Mesdames et messieurs les sénateurs,
Entendu sous serment par une commission d’enquête parlementaire en mai 2012, Frédéric Oudéa a affirmé que la Société générale avait fermé ses implantations au Panama et n’y avait plus d’activités. Grâce au Panama Papers, nous savons désormais qu’il a manifestement menti. En effet en mai 2012, 415 sociétés écran créées par la Société générale étaient encore en activité dans ce paradis fiscal. Deux fondations, Valvert et Rousseau, également créées par Mossack Fonseca pour la Société générale et ses clients, sont encore actives aujourd’hui. Un tel parjure est passible de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Le Bureau du Sénat doit décider jeudi 26 mai s’il saisit la justice afin que M. Oudéa soit poursuivi pour faux témoignage. Or nous savons que plusieurs sénateurs plaident pour le blanchir. Le 10 mai dernier, les organisations de la Plateforme paradis fiscaux et judiciaires (PPFJ), à laquelle appartient Attac, vous ont pourtant adressé une lettre très claire : « il semble donc que Frédéric Oudéa ait menti à la représentation nationale, ne serait-ce que par omission, ce que nul artifice de langage ne saurait contredire a posteriori. Son comportement est d’autant plus blâmable s’agissant de travaux parlementaires qui visaient précisément à comprendre l’évasion fiscale. Sauf à nier le droit institutionnel à la transparence des parlementaires, des poursuites s’imposent à l’endroit de Frédéric Oudéa. Celles-ci participeront indéniablement à faire progresser le débat public. » [1].
Alors que les scandales liés à la fraude et l’évasion fiscale se sont multipliés ces dernières années grâce au courage de lanceurs d’alerte intrépides, les fraudeurs et ceux qui les aident semblent jouir d’une totale impunité judiciaire de la part des pouvoirs publics. Aujourd’hui, celui qui vole de quoi se nourrir dans un magasin a bien plus de chance de se retrouver devant un juge que celui qui dérobe des millions aux finances publiques. En effet, l’administration fiscale française préfère récupérer avec majoration l’argent des fraudeurs repentis plutôt que de faire appel à la justice. Cette profonde injustice nourrit l’exaspération des citoyens vis à vis d’hommes et de femmes politiques aux services des puissants. Exaspération qui retombe sur les salariés des banques françaises, en première ligne face à des clients de plus en plus agressifs [2].
Les membres du Bureau du Sénat doivent démontrer que les banquiers ne sont pas au-dessus des lois en demandant à la justice de déterminer si Frédéric Oudéa a menti devant la représentation nationale. Dans le cas contraire, ils feraient la démonstration indiscutable de leur collusion avec le lobby des banques. Ils nous forceraient alors à amplifier nos actions, au risque assumé de nous retrouver devant un juge à la place de Frédéric Oudéa pour faire le procès de l’évasion fiscale et de ceux qui la couvrent.