Monsieur le Président de la République,
A la suite de la cacophonie gouvernementale dont nous avons été les témoins récemment sur le dossier du glyphosate et alors que vous aviez, candidat, promis de faire de la santé environnementale une « priorité du quinquennat », puis à Rungis rappelé cette exigence, nous vous conjurons de ne plus attendre pour porter dans les négociations européennes en cours l’interdiction de l’usage de cette molécule dangereuse et polluante.
Le glyphosate est l’herbicide chimique le plus vendu au monde. En France, pas moins de 8.500 tonnes sont vendues chaque année. Alors que l’UE s’apprête à décider du sort de cet herbicide pour les prochaines années, nos organisations rappellent cinq arguments de poids pour que la France vote en faveur de son interdiction au niveau européen sans attendre :
Des raisons sanitaires
Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence de l’Organisation mondiale de la santé, a classé en mars 2015 le glyphosate cancérogène probable pour l’homme. Ce classement, d’après le règlement 1107/2009 relatif à la mise sur le marché des pesticides, devrait suffire à le retirer du marché.
Par ailleurs, deux études récentes mettent en cause le glyphosate dans des maladies graves du rein, du foie [1]) et il est fortement suspecté d’être un perturbateur endocrinien [2]. Ces risques de santé publique suffisent à déclencher des mesures immédiates pour interdire le glyphosate sur la base du principe de précaution inscrit dans la Constitution française et les traités européens.
Des raisons de crédibilité et d’éthique
Trois agences contestent le caractère cancérogène du glyphosate : l’Institut fédéral allemand pour l’évaluation des risques (BfR, chargé de l’évaluation du glyphosate dans l’Union européenne) ; l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ; et l’Agence européenne des produis chimiques (ECHA). Ces agences ont écarté et ignoré des résultats prouvant le caractère cancérogène du glyphosate lors d’expériences sur les animaux. Or, d’après le règlement européen 1272/2008, une substance doit être considérée comme cancérogène si deux études indépendantes sur des animaux mettent en lumière une incidence accrue des tumeurs. Pour rappel, au moins sept études à long terme sur douze ont mis en exergue l’incidence du glyphosate sur le développement de tumeurs.
Le scandale dit des « Monsanto papers » révélé récemment a jeté le doute sur la crédibilité et le sérieux des évaluations de ces agences européennes qui ont copié-collé des rapports fournis par l’industrie chimique. Comme évoqué lors du discours de Rungis, il est primordial que la France soit intransigeante et exemplaire en matière d’indépendance de l’expertise.
Des raisons environnementales et agronomiques
Le glyphosate et son produit de dégradation l’AMPA sont les premiers polluants des eaux de surface. Le glyphosate est considéré comme toxique pour les organismes aquatiques. Cette contamination des eaux a des conséquences néfastes à long terme sur la vie aquatique et animale.
Le glyphosate modifie également la chimie des sols et réduit l’absorption des éléments nutritifs du sol, comme le manganèse, le zinc, le fer et le bore, éléments connus pour leurs rôles dans les mécanismes de résistance des plantes aux maladies.
Les alternatives au glyphosate existent déjà
Les agriculteurs biologiques, ou encore beaucoup de ceux qui ont choisi une agriculture à bas niveau d’intrants, n’utilisent pas d’herbicides de synthèse et donc de glyphosate : ils recourent à du matériel adapté comme des herses-étrilles. Le « binage » mécanique de manière précise avec des caméras et de l’électronique pour enlever les herbes non désirées est tout à fait possible. On peut également avoir recours à des cultures associées – par exemple des légumineuses avec des céréales -, en remplaçant les herbes non désirées par des végétaux qui cohabitent avec la culture principale. Ces techniques sont d’ailleurs déjà mises à l’oeuvre par des agriculteurs dits conventionnels [3]. Pour les autres agriculteurs, il faudra bien sûr prévoir conseil et accompagnement. Les États généraux de l’alimentation sont une opportunité pour décider de cet accompagnement ainsi que de la mise en place d’outils permettant aux acteurs économiques de l’agro-alimentaire et de l’agro-fourniture de s’adapter à la sortie du glyphosate et plus largement des pesticides de synthèse.
Des millions de citoyen.ne.s européen.ne.s comptent sur vous
En février 2017, une Initiative Citoyenne Européenne (ICE) a été lancée pour demander, entre autres, l’interdiction du glyphosate. En moins de 5 mois cette initiative a réuni plus d’un million trois cent mille signataires dans toute l’UE. C’est une première en si peu de temps. Cet engouement montre à quel point les citoyens européens souhaitent aujourd’hui protéger leur santé et leur environnement des dangers des pesticides en général et de cet herbicide en particulier.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons lors des négociations européennes de porter sans attendre l’interdiction du glyphosate et d’ainsi tenir fermement votre promesse de campagne :

Nous comptons sur vous et vous prions d’agréer, Monsieur le Président, nos sincères salutations.