Contrairement à ce qui est souvent affirmé, le Mercosur et l’Allemagne ne seraient pas en eux-mêmes les gagnants, ni l’agriculture européenne prise dans sa globalité la perdante. Un accord de libre-échange, parce qu’il met en concurrence des secteurs, des filières et des entreprises qui s’inscrivent dans des systèmes économiques, sociaux, environnementaux très différents, génère automatiquement des gagnants et des perdants dans chaque secteur, dans chacune des filières.
Quels gains économiques globaux ? Les gains économiques attendus – et incertains tant les projections sont fragiles – sont faibles : l’étude d’impact de la Commission européenne prévoit pour l’UE une augmentation de PIB négligeable de 0,1% sur 10 ans, et une baisse de 0,1% pour le Mercosur. La même étude anticipe néanmoins une hausse du chômage dans les secteurs automobile, de l’industrie, de la chimie et de la pharmaceutique dans les différents pays du Mercosur, ainsi que dans leur agriculture familiale (lait, etc). Et de forts impacts sur certaines filières agricoles européennes.
Les effets attendus secteur par secteur, filière par filière, sont assez bien documentés :
- l’élevage agro-industriel de viande bovine et de volailles du Mercosur va gagner des marchés au détriment de l’élevage européen le moins compétitif et le moins protégé ;
- les industries du sucre et de l’éthanol du Mercosur vont étendre leur part de marché au détriment de leurs équivalents européens ;
- l’industrie des pesticides va pouvoir accroître ses exportations, y compris de produits interdits d’usage sur le sol européen, et au risque que ces mêmes produits reviennent sous forme de résidus sur les produits agricoles importés ;
- l’industrie automobile européenne, y compris française, va profiter de l’ouverture des marchés du Mercosur pour exporter davantage, y compris des véhicules thermiques bientôt interdits de commercialisation sur le sol européen, au détriment de l’industrie automobile des pays du Mercosur et des emplois du secteur ;
- l’industrie de la chimie et l’industrie pharmaceutique européennes (les grandes multinationales du médicament) vont gagner contre l’industrie pharmaceutique brésilienne et le système de santé local ;
- l’industrie agroalimentaire et la filière des vins et spiritueux, pour lesquelles la baisse des droits de douane va générer un effet d’aubaine, vont augmenter leurs exportations et accroître leur dépendance aux marchés internationaux.
La Commission européenne le reconnaît publiquement sans peine : les filières agricoles de l’élevage, du sucre et de l’éthanol servent de monnaie d’échange pour ouvrir de nouveaux marchés au profit de quelques industries européennes parmi les plus polluantes. Tandis que ce sont quelques entreprises exportatrices de matières premières minières, énergétiques et agricoles qui vont empocher le pactole côté Mercosur.
Pour nous, c’est clair, nous ne sommes pas prêts à ces sacrifices. Et nous attendons, de l’exécutif français, comme exprimé dans notre lettre ouverte, qu’il soit résolument mobilisé à Bruxelles, et non seulement devant les TV durant le G20, pour bloquer ces négociations et abandonner ce projet d’accord.