Les gaz à effet de serre issus du transport aérien ont doublé depuis 1990, faisant de l’aviation mondiale le septième plus gros pollueur au monde. C’est particulièrement disproportionné quand on sait que ces émissions sont causées par moins de 10 % de la population mondiale. Epargné par l’Accord de Paris (voir cet article), le secteur de l’aviation ne doit plus tarder pour se conformer à l’impératif climatique : la proposition de l’OACI, qui vise à atteindre une « croissance neutre en carbone », manque sérieusement d’ambition, notamment parce qu’elle repose principalement sur la compensation carbone.
La compensation carbone est un dérivatif facile pour qui ne veut pas réduire ses émissions de GES. Elle permet de se limiter à déplacer les émissions de GES d’un secteur à un autre avec à la clé, au mieux, un résultat nul. Si l’OACI prévoit la mise en œuvre de plusieurs principes pour que son dispositif de compensation évite notamment le double comptage et les préjudices aux populations locales, ils ne sont pas suffisants. L’expérience du Mécanisme de développement propre (MDP) a profondément et durablement discrédité l’idée selon laquelle la compensation pourrait offrir quelque bénéfice que ce soit du point de vue de la lutte contre les dérèglements climatique.
Les projets de compensation ont prouvé qu’ils n’étaient pas en mesure de respecter les principes posés par l’OACI. Ainsi, un nombre significatif de projets, notamment ceux visant à « réduire les émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts » (REDD+), sont contestés, notamment par les populations locales, parce qu’ils font comme si l’agriculture paysanne et l’utilisation de la forêt par les peuples autochtones étaient responsables de la déforestation, tout en gardant le silence sur les causes réelles de la destruction à grande échelle de la forêt. Les projets REDD+ imposent des restrictions sur l’utilisation actuelle des terres, dans le but de générer des crédits carbone utilisés dans le cadre de dispositifs de compensation. En introduisant un dispositif mondial de compensation, l’OACI ne ferait qu’aggraver la situation.
Les organisations à l’initiative de la pétition ci-dessous et signataires de la déclaration publiée au mois d’avril, exigent des membres de l’OACI de s’assurer que les mesures qui seront adoptées à Montréal représentent une contribution juste et adaptée à l’effort global pour limiter le réchauffement climatique en dessous de 2°C, ou idéalement en-deçà de 1,5°C comme le prévoit l’article 2 de l’Accord de Paris. Il ne saurait y avoir de propositions sérieuses sans objectif contraignant et ambitieux de réduction d’émissions, et ce, sans utilisation de la compensation carbone.
Le gouvernement français, en tant que président de la COP 21, ne doit pas accepter un dispositif de compensation carbone qui ne ferait que nous éloigner des objectifs fixés dans le cadre de l’Accord de Paris : sans objectifs clairs et sans règles strictes, un accord de l’OACI sur le climat sera un vol sans destination d’arrivée.