Loi Duplomb : mobilisons-nous contre le productivisme agricole

mardi 24 juin 2025, par Attac France

Retour des néonicotinoïdes, déploiement facilité des mégabassines, refus de débat législatif démocratique, diminution du pouvoir des instances de contrôle des productions agricoles… autant de raisons pour se mobiliser.

Attac se joint à l’appel d’un ensemble d’associations, syndicats, collectifs, à se rassembler partout en France, notamment le dimanche 29 juin.

À Paris : grand rassemblement sur l’Esplanade des Invalides le 29 juin à partir de 14h (prises de parole, stands, concert) puis près du Sénat le 30 juin à partir de 11h30.

Alors que depuis deux ans, les mobilisations dans le monde agricole s’exacerbent, elles sont largement dominées par une concurrence entre la FNSEA et la Coordination Rurale. Si ces deux organisations ne représentent pas nécessairement les mêmes intérêts ni les mêmes secteurs au sein du milieu agricole, elles se rejoignent sur l’essentiel : mettre fin à toutes les réglementations environnementales, accentuer le productivisme agricole, s’en prendre aux écologistes ainsi qu’à toutes les instances de régulation de l’agriculture. Elles sont soutenues par une grande partie des élus de droite. Parmi eux, le sénateur Laurent Duplomb, dont la loi qui porte désormais son nom risque d’être adoptée dans les prochains jours, posant plusieurs problèmes graves, tant dans son contenu que du fait du caractère anti-démocratique de son adoption.

Une loi reprenant les propositions de la FNSEA

L’énoncé de la loi Duplomb est assez court, constitué de 6 articles regroupés en trois titres.

L’article premier revient sur la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires, ce qui favorisera les conflits d’intérêt, dans la mesure où les conseils vont devenir une simple publicité dans les mains des vendeurs de ces mêmes produits.

L’article deux porte sur les pesticides, dont les néonicotinoïdes. Aujourd’hui, la législation française est plus protectrice que la loi européenne, et interdit des néonicotinoïdes autorisés au niveau européen. Avec cette nouvelle loi, le droit français s’alignera sur le droit européen. Ça pourrait être par exemple le cas pour l’acétamipride, un insecticide utilisé contre les ravageurs en particulier dans les cultures de betteraves ou de noisettes, mais qui tue les pollinisateurs ; il est interdit en France depuis 2018, mais autorisé dans l’Union européenne jusqu’en 2033. De tels pesticides ont un impact négatif sur la biodiversité et sur toute la chaîne alimentaire, et donc sur la santé humaine, notamment celle des premier·es concerné·es, les paysan·nes.
Le même article permet au Ministère de l’Agriculture d’aller l’encontre d’une décision de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), affaiblissant son rôle dans les homologations des pesticides, et qui pourrait être bientôt supplantée par la création d’un conseil de professionnels et de syndicats agricoles décidant des autorisations de pesticides.

L’article trois porte sur l’élevage. Les grandes fermes d’élevage à partir d’un certain nombre de têtes, nécessitent une autorisation administrative. C’est ce que l’on appelle des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). La loi prévoit de rehausser ces seuils, favorisant les méga fermes usines. Ainsi, pour les volailles, les seuils pour obtenir une autorisation passeraient de 40000 à 85000 têtes, pour les porcs de 2000 à 3000. En ce qui concerne le bovins, les seuils pourront être relevés par décret. Outre les effets sur les animaux de telles concentrations, cela ne va favoriser qu’une petite minorité de producteurs, qui vont d’autant plus s’imposer sur les marchés, au détriment des petits producteurs et des jeunes paysan·nes qui souhaitent s’installer.

L’article quatre définit des modalités de recours en cas de pertes de récolte ou de culture. C’est le seul article qui peut ne pas être contesté.

L’article cinq porte sur la gestion de l’eau. Les projets de stockage d’eau peuvent désormais être « présumés d’intérêt général majeur ». Autrement dit, la construction de mégabassines est facilitée, permettant par exemple de déroger au principe de protection des espèces et des habitats. On connaît pourtant l’importance des zones humides, facteur de biodiversité, et permettant de se protéger à la fois des crues et des sécheresses, et la nécessité de les défendre. Or la loi prévoit une nouvelle catégorie, "les zones humides fortement modifiées" pouvant être plus facilement exploitées. Par ailleurs, en facilitant la création de nouvelles mégabassines, il s’agit d’accentuer encore la captation des ressources entre les mains de quelques agriculteurs, pour d’un modèle productiviste éloigné des objectifs de souveraineté alimentaire et d’une agriculture nourricière.

Enfin l’article 6 « entend apaiser les relations entre l’Office français de la biodiversité (OFB) et les agriculteurs ». Pour ce faire, l’OFB devra privilégier la procédure administrative, pour éviter autant que faire se peut des procédures judiciaires. On sait que des agences de l’OFB ont été ciblées, notamment par des membres de la Coordination Rurale, empêchant ses agents d’effectuer leur travail contre les atteintes à l’environnement. La loi Duplomb emboite donc le pas à ces actions violentes et donne raison aux agriculteurs qui se sont rendus coupables de ces agressions.

Une loi au parcours complexe

De 2013 à 2017, Laurent Duplomb a été président FNSEA de la Chambre d’Agriculture de la Haute-Loire. De 2014 à 2017, il a été président du troisième groupe laitier français, Sodiaal, dans le Massif central. Assez logiquement, lorsqu’il est élu sénateur en 2017, il cherche à défendre au Sénat les positions de la FNSEA.

En 2024, le gouvernement dépose un projet de Loi d’Orientation Agricole (LOA). En raison de la dissolution de l’Assemblée Nationale, et des divers changements de gouvernement, celle-ci n’est votée qu’au début 2025. Certains des articles sont proches des revendications de la FNSEA. Mais Laurent Duplomb veut aller plus loin que la LOA, et, en parallèle, dépose cette proposition de loi qui vise à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Elle est déposée le 1er novembre 2024, et votée au Sénat le 27 janvier 2025.

Quelques mois plus tard, elle commence son parcours dans les commissions de l’Assemblée Nationale, d’abord à la Commission du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire, puis à la Commission des Affaires Économiques. Sans que le contenu néfaste de la loi ne soit remis en cause, plusieurs amendements la rendent moins nuisible ; ainsi, un moratoire de 10 ans contre le déploiement des mégabassines est voté.

La loi devait être débattue en séance publique le lundi 26 mai. Le vendredi précédent, de fortes tensions se font sentir : la gauche dépose un grand nombre d’amendements, la FNSEA appelle ses membres à monter à Paris pour faire pression en faveur du vote. Le vendredi soir, une motion de rejet préalable est déposée, par Julien Dive, rapporteur de la proposition de loi à l’Assemblée Nationale.

Le lundi 26 la motion est votée. Autrement dit la loi, avec les amendements votés en commission ne sera pas débattue. En général, ce type de motion est déposé par l’opposition, et non par les personnes qui défendent le texte. Ce à quoi nous assistons, c’est un passage en force. C’est un déni démocratique.

Le 30 juin, une Commission Mixte Paritaire composée de 7 député·es et 7 sénateur·rices se réunira au Sénat. Et quelques jours après, la loi sera votée sans débat à l’Assemblée Nationale.

Une nécessaire mobilisation

Retour des néonicotinoïdes, déploiement facilité des mégabassines, refus de débat législatif démocratique, diminution du pouvoir des instances de contrôle des productions agricoles… autant de raisons pour se mobiliser.

Attac se joint à l’appel d’un ensemble d’associations, syndicats, collectifs, à se rassembler partout en France, notamment le dimanche 29 juin, le rassemblement parisien ayant lieu sur l’Esplanade des Invalides. Cet appel a été publié dans Libération.

De même Attac sera présente le lundi 30 juin aux côtés de la Confédération Paysanne lors de son rassemblement près du Sénat, où se réunira la Commission Mixte Paritaire.

Carte des mobilisations

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