Partenariat transatlantique : Lettre ouverte aux décideurs étatsuniens et européens

lundi 8 juillet 2013, par Collectif

Lettre ouverte à l’attention de MM. les Présidents Barack Obama, Juan Manuel Barroso et Herman Van Rompuy

Les États-Unis et l’Union européenne se sont entendus pour entamer les négociations d’un accord de commerce et d’investissement, proposé sous le nom « Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement » (PTCI), aussi cité sous l’appellation Accord de libre-échange transatlantique.

Nos organisations, en Europe et aux États-Unis souhaitent faire état de leur inquiétude, fondée sur les informations obtenues jusqu’à présent quant aux futures négociations, et veulent exprimer leur opposition à la complète opacité de ces négociations, qui visent à transformer ou revoir à la baisse, au nom des préoccupations commerciales, des dispositions garantes de l’intérêt public.

Comme l’ont spécifié les deux parties, dans la mesure où les tarifs douaniers sont déjà bas entre l’UE et les États-Unis, l’accord proposé se concentrera plus particulièrement sur « les questions réglementaires et les barrières non-tarifaires ».

Nous sommes préoccupés car le processus qui a conduit au lancement des négociations du PTCI est contrôlé par les intérêts privés, qui semblent vouloir démanteler les meilleures garanties de l’intérêt public avec lesquelles leurs produits et leurs procédures devraient désormais se conformer de part et d’autre de l’Atlantique.

Leur agenda est d’utiliser ces négociations comme un moyen pour poursuivre leurs efforts de dérégulation restés vains jusque là. Les représentants de l’industrie, organisés depuis 1995 dans le Dialogue transatlantique pour les affaires - récemment rebaptisé Conseil transatlantique pour les affaires -, défendent l’harmonisation des standards divergents, la libre-circulation des biens et des autorités opératrices de services selon des termes de reconnaissance mutuelle et l’élimination de ce qu’ils appellent des entraves au commerce, et que nous considérons comme certaines de nos protections les plus importantes pour les consommateurs et l’environnement.

Un accord transatlantique, qui ressemble surtout à un moyen pour faciliter la dérégulation, ne menacerait pas seulement d’affaiblir des protections déterminantes pour l’environnement et les consommateurs, mais contredirait aussi le principe démocratique en fonction duquel ceux qui vivent avec les résultats des lois et des normes – les habitants de nos pays – doivent être en mesure d’établir ces standards à travers un processus démocratique, même si cela doit conduire à l’établissement de règles qui ne conviendront pas au monde des affaires.

C’est pourquoi nous sommes extrêmement sceptiques sur le fait qu’un accord concentré sur l’harmonisation réglementaire servira l’intérêt des consommateurs, les droits des travailleurs, l’environnement et les autres domaines de l’intérêt général. Au contraire, il pourrait conduire à l’abaissement de ces standards et l’instauration de plafonds réglementaires et non plus de planchers. Un accord de « libre-échange » ne doit pas empêcher les États-Unis comme l’Union européenne (ou ses États membres) d’adopter et de renforcer des normes qui fournissent des niveaux de protection plus élevés au consommateur, au travailleur et à l’environnement.

Nous dénonçons la nature particulièrement opaque et excluante des négociations commerciales récentes, et nous insistons sur le fait que les textes de négociations doivent être mis à disposition du public. Les États-Unis et l’Union européenne doivent s’engager à rendre disponibles tous les textes de négociation et les propositions des différents pays. Les groupes parties-prenantes, dont ceux qui n’ont pas traditionnellement d’accès préférentiel aux comités consultatifs officiels, doivent être en mesure de réviser les textes proposés s’ils souhaitent apporter une contribution pertinente sur des enjeux politiques d’importante critique. Des consultations avec tous les partenaires devraient intervenir dès que possible et tout au long du processus.

La consultation disproportionnée du monde des affaires et des groupes industriels en amont des discussions entre les USA et l’UE a donné des résultats, et conduit à des contributions, correspondant à un spectre très restreint de positionnements, qui bénéficient principalement à l’industrie au détriment des communautés et de l’environnement.

De plus, nous souhaitons insister sur quelques uns des enjeux principaux pour les consommateurs, l’environnement et les travailleurs, enjeux que nous allons suivre attentivement et pour lesquels nous demanderons une responsabilité particulière compte-tenu de l’impact potentiel de l’accord proposé :

Pas de mécanisme de règlement des différends Investisseur-État  : un accord potentiel entre les USA et l’UE ne doit pas inclure de mécanisme de résolution des conflits Investisseur-État. Dans la mesure où les lois et les juridictions relatives à la propriété sont solides aux États-Unis comme dans l’Union européenne, il n’existe pas de fondement pour octroyer aux investisseurs des droits supérieurs à ceux des entreprises locales, ou pour subordonner nos systèmes juridiques à des tribunaux érigés en réalité pour dévaliser les finances publiques.

L’inclusion de dispositions aussi extrêmes dans les accords de commerce et d’investissement plus anciens a permis à des intérêts puissants, depuis les multinationales du tabac jusqu’aux pollueurs industriels, d’utiliser les mécanismes de résolution des différends Investisseur-État pour attaquer et ébranler la protection des consommateurs, de la santé publique et de l’environnement.

Les tribunaux Investisseur-État ont ordonné aux contribuables d’indemniser des compagnies étrangères avec des millions de dollars en compensation du renforcement de protections établies au plan local ou national. Pour éviter que soient conférés aux investisseurs des privilèges légaux aussi disproportionnés, plus grands que ceux accordés aux entreprises locales aussi bien aux USA que dans l’Union européenne, tout accord doit exclure le principe d’un mécanisme de résolution des différends Investisseur-État.

Sûreté alimentaire : les partenaires commerciaux doivent être libres d’établir des normes non-discriminatoires dans le domaine de la sûreté alimentaire, de la nutrition et de la labellisation, qui seront plus élevées que la norme harmonisée contenue dans l’accord, et qui viseront la protection des consommateurs ou qui renverront à des considérations environnementales ou éthiques. Chaque pays doit être autorisé à instaurer seul de telles normes à la demande et selon les priorités des consommateurs, même dans un cadre d’incertitude scientifique. La sûreté alimentaire et l’inspection des normes doivent être établies au plus haut niveau pour assurer la protection des consommateurs, et devraient programmer l’interdiction des antibiotiques à usage non-thérapeutique chez les animaux, et un système transatlantique d’alerte rapide.

Stabilité financière : des standards harmonisés doivent établir un socle de régulation financière ambitieux, basé sur les dispositions les plus fortes de part et d’autre de l’Atlantique, pour refléter les leçons de la crise financière de 2007-2009, et doivent assurer la liberté de chaque partenaire commercial d’établir et de consolider les régulations les plus contraignantes. Les États-Unis et l’Union européenne doivent être libres, sans aucune exception, de fixer des limites à la taille des institutions financières, d’établir des régulations fortes sur les fusions et acquisitions, d’insister sur la séparation des banques commerciales, des banques d’investissement, et des services d’assurance, d’interdire ou de limiter l’offre de services et de produits financiers à risque, d’établir des frais et des taxes à l’égard des institutions et des transactions financières, d’adopter des exigences de réserve supérieures aux standards internationaux, d’imposer des standards de performance et des obligations d’investissement, et de plafonner les frais et les taux d’intérêt, ainsi que de décider de mesures de contrôle des capitaux.

L’accès à des médicaments bon marché et l’innovation sur Internet  : l’accès des consommateurs à des médicaments abordables et leur capacité à utiliser et à innover sur internet ne doivent pas être restreints. Les États-Unis et l’Union européenne doivent garantir aux consommateurs qu’ils conserveront leur capacité à utiliser librement internet et qu’ils subiront pas l’augmentation des dépenses de santé au nom des seuls intérêts de l’industrie pharmaceutique. L’accord en perspective devrait exclure toute disposition concernant la propriété intellectuelle, y compris celles relatives aux brevets, copyright, marques et protection des données.

La sécurité climatique  : tout accord doit fournir l’espace politique aux pays signataires pour répondre à la crise climatique émergente et faciliter la transition vers des modes de consommation et de production plus durables. Pour promouvoir la durabilité et enrayer la catastrophe climatique en perspective, les partenaires commerciaux doivent avoir l’espace pour adopter des politiques fiscales, des standards de performance obligatoires, des limites à la pollution et aux émissions de carbone, des des dispositifs d’auto-production de l’électricité ou des prix de rachat, des politiques relatives aux marchés publics qui donnent la préférence aux énergies renouvelables et aux productions « vertes », des standards concernant les énergies renouvelables ou toute autre politique, sans être susceptible d’être attaqués au nom de l’accord.

Sûreté des médicaments, appareils médicaux et produits chimiques : les partenaires commerciaux doivent être libres d’établir des standards élevés et efficaces que les médicaments, les appareils médicaux et les produits chimiques devront satisfaire avant d’être approuvés ou autorisés à accéder au marché. Les États-Unis et l’Union européenne doivent être libres d’instituer les régimes de test qu’ils jugeront appropriés.

Une régulation efficace des technologies émergentes : les partenaires commerciaux doivent être autorisés à la discrétion pour réguler les produits des technologies émergentes, comme les nano- ou les biotechnologies. La flexibilité doit être préservée pour promulguer de nouvelles régulations non-discriminatoires qui répondront aux objectifs de protection des consommateurs ou qui correspondront à des préoccupations éthiques ou environnementales face à l’évolution technologique.

Compte tenu de l’ampleur des conséquences d’un tel accord pour les consommateurs, les travailleurs et l’environnement, cette lettre ne présente pas une liste exhaustive de nos préoccupations. Nous suivrons attentivement les négociations et nous défendrons nos droits contre la « règle de la porte close » au service des intérêts des entreprises privées. Nous poursuivrons également nos efforts pour développer et promouvoir des approches alternatives aux défis mondiaux que représentent le changement climatique, la dégradation environnementale, le chômage, les inégalités croissantes et l’insécurité alimentaire, alternatives qui seront fondées sur la responsabilité démocratique et la coopération plutôt que sur la concurrence économique et la libéralisation commerciale.

Cordialement,

États-Unis et Union européenne

  • Transatlantic Consumer Dialogue (TACD)

États-Unis

  • Coalition for Sensible Safeguards
  • Open The Government
  • Citizens Trade Campaign
  • International Brotherhood of Teamsters
  • American Federation of State, County and Municipal Employees (AFSCME)
  • Family Farm Defenders
  • Presbyterian Church (USA)
  • US Public Interest Research Group (PIRG)
  • Consumer Federation of American (CFA)
  • Public Citizen
  • Liberty Coalition
  • Public Knowledge
  • Center for Food Safety
  • Center for Digital Democracy
  • American Medical Student Association
  • Friends of the Earth, U.S.
  • New Rules for Global Finance Coalition
  • Global Exchange
  • National Association of Consumer Advocates
  • Institute for Policy Studies - Global Economy Project
  • Food & Water Watch
  • Center for Policy Analysis on Trade and Health
  • Institute for Agriculture and Trade Policy
  • Farmworker Association of Florida
  • Fair World Project
  • Just Foreign Policy
  • Health GAP
  • International Center For Technology Assessment
  • Knowledge Ecology International
  • Columban Center for Advocacy and Outreach
  • The Second Chance Foundation

Union européenne

  • Food & Water Europe
  • Friends of the Earth Europe (FoEE)
  • Corporate Europe Observatory
  • Transnational Institute
  • Fair Trade Advocacy Office
  • 11.11.11, Belgium
  • Transport & Environment (T&E), Belgium
  • Attac Vlaanderen, Belgium
  • Africa Contact, Denmark
  • Association internationale de techniciens, experts et chercheurs – AITEC, France
  • Attac France
  • Attac Finland
  • PowerShift - Verein fuer eine oekologisch-solidarische Energie- & Weltwirtschaft e.V., Germany
  • World Economy, Ecology & Development, Germany
  • Attac Hungary
  • Fairwatch, Italy
  • Both ENDS, Netherlands
  • Platform Duurzame en Solidaire Economie, Netherlands
  • Platform Aarde Boer Consument, Netherlands
  • Women’s International League for Peace and Freedom (WILPF), Netherlands
  • Trade Justice Movement (TJM), UK
  • PoHG - The Politics of Health Group, UK
  • National Health Service Consultants’ Association, UK
  • Keep Our National Health Service Public (KONP), UK
  • No2EU-Yes to Democracy, UK
  • GeneWatch UK
  • Campaign against Euro-federalism (CAEF), UK
  • National Health Action Party (NHAP), UK

J’agis avec Attac !

Je m’informe

Je passe à l’Attac !

En remplissant ce formulaire vous pourrez être inscrit à notre liste de diffusion. Vous pourrez à tout moment vous désabonner en cliquant sur le lien de désinscription présent en fin des courriels envoyés. Ces données ne seront pas redonnées à des tiers. En cas de question ou de demande, vous pouvez nous contacter : attacfr@attac.org