Un premier Forum Social Mondial thématique sur le nucléaire

mercredi 13 avril 2016, par Jacqueline Balvet

Pour un monde sans nucléaire" un slogan unanime des experts et militants anti-nucléaires japonais, ukrainiens, indiens, turcs, philippins, taïwanais, coréens, québécois et français réunis à Tokyo du 23 au 28 mars 2016.

Pendant ces 6 jours de forum, les ateliers, entrecoupés d’un déplacement à Fukushima et d’une journée de rassemblement et manifestation, se sont succédés : les catastrophes nucléaires et leurs conséquences, la justice climatique et les négociations de la COP à Paris, les ventes de réacteurs à travers le monde, l’organisation des citoyen-ne-s pour se doter d’appareils de mesure de la radioactivité des aliments et des personnes, les conditions de travail criminelles pour les travailleurs du nucléaire, le rôle des lobbies et des acteurs français.

L’atelier sur la COP, organisé par Attac Japon s’est clairement positionné pour la compatibilité d’une sortie du nucléaire et de la lutte contre le réchauffement climatique. Plusieurs arguments techniques le confirment : au niveau mondial, les émissions évitées - de gaz à effet de serre - par le nucléaire étant de moins de 3%, cette solution n’en est pas une. Par ailleurs, l’Agence Internationale de l’Energie ne recommande pas le nucléaire pour améliorer la lutte contre le changement climatique, ses trois propositions phares étant l’efficacité énergétique, les investissements nécessaires en énergies renouvelables et la réduction des émissions de méthane [1]. La transition énergétique est loin d’être à l’honneur : au Japon, des arguments mensongers sont mis en avant pour convaincre de la nécessité de redémarrage des centrales nucléaires comme celui du coût élevé des énergies renouvelables. En France, la décision de prolonger de 10 ans la durée de vie des centrales pénalisera fortement les décisions d’investissement pour les énergies renouvelables.

Les acteurs français de l’industrie nucléaire sont tous présents à Fukushima CEA, IRSN, AREVA. Mais que l’on ne se trompe pas, il ne s’agit pas pour eux d’un soutien aux industriels japonais ni de solidarité au peuple japonais, leur seul intérêt est le terrain d’expérimentaiton que représente Fukushima pour mettre au point les outils nécessaires à la probable future catastrophe nucléaire en France. [2]

Les conditions d’exploitation de l’énergie nucléaire, partout dans le monde, bafouent tout respect des hommes, mettant gravement en danger leur santé, que ce soient les travailleurs qui exploitent le minerai, ceux qui préparent le combustibles, qui le transportent, qui nettoient les cuves, qui trient les déchets. Dans les centrales, les travailleurs les plus exposés sont, en France comme ailleurs, employés par des sous-traitants. Ainsi, ne pouvant travailler uniquement dans les centrales pour cause de limite d’exposition aux radiations, ils exercent également dans d’autres entreprises : ceci permet à EDF de se dédouanner lors de la survenue d’un problème de santé, la cause pouvant être incriminée à une autre problème que celui de la radiation. La situation des travailleurs dans les autres pays n’est pas meilleure, la sous-traitance, avec ses conséquences dramatiques, est la règle.

Le réseau asiatique No Nukes se réunissait juste avant ce FSM thématique : les représentants présents, venant tous de pays directement concernés par le risque nucléaire, nous ont rapporté :

La Corée est équipée de 24 réacteurs sur 4 sites (19 à eau pressurisée et 4 à eau lourde pressurisée) et fait partie des principaux pays exportateurs avec la Chine, la Russie, le Japon et la France. 30% de l’electricité est d’origine nucléaire.

L’Inde est également un pays fortement nucléarisé, 22 réacteurs en fonctionnement, 6e rang des pays producteurs d’électricité nucléaire. L’Inde a acheté ses réacteurs au Canada, à la Russie, et au Japon. Areva a signé pour 6 nouveaux réacteurs et le gouvernenment annonce vouloir un parc de 46. Le pays connait de très fortes mobilisations mais avec de violentes répressions.

A Taïwan, pays de volcans, séïsmes et forte densité de population, les mobilisations ont obtenu l’arrêt de la construction de la 4e centrale et la présidente du Parlement a déclaré aller vers un pays sans nucléaire en 2021. Ce pays n’étant pas reconnu au niveau international, il stocke ses déchets sur place, dans les centrales et sur l’île des Orchidées, 45 km2 et 4 000 habitants.

Aux Philippines, le 1er réacteur dont la construction a démarré en 1973, n’a jamais produit d’électricité, pour cause de corruptions et problèmes de sécurité. Construit sur une faille géologique, il est actuellement ouvert aux touristes. Le gouvernement actuel a néanmoins un plan pour une remise en état d’ici fin 2016.

La Turquie n’est pas encore dotée de réacteurs. Le Japon a signé en 2013, 2 ans après Fukushima, un accord avec la Turquie pour une durée de 20 ans sur un projet de centrale à Sinop (Mer noire), dont la construction affecterait 80 000 personnes vivant sur le site prévu.

Les pays nucléarisés (France, Japon, Russie, Corée..) sont en compétition pour vendre leurs réacteurs, et tentent de convaincre tous les pays du monde, pauvres ou riches, de se doter de cette industrie : concernantl’Arabie Saoudite il y a eu compétition entre la Corée et la France. La Corée a remporté le contrat en 2009, avec 2 réacteurs à eau pressurisée. La construction devrait être terminée en 2017 et se double d’une construction d’usine de dessalement d’eau de mer. Et, cerise sur le gâteau, le jour de la signature du contrat a été déclaré jour de fête nationale.

Cette énergie, si elle a réussi à tromper pendant quelques décennies avec ses mensonges, ne peut plus maintenant faire croire ni à son bas coût (les débacles financières sont désormais de notoriété publique), ni à sa sûreté (les catastrophes se succèdent sans qu’en soit retiré la moindre leçon de sécurité), ni à sa propreté (pas de prise en compte des contaminations humaines ni de solution aux déchets). Comment peut-on croire en une décontamination qui permettrait aux habitants de la préfecture de Fukushima de revenir vivre dans les zones évacuées moins de 10 ans après la catastrophe ? C’est pourtant ce qu’organise le gouvernement japonais, pour accueillir les Jeux Olympiques en 2020.

Tous ces mensonges ont été déconstruits pendant le Forum par les militants et experts réunis à Tokyo. La situation apocalyptique de la zone de Fukushima nous a été rapportée par des témoins des catastrophes, mais elle n’a pas entamé l’énergie des militants présents, venus de 9 pays différents et engagés dans divers combats ponctués de quelques victoires, telle la décisions du Parlement taïwanais d’arrêter le nucléaire.

La journée de rassemblement et la manifestation haute en couleurs célébraient les 30 ans après la catastrophe de Tchernobyl, et 5 ans après celle de Fukushima : 35 000 personnes ont défilé dans les rues les plus commerçantes de Tokyo le samedi 26 mars après-midi, pour affirmer qu’elles étaient bien décidées à ne rien lâcher.

Le Forum s’est conclu sur un appel à mobilisation [3] pour un réseau mondial vers un monde sans nucléaire, pour se retrouver à Montréal, avec tous les autres militants d’Europe et des Amériques qui pourront s’y joindre. Une journée de travail s’organisera en préalable du Forum social mondial 2016, journée qui devra définir les actions à venir portées collectivement.

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