TAFTA : cinq premiers enseignements tirés des documents révélés par Greenpeace

lundi 2 mai 2016, par Maxime Combes

L’analyse des documents révélés par Greenpeace Pays-Bas ce lundi 2 mai ne fait que commencer. Il est néanmoins possible de tirer plusieurs leçons politiques et pratiques, alors que ces fuites surviennent près de trois ans après le début des négociations. En voici cinq. Pour avancer et pour débattre. Au grand jour !

Vous ne trouverez dans cet article aucune analyse technique des 248 pages de documents confidentiels rendus publics par Greenpeace Pays-Bas ce lundi 2 mai à 11h (disponibles ici). Ce travail est en cours, mené par de nombreuses organisations et spécialistes. Néanmoins, ces fuites interviennent après deux années d’intenses actions de relation publique menées par la Commission européenne pour tenter de désarmer la critique et limiter la contestation. De plus, pour la première fois, ces documents comprennent des éléments tangibles sur ce que défendent les États-Unis dans les négociations. Suffisant pour établir quatre premiers enseignements.

1. Transparence et communication ne se valent pas. Nous voulons la transparence totale.

Depuis plus de deux ans, au lendemain des premières vives critiques portant sur la méthode et le contenu des négociations, la Commission européenne ne cesse de répéter qu’elle fait des efforts de transparence en ayant publié de nombreux documents sur le site de la Commission européenne. Force est de constater que ces documents sont très éloignés des documents de négociation qui viennent d’être rendus publics. Un exemple ? Cécilia Malmstrom, commissaire au commerce, dit partout qu’elle défend le principe de précaution, « un outil clef pour nous en Europe » (voir ce discours prononcé le 26 janvier dernier). Le principe de précaution n’est tout simplement pas mentionné dans la note « tactique » sur l’état des négociations rédigée par la Commission européenne en amont du cycle de négociations du mois d’avril (document 16 mis en ligne par Greenpeace Pays-Bas) : il est faux de dire que l’équipe de Cécilia Malmstrom défend le principe de précaution lorsqu’elle se retrouve face aux négociateurs américains.

Exigence : que l’ensemble des documents de négociations soient rendus publics, pour que l’ensemble des citoyen·ne·s européen·ne·s et américain·ne·s puissent savoir de quoi il retourne.

2. La Commission ne pourra plus jamais dire que nos critiques sont des « mythes »

La publication de ces documents – que nous exigions depuis longtemps – va clarifier les débats. La Commission, qui avait beau jeu, jusqu’ici, d’affirmer que nos critiques étaient infondées et qu’il fallait lui faire confiance, montre qu’elle a usé d’un double langage. D’un côté, elle a usé d’un langage public pour rassurer les populations, utilisant des arguments tels que le principe de précaution, et de l’autre, celui de la négociation où les règles de protection environnementale et sanitaire, par exemple, disparaissent derrière les intérêts des multinationales européennes. Il est par exemple possible de lire dans le chapitre sur la coopération réglementaire (document 9 dévoilé par Greenpeace) qu’un des objectifs est d’obtenir un « environnement réglementaire favorable à la concurrence » qui soit « prévisible » pour les investisseurs : les intérêts économiques et financiers sont donc mis dans la balance d’éventuelles décisions sanitaire ou environnementale qui viendraient rompre cette « prévisibilité ». D’une manière générale, ce chapitre sur la coopération réglementaire confirme bien nos très vives critiques face à un dispositif qui permettrait aux intérêts privés d’intervenir en amont des processus législatifs et réglementaires pour en réduire l’ambition.

Exigence : il est temps que le débat public s’organise sur la base des critiques sincères émises par les ONG, syndicats et citoyen·ne·s et non plus sur la base des opérations de communication de la Commission.

3. TAFTA n’oppose par les intérêts américains et européens, mais les intérêts des multinationales et ceux des populations (et de la planète)

C’est un des éléments les plus frappants à la lecture de certains passages des documents révélés par Greenpeace. Ainsi, le document 16 portant sur l’état des négociations évoque à plusieurs reprises que les multinationales américaines ou européennes ont été ou devront être consultées sur tel ou tel aspect de la négociation. Ce alors que la population, les ONG et les syndicats sont tenus éloignés de la négociation par la Commission européenne. Récemment, François Hollande, Manuel Valls et Matthias Fekl sont intervenus publiquement et simultanément pour demander de la « réciprocité » entre les États-Unis et l’UE, justifiant ainsi les demandes de l’UE consistant à libéraliser les marchés publics locaux et le secteur financier américains. Les documents fuités confirment cette réalité : les négociations visent à faire correspondre les intérêts économiques et financiers des deux côtés de l’Atlantique, loin de l’intérêt des populations dont les aspirations à plus de sécurité en matière de protection de l’environnement ou sur le plan sanitaire sont mises de côté.

Exigence : il est nécessaire de recentrer le débat sur l’essentiel. Il ne s’agit pas de savoir qui de l’UE ou des États-Unis a le plus à gagner (ou à perdre) avec le TAFTA, mais comment les intérêts des multinationales européennes et américaines sont promues à travers un tel accord, au détriment de l’intérêt général.

4. François Hollande doit stopper les négociations du TAFTA au nom de l’impératif climatique

Lors de l’ouverture de la conférence environnementale, François Hollande a déclaré que « la France serait très vigilante pour que les accords commerciaux ne remettent pas en cause, de manière subreptice, les avancées qui ont été décidées lors de la COP 21 ». Les documents révélés par Greenpeace confirment nos craintes exprimées à plusieurs reprises (voir ici et ici par exemple) : les négociations du TAFTA ne tiennent aucunement compte de l’impératif climatique. Le document portant sur l’état des négociations (document 16 révélé par Greenpeace) est très révélateur à ce sujet : les parties sur le développement durable et le commerce de l’énergie et des matières premières (p. 18-19) n’évoquent nullement la contrainte climatique. Pas plus que les autres documents fuités où le terme « climat » n’apparait nulle part.

Aucun des intérêts commerciaux et des objectifs de libéralisation du commerce énoncés dans ces documents ne sont donc soumis à des objectifs de réduction des émissions de CO2 ou à des limitations d’usage des énergies fossiles. Comme si les États-Unis et la Commission européenne niaient les effets sur le climat des politiques de libéralisation des échanges, qui sont pourtant dûment circonstanciés. Comme si l’Accord de Paris et les engagements pris lors de la COP 21 n’étaient déjà plus que de lointains souvenirs. Alors que la Commission européenne cherche à obtenir la libéralisation complète du marché transatlantique de l’énergie afin d’importer massivement gaz et pétrole non-conventionnels nord-américains, l’absence de référence au défi climatique est clairement une façon de remettre en case les (rares) avancées qui ont été décidées lors de la COP 21.

Exigence : que François Hollande, sur ce motif, justifie l’arrêt des négociations du TAFTA : plus aucun accord de commerce et d’investissement international ne doit ignorer les engagements pris lors de la COP 21.

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5. Derrière (mais avant) le TAFTA, se cache le CETA, l’accord UE-Canada.

Ces fuites vont à nouveau focaliser l’attention médiatique sur le TAFTA. C’est une très bonne chose tant la négociation de tels accords a horreur de se retrouver sous les feux des projecteurs. Mais il ne faudrait pas oublier que le CETA, l’accord UE-Canada, qui est déjà conclu, qui doit être transmis au Conseil de l’UE dès le mois de mai 2016, et à propos duquel le gouvernement français devra se prononcer à l’automne, contient toutes les composantes les plus décriées du TAFTA.

Exigence : rouvrir les négociations du CETA, notamment au nom de l’impératif climatique et du respect des objectifs fixés par l’Accord de Paris.

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