Une semaine plus tard, les envolées discursives des chefs d’État et de gouvernement ne sont qu’un lointain souvenir, une parenthèse dans un long processus de négociations qui nous conduit inéluctablement sur une trajectoire de réchauffement supérieure à 3 °C. De ces discours salués par la grande majorité des commentateurs, il ne reste rien. Du moins, pas dans le texte en cours de négociation par les ministres des 195 États-membres de l’ONU. L’analyse montre un texte d’une rare indigence, très éloigné de ce qui pourrait être « un accord climatique universel, ambitieux, juste, durable, dynamique, équilibré, juridiquement contraignant » tel que l’évoquait Laurent Fabius dans son discours d’ouverture.
Raison pour laquelle nous avons décidé de traduire en mesures concrètes les principales déclarations des Chefs d’État et de gouvernement du 30 novembre. Alors que les négociations sont désormais menées par les ministres des différents pays, il serait plus qu’approprié et justifié qu’ils traduisent en actes les belles paroles de lundi dernier. Comme bon nombre d’entre eux, à commencer par les ministres des pays les plus puissants de la planète, semblent manquer d’imagination, nous leur faisons quelques propositions concrètes ! Quelques propositions qui, si elles étaient retenues, permettraient d’entrevoir une accord ambitieux et juridiquement contraignant. C’est mal parti.
Les déclarations des Chefs d’État traduites en mesures concrètes
Pour que les ministres ne manquent pas d’imagination.
Chefs d’État ou de gouvernement | Extraits des déclarations le 29 novembre au Bourget | Restées sans lendemain, les déclarations des Chefs d’État méritent d’être traduites en mesures concrètes ! |
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François Hollande et Laurent Fabius | C’est au nom de la justice climatique que nous devons agir. | La France s’engage à faire respecter le principe de responsabilités communes et différenciées dans l’ensemble de l’accord de Paris (finance compris). |
Comment accepter que ce soient les pays les plus pauvres, ceux qui émettent le moins de GES qui soient les plus vulnérables ? | La France refusera tout accord qui ne respecte par un objectif maximum de 1,5°C et demande à l’UE d’en faire autant. | |
L’accord doit-être contraignant | La France propose de rendre les INDCs contraignants avec révision obligatoire et mécanisme de sanction en cas de non-respect de ces objectifs. | |
La mobilisation des financements et des technologies en faveur des pays du Sud doit progresser | La France s’engage à lever les Droits de Propriété Intellectuelle (DPI) sur les technologies et à obtenir l’équivalent au sein de l’OMC. Ainsi qu’à tout faire pour l’inclusion d’une Taxe sur les transactions financières dans l’accord. | |
Barack Obama | Nous déploierons les ressources pour que les pays en développement évitent de passer par la phase polluante du développement | Les États-Unis retirent leur proposition de ne plus baser les financements sur la responsabilité commune mais différenciée |
Tout à fait conscient d’être à la source du problème | Les États-Unis revoient leur INDC à la hausse pour faire leur juste part et se conformer aux préconisations du GIEC, ouvrant à des révisions d’autres pays. | |
Xi Jinping | Mon pays participe activement à la campagne de lutte contre les changements climatiques. | La Chine, suivant la décision des États-Unis, prévoir désormais d’atteindre un maximum d’émission dès 2020 et une réduction à partir de 2025. |
Angela Merkel | Les mécanismes d’ambition dont il faut nous doter devront être contraignants. Nous savons que les objectifs doivent être renforcés et pas diminués, tous les cinq ans. | L’Allemagne demande à l’UE de revoir son INDC de façon conforme aux préconisations du GIEC, et propose à l’UE de soutenir une refonte des règles commerciales de l’OMC introduisant une contrainte climatique. |
Narendra Modi | La justice climatique demande qu’(...)on laisse suffisamment de place pour la croissance des pays en développement’ | Suite aux engagements des États-Unis, de la Chine et de l’Allemagne, l’Inde s’engage à faire transiter les financements du charbon vers les renouvelables. |
David Cameron | Au lieu de devoir présenter des excuses à nos enfants demain, il faut agir aujourd’hui | Le Royaume-Uni appuie la proposition de l’Allemagne et ajoute vouloir instaurer un moratoire mondial sur l’exploitation d’hydrocarbures de schiste. |
Justin Trudeau | Notre gouvernement fait du changement climatique sa première priorité - Nous voulons bâtir une économie durable | Le Canada s’engage à introduire un moratoire sur les investissements dans les sables bitumineux et à respecter les droits des peuples indigènes. |
Vladimr Poutine | Il faut rappeler le rôle très important des forêts qui sont le poumon de la planète | La Russie s’engage à respecter les forêts, à financer la lutte contre la déforestation et à prendre l’année 2005 comme année de référence pour ses émissions. |
Evo Morales | Le capitalisme est un crime contre la Terre-Mère | La Bolivie propose que l’accord de Paris reprenne les principales dispositions définies à Cochabamba lors du sommet des peuples (avril 2010). |
Christopher Loeak, président des îles Marshall | Pour nous, la COP 21 doit être un tournant dans l’histoire. | Au nom des AOSIS, les îles Marshall se félicitent des nouveaux engagements et accepte la déclaration de Cochabamba la base de l’accord de Paris. |