Une journée à Fukushima

mercredi 13 avril 2016, par Jacqueline Balvet

Dans le cadre du Forum social mondial thématique sur le nucléaire – Tokyo 23-28 mars 2016 – une visite à Fukushima a été organisée pour les participants. Fukushima est une des préfectures du Japon les plus étendues territorialement, la centrale étant située à peu près au milieu de la préfecture.

La catastrophe survenue à la centrale le 11 mars 2011 n’a pas impacté tout le territoire de la même manière ni avec le même niveau de radioactivité.

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En nous rendant à Tomioka, commune de 16 000 habitants désormais morte car située dans la zone où il n’est pas autorisé à vivre, cette variabilité de taux de radiation est visible au bord de l’autoroute, bornée de panneaux indiquant le taux instantané de radiation à l’endroit même (sans savoir si le taux est mesuré au niveau du sol ou du panneau en hauteur). Nous l’avons constaté en nous rendant sur le site de l’ancienne gare, détruite en janvier car fortement endommagée par le tremblement de terre, près duquel est installée le centre de tri des déchets des sols selon leur radioactivité.

La commune, vidée de ses habitants, les quelques conséquences du tremblement de terre ayant été évacuées, ne vit que par les « décontamineurs » présents quotidiennement pour nettoyer la commune : un tractopelle déblayant sur 20 cm de profondeur le sol actuel sur tout le périmètre de la commune. Les décontamineurs, armés d’une pelle, sans combinaison protectrice et pas toujours avec le masque indispensable chargent dans les camions ce qui est brûlable pour l’apporter à l’usine d’à côté. Puis, ils remplissent des sacs en plastique, les transportent et les entassent les uns à côté des autres, à perte de vue « plus de 9 millions de sacs poubelles contenant chacun un mètre cube de déchets contaminés sont répartis sur 114 700 sites au sein de la préfecture de Fukushima fin septembre 2015 » [1]. Il y a eu des incendies, et certains sacs ont déjà été emportés par l’océan, le lieu de stockage a dû être déplacé.

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Les « décontamineurs » sont des personnes employées par des sous-traitants du gouvernement, pour la plupart précaires mais suffisamment bien payés pour qu’ils se taisent sur leurs conditions de travail.

Car c’est bien l’État qui a décidé de remettre en ordre cette commune afin de convaincre les habitants à revenir y vivre d’ici avril 2017, date à laquelle l’allocation mensuelle allouée aux évacués ne leur sera plus versée. Et tout cela, pour accueillir les Jeux Olympiques de 2020, montrant ainsi l’efficacité et la responsabilité du gouvernement japonais face à la catastrophe. Il faut préciser que cette région était une région de rizières, réputée par ses stations thermales, son eau pure et son agriculture de qualité. Les rizières ont également été décontaminées. « Au total, depuis 2011, les dépenses pour la décontamination s’élèvent à 1 milliard 500 millions d’euros » [2].

Mais la réalité est tout autre : la plupart des habitants ne veulent pas revenir, seuls quelques personnes très âgées ne peuvent imaginer finir leurs jours ailleurs que là où toutes les générations précédentes ont vécu. Pour les autres, soit ils ont réorganisé leur vie ailleurs, soit ils ne croient absolument pas que la radioactivité a disparu et ont très peur : ils ont bien raison car si le taux de radioactivité a été baissé en surface, dès que l’on creuse on retrouve un taux très élevé à 30 et jusqu’à 50 cm plus en profondeur. Et surtout, étant donné que ces villages sont situés dans des zones semi-montagneuses, dès qu’il pleut, la radioactivité des collines et forêts ruisselle avec l’eau de pluie et se répand dans toute la commune.

Une élue de la commune d’Okuma, tout près de la centrale, s’insurge contre le fait que le gouvernement veuille faire revenir les habitants, c’est un véritable scandale et les élus se taisent ! Le ministère de l’environnement a voulu créer de l’emploi et a proposé de relancer la culture des fraises- depuis 2011, les conseils communaux évacués continuent à fonctionner, implantés à proximité dans les zones habitables. Certains envisagent déjà de reconstruire complètement les communes dans des sites non contaminés.

Mais les habitants se mobilisent : la population locale s’est organisée depuis 2011. Dans plusieurs petites villes du pays, plus ou moins proches de la centrale endommagée, des associations se sont constituées pour mesurer les taux de radiation des aliments : nous avons visité l’une d’entre elles, à Iwaki distante de 50 km de la centrale.

Ce sont des mères de famille qui se sont regroupées en association, soucieuses de donner de la nourriture saine à leurs enfants. Grâce à des dons, l’association a acheté du matériel pour mesurer le césium 134 et 137, le strontium et le tritium.

L’association a également acheté un fauteuil pour mesurer la radioactivité corporelle. Elles se sont formées pour ce travail et se relaient chaque jour pour accueillir toutes les personnes qui veulent connaître le taux de radioactivité de ce dont elles se nourrissent. Sont également mesurés les taux des poussières dans les maisons ainsi que de la terre aux alentours.

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Après avoir entendu les témoignages et vu la situation de près, la volonté du gouvernement japonais de réouvrir les centrales nous apparait comme une décision criminelle, digne de la science fiction. Mais cette détermination de l’État appuyée par la très forte pression des entreprises forme un bloc dont la stratégie s’appuie sur le déni total de la situation et le mensonge, ce qui ne laisse présager qu’une grande inquiétude pour les habitants et les générations futures.

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