enseignement.

Un « nouvel acte de décentralisation »... sans remise en cause de la fragilisation des collectivités territoriales

Plusieurs décisions importantes d’Emmanuel Macron ont fragilisé les collectivités depuis 2 ans et opéré une recentralisation du pouvoir aux mains de l’État : suppression d’une rentrée fiscale très importante des communes, la taxe d’habitation, avec une compensation budgétaire aléatoire de la part de l’État ; suppression de nombreux emplois aidés, essentiels pour ces collectivités et leurs services publics ; obligation faite aux plus grandes collectivités territoriales de rendre des comptes sur leurs dépenses ; forte baisse des dépenses locales exigées par le gouvernement d’ici 2022, etc. Emmanuel Macron annonce un « nouvel acte de décentralisation »... Or, aucune de ces décisions antérieures n’est remise en cause.

Les mobilisations pour la justice sociale, fiscale et climatique doivent s’amplifier

Ces annonces ne peuvent résoudre la grave crise sociale, écologique et démocratique actuelle, pas plus qu’elles ne répondent aux revendications et demandes exprimées par les Gilets Jaunes, le mouvement pour la justice climatique, ou dans le cadre du Grand débat. En clair, elles ne répondent ni aux urgences de fins de mois, ni aux urgences de fin du monde.

Attac appelle à renforcer les mobilisations pour la justice sociale, fiscale et climatique. Nous appelons à participer aux mobilisations :

  • les 27 avril et le 1er mai aux côtés des syndicats et des gilets jaunes pour défendre le progrès social ;
  • contre le G7 environnement à Metz les 4 et 5 mai pour défendre la justice sociale et climatique ;
  • dans le cadre de la prochaine « grève mondiale pour le climat » le 24 mai ;
  • du 20 au 25 août, à la veille du G7 à Biarritz, pour une mobilisation d’ampleur pour dénoncer les ravages d’un système global qui accroit les inégalités, détruit la planète, et renforce l’injustice sociale et fiscale.

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