Etude d’impact alternative
Deux chercheurs de l’université Tufts, sur la côte Est des États-Unis, Pierre Kohler et Servaas Storm, ont mené de leur côté une étude d’impact du CETA, en utilisant un modèle macroéconomique multinational, développé aux Nations Unies, le Global Policy Model (GPM). A la différence du modèle GTAP utilisé par la Commission, le modèle GPM considère les effets du CETA sur l’emploi et la distribution des revenus. Le modèle GPM fait partie des nouvelles générations de modèles macroéconomiques qui prennent explicitement en compte les coûts d’ajustement et ne postulent pas le retour automatique à l’équilibre, contrairement aux modèles d’équilibre général. De plus, utilisant une large base de données, le modèle GPM tient compte de l’hétérogénéité des 124 pays étudiés, répartis en 30 groupes de pays selon leur niveau de développement.
Les résultats de cette étude universitaire sont très différents de ceux de la Commission. Leurs principales conclusions sont que le CETA aurait des effets extrêmement défavorables sur la croissance, l’emploi, et les revenus. L’impact négatif sur la croissance du revenu national est estimé à –0,96% pour le Canada et à -0,49% pour l’UE (-0,65% en France). A l’horizon 2023, environ 230 000 emplois seraient détruits dans les pays de l’accord CETA, dont 200 000 dans l’UE et 45 000 en France. Les recettes publiques seraient également affectées à la baisse (-0,2% du PIB en France), ainsi que les revenus des ménages (-1 331 euros par ménage en France).
A l’horizon 2023, 230 000 emplois seraient détruits dans les pays de l’accord CETA, dont 200 000 dans l’UE et 45 000 en France.
Prudence à l’égard des traités de libre-échange
Les résultats contradictoires de ces études sont pour le moins inquiétants ! Ils appellent trois séries de conclusions. En premier lieu, au moment où se développe un débat sur le pluralisme dans l’analyse économique, à la suite du pamphlet publié par Pierre Cahuc et André Zylberberg, il apparaît essentiel de questionner l’orthodoxie économique, et de proposer des études menées selon des méthodologies alternatives. C’est précisément ce que viennent de faire ces deux chercheurs de l’université de Tufts.
Un développement économique et social équilibré doit être fondé au premier chef sur la demande et le marché intérieurs.
En second lieu, alors que la crise économique mondiale se traduit par la stagnation durable du commerce international, et montre les risques d’une croissance fondée sur les exportations, il est essentiel de comprendre qu’un développement économique et social équilibré doit être fondé au premier chef sur la demande et le marché intérieurs.
En dernier lieu, ces résultats négatifs du CETA, ou à tout le moins la grande incertitude qui entoure ceux-ci, devraient amener les gouvernements à plus de prudence face aux traités de libre-échange. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui c’est, non pas toujours plus de libéralisation, dont on sait qu’elle profite surtout aux entreprises transnationales, mais au contraire de mettre en place des régulations internationales donnant la priorité à la qualité des emplois, au maintien et à la relocalisation des activités, ainsi qu’à la transition énergétique.