Pour la politique commerciale européenne de demain

lundi 16 septembre 2024, par European Trade Justice Coalition

Attac et des dizaines d’organisations membres de la Coalition européenne pour la justice commerciale (ETJC) appellent à dix priorités pour que la politique commerciale de l’UE soit à la hauteur des défis de demain.

Il est grand temps de tourner la page d’un modèle de politique commerciale défaillant, et de créer une nouvelle approche du commerce, véritablement taillée pour l’avenir. Aujourd’hui, les règles commerciales tendent à détruire des emplois décents, à tirer les salaires vers le bas, à endommager la planète, et à saper des normes exigeantes, qu’il s’agisse de la protection de la sécurité alimentaire, de la santé ou du climat. Elles portent un préjudice particulier aux pays d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique.

Le besoin de changement se fait de plus en plus sentir – non seulement au sein de l’UE, mais aussi à l’échelle mondiale. L’UE doit prendre de l’avance et commencer à penser le commerce différemment durant le prochain cycle législatif. Dans les mois et années à venir, vous, représentant·es des citoyen·nes de l’UE, aurez une occasion cruciale de façonner une politique commerciale capable de définir des nouveaux standards internationaux, fondés sur la durabilité, la coopération, l’égalité, la solidarité et la démocratie. En tant que membres de la Coalition européenne pour la justice commerciale (European Trade Justice Coalition ou ETJC), nous appelons à dix priorités pour que la politique commerciale de l’UE soit à la hauteur des défis de demain :

1. Promouvoir une alimentation et une agriculture de qualité

Nous avons besoin d’une approche commerciale qui favorise la souveraineté alimentaire, les systèmes alimentaires locaux respectueux de l’environnement, un revenu décent pour les agriculteurs et les travailleurs agricoles, des normes élevées de bien-être animal et une alimentation saine. Il est impératif de relocaliser le commerce pour que la petite agriculture, les communautés locales et les petites entreprises en bénéficient, au lieu des grandes multinationales et de l’agro-industrie, avec leurs méthodes abusives et le placement de leurs profits dans des paradis fiscaux. Nos accords commerciaux ne doivent pas accroître la concurrence déloyale pour les agriculteurs de l’UE.

2. Soutenir une politique industrielle progressiste

La politique industrielle est un sujet émergent, porteur d’espoir pour de nombreuses économies laissées pour compte, mais uniquement si elle est bien menée. Les règles commerciales obsolètes (comme l’interdiction des exigences de contenu local) ne doivent pas entraver une approche progressiste, écologique et socialement juste de la politique industrielle, tant en Europe qu’à travers le monde.

Nous devons pouvoir utiliser des politiques stratégiques ciblées pour encourager un développement local durable et permettre aux bénéfices de la valorisation de circuler tant vers les pays en développement que vers les zones défavorisées d’Europe. Il est également crucial que les technologies nécessaires à la transition écologique puissent être partagées, et non accaparées.

3. Placer le climat au centre

Les impacts dévastateurs de la crise climatique se font déjà sentir aujourd’hui, mais ils ne sont rien comparés à l’héritage que nous laisserons si nous continuons ainsi. Il est urgent de mettre en place un régime commercial qui incarne la solidarité avec les jeunes et les générations futures. Pourtant, la politique commerciale européenne n’est toujours pas alignée avec les ambitions climatiques et de développement durable de l’UE – elle est même en contradiction flagrante, notamment en favorisant les flux commerciaux de produits à fortes émissions de carbone. Les objectifs climatiques doivent être au cœur de la politique commerciale.

4. Assurer l’égalité devant les ressources

Au nom de la transition énergétique, il y a une volonté d’utiliser les outils commerciaux pour sécuriser les matières premières essentielles pour l’Europe. Cela risque de se transformer en une appropriation des ressources dans les pays d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique, qui ne tient pas compte de leurs propres besoins de développement industriel et perpétue des extractions hautement polluantes et exploitantes ainsi que des violations des droits humains. Nous devons respecter la souveraineté réglementaire et les besoins de développement des autres pays et des communautés locales.

5. Supprimer les tribunaux d’arbitrage

Nombre de multinationales, notamment du secteur des énergies fossiles, utilisent des tribunaux d’arbitrage (connus sous le nom de ISDS ou ICS, selon les acronymes anglais) pour poursuivre les États, en dehors des systèmes juridiques nationaux, réclamant des milliards d’argent public, lorsque les politiques climatiques et d’intérêt public nuisent à leurs profits. Nous devons nous assurer que ce système de règlement des différends en matière d’investissement ne soit pas inclus dans les accords commerciaux de l’UE et que les États membres ne soient pas autorisés à l’inclure dans de nouveaux traités d’investissement.

6. Défendre les droits humains et les droits du travail

Si nous n’y prenons pas garde, les règles commerciales peuvent créer un nivellement par le bas, conduisant à des salaires plus bas, des services publics affaiblis, des conditions de travail abusives et une répression syndicale à travers le monde. Nous devons veiller à ce que les règles commerciales incarnent et appliquent réellement les droits humains, y compris les droits du travail. En cas de conflit, les règles commerciales doivent être subordonnées aux droits humains et aux principes de l’OIT.

7. Protéger le droit de réglementer les géants de la technologie et l’intelligence artificielle

L’économie numérique connaît une croissance rapide et évolue, posant de nouveaux défis en permanence. L’Europe doit avoir le pouvoir de façonner et de contrôler des aspects tels que l’intelligence artificielle et l’utilisation des données des citoyens, et les accords commerciaux ne doivent pas offrir une échappatoire pour contourner cela.

8. Mettre fin aux doubles standards dans les exportations

Nous devons créer de nouvelles règles pour empêcher l’exportation de produits déjà interdits dans l’UE. Les entreprises européennes ne devraient pas profiter de la vente de pesticides dangereux et d’autres produits toxiques à d’autres pays, alors que nous n’autorisons pas leur vente ou utilisation chez nous.

9. Soutenir la transparence et la démocratie

Quand les accords commerciaux sont remis en question par le public et les parlements, il est scandaleux d’essayer de contourner le contrôle démocratique et les procédures d’usage pour les faire passer en force. Les tactiques sournoises telles que le « découpage » des accords devraient être inacceptables, tandis que les accords spécifiques doivent faire l’objet d’un examen équivalent. Assurer le contrôle démocratique par le biais d’une approche participative et transparente peut au contraire conduire à de meilleurs accords commerciaux.

10. Rejeter les accords commerciaux qui ne sont pas à la hauteur

Enfin, il est clair que lorsque les accords commerciaux ne respectent pas ces principes, ils devraient être rejetés, comme, par exemple, les accords UE-Mercosur et UE-Mexique, ainsi que les négociations UE-Indonésie, qui semblent également ne pas être à la hauteur.

Qui sont les membres de l’ETJC ?

La Coalition européenne pour la justice commerciale est un réseau de plus de 50 organisations à travers l’Europe qui militent pour un commerce au service des personnes et de la planète. Nous contestons les règles commerciales injustes et militons pour une politique commerciale respectueuse de l’environnement et du climat, créatrice d’emplois décents et favorable à la santé et au bien-être de toutes et de tous.

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