Emmanuel Macron à New-York : le champion du mépris et du bla-bla a encore frappé

mardi 24 septembre 2019, par Attac France

C’est avec mépris et arrogance qu’Emmanuel Macron a répondu depuis New-York à l’impressionnante mobilisation internationale de la jeunesse pour le climat. Loin d’en prendre la mesure, le chef de l’État se limite à faire le service après vente d’une politique climatique française qui fait, au mieux, du surplace. A nouveau, tant sur les objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre que sur le commerce international, ou la construction d’infrastructures carbonées, Emmanuel Macron énonce à New York le contraire de ce qu’il fait à Paris. S’y ajoutent une diversion sur la lutte contre la déforestation, et une réaction indigne au recours juridique formé par 16 jeunes, dont Greta Thunberg, envers l’inaction climatique de cinq pays, dont la France.

« Qu’ils aillent manifester en Pologne et ramasser des détritus sur des plages en Corse et dans la rivières » : un Président ne devrait pas dire ça. Quel mépris et quelle arrogance quand on constate le niveau d’engagement et de détermination d’une jeunesse soucieuse de son avenir et de la planète, et désireuse de voir enfin des décideurs politiques et économiques arrêter de prendre des décisions contraires avec la lutte contre les dérèglements climatiques ? Ces petites phrases méprisantes ne sont pas des erreurs de communication : visiblement, Emmanuel Macron et son gouvernement n’apprécient pas de voir un mouvement climat qui dresse un bilan à charge de sa politique climatique faite de « petits pas et grands renoncements ».

« Je n’ai pas le sentiment que la France bloque » affirme-t-il en réponse au recours juridique formé par 16 jeunes du monde entier devant le comité des droits de l’enfant de l’ONU contre la France et quatre autre pays (France, Allemagne, Argentine, Brésil et Turquie). Le recours est pourtant étayé par des centaines de pages d’études scientifiques peu suspectes de "positions très radicales", selon les propos caricaturaux utilisés par Emmanuel Macron envers Greta Thunberg.

Que dit le recours ? Que la France est au 8e rang des pays ayant le plus relâchés de carbone depuis 1850, ayant à ce titre une responsabilité majeure dans le réchauffement actuel. Que les émissions françaises actuelles nourrissent un réchauffement de 3°C à 4°C et que la France émettra en 2030 10 fois plus que sa juste part dans un scénario où le réchauffement global serait inférieur à 1,5°C. Enfin, s’appuyant sur le rapport du Haut Conseil pour le climat installé par Emmanuel Macron lui-même, le recours, données à l’appui, secteur par secteur, précise que "le retard de la France dans la décarbonisation est incompatible avec l’objectif de 1,5°C annoncé à Paris et avec le leadership climatique international de la France". Voilà des faits, rien que des faits, auxquels Emmanuel Macron ne daigne pas répondre.

Bis repetita, Macron dit à New York le contraire de ce qu’il fait à Paris

Ce n’est d’ailleurs que du bout des lèvres qu’Emmanuel Macron a consenti à soutenir un objectif climatique européen de 55 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 par rapport à 1990, au lieu des 40% actuels. C’était pourtant le minimum exigible alors qu’à la fois Angela Merkel et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont appuyé les premières cette exigence de cohérence minimale avec les objectifs fixés dans le cadre de l’Accord de Paris dont Macron se veut le garant. Alors que bon nombre de scientifiques et d’ONG expliquent qu’il faudrait aller encore plus loin (- 65%), Emmanuel Macron s’est bien gardé d’annoncer comment mettre en œuvre un tel objectif en France : la Loi énergie-climat, qui doit être votée de façon définitive ce 26 septembre au Sénat, limite l’ambition à 40%. Pourquoi ne pas faire à Paris ce que l’on annonce à New-York ?

A New-York, Emmanuel Macron a également déclaré qu’il n’était plus possible d’avoir « un agenda commercial contraire à notre agenda climatique ». A peu de mots près, voilà un engagement qu’il avait déjà énoncé devant l’Assemblée générale de l’ONU en 2018. Pourquoi alors avoir entre temps fait voter le CETA pendant l’été ? En septembre 2017, la commission d’experts qu’il avait lui-même établie n’a-t-elle pas déjà jugé cet accord de commerce et d’investissement comme incompatible avec la lutte contre les dérèglements climatiques ? Si cet engagement est sérieux, il suffit donc qu’Emmanuel Macron demande à son gouvernement de retirer le projet de loi portant ratification du CETA qui est à l’ordre du jour du Sénat. Ainsi s’ouvrirait à l’échelle européenne une possibilité de renégociation du mandat commercial européen. Si, par contre, le Parlement français venait à ratifier le CETA, il refermerait cette opportunité et ferait à Paris l’inverse de ce que Macron énonce à New-York. Quant à l’idée, évoquée par Emmanuel Macron, selon laquelle la « compensation » pourrait résoudre le dilemme « climat-commerce », c’est une illusion que de nombreuses études récentes sur les résultats de la compensation carbone viennent de balayer.

Diversion sur la déforestation

A New-York, Emmanuel Macron a fait la promotion d’une nouvelle (sic) alliance internationale pour protéger les forêts tropicales, aux contours flous et à la réalité de l’action non déterminée. Cette alliance additionne des promesses financières (100 millions de dollars pour la France) tout en omettant de s’attaquer aux vecteurs de déforestation dont les pays les plus riches, UE et France comprises, sont responsables : quand des États prendront-ils enfin des mesures pour ne plus importer de produits source de déforestation ? Quand prendront-ils des mesures pour sanctionner les entreprises qui sont responsables de cette déforestation importée ? A l’émotion internationale suscitée par les feux de forêts en Amazonie et ailleurs, devrait répondre une action résolue des pouvoirs publics plutôt que la mise en place d’une nouvelle alliance internationale sans arme pour s’attaquer aux racines de la déforestation. Quant à Emmanuel Macron, il pourrait qu’il commence donc par sanctuariser les forêts de Guyane plutôt qu’étendre l’emprise des permis d’exploration minière et, en même temps, qu’il revienne sur l’autorisation délivrée à Total d’importer des quantités importantes d’huile de palme issues de la déforestation en Indonésie.

L’illusion des financements climat et de la finance verte

En 2009, à Copenhague, les pays riches s’étaient engagés à dégager 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour financer les politiques climatiques (atténuation et adaptation) des pays dits « en développement ». Dix ans plus tard, on en est encore loin : les estimations de l’OCDE, discutables du point de vue de la méthodologie suivie, indiquent un montant total de 72 milliards pour 2017. Que la France ait doublé sa contribution au Fonds Vert et garantisse que 80% du total sera délivré sous forme de dons au bénéfice des pays les plus vulnérables est sans doute une bonne nouvelle.

Mais il serait temps que cela se traduise au sein de l’Agence française de développement qui procède très majoritairement par des prêts, plutôt que des dons. Plus largement, il serait temps que les banques publiques françaises deviennent réellement « zéro-fossiles » et débloquent les financements nouveaux, additionnels, prévisibles qui sont nécessaires. A l’échelle internationale, quand un dollar est investi dans les énergies renouvelables, presque 3 dollars le sont dans les énergies fossiles. Le ratio est encore plus dégradé au sein des banques françaises puisque ce rapport va de 1 à 3,5.

« Ne pas continuer à financer des infrastructures carbonées ». Chiche ?

Pour « nous mettre en cohérence avec nos actions », Emmanuel Macron a même annoncé vouloir « arrêter de financer les projets d’infrastructure qui augmentent les émissions de CO2 ». « En France ou à l’étranger ». « Si elles polluent, nous ne les financerons pas » a-t-il poursuivi, reprenant là une des exigences anciennes et permanentes du mouvement pour la justice climatique. En France, il revient donc à Emmanuel Macron et son gouvernement de stopper la construction des autoroutes prévues par la Loi d’orientation sur les mobilités (le GCO à Strasbourg, le contournement de Rouen, l’A69 entre Castres et Toulouse, etc), de ne plus soutenir le projet destructeur de terres agricoles Europacity, ou encore la construction du Terminal 4 de Roissy.

Du « dire » au « faire » il y a un pas. Emmanuel Macron ne l’a pour l’instant jamais franchi, restant cantonné à des discours et promesses sans lendemain. Il en va pourtant de la crédibilité en politique et, plus important, de l’efficacité de la lutte contre le réchauffement climatique à laquelle appelle le mouvement climat, notamment les jeunes mobilisés par millions. Ils l’affirment clairement : il n’y aura pas de politique climatique à la hauteur des enjeux sans remise en cause des logiques néolibérales, productivistes et consuméristes actuellement à l’œuvre. A chaque fois, jusqu’ici, Emmanuel Macron a préféré préserver ses dernières lorsqu’il s’est agi de choisir. Le mouvement climat a annoncé vouloir rester mobilisé jusqu’à ce que cela change. Voilà un engagement sain qui consiste à aller à la racine des choses et qu’il faut soutenir. Qu’Emmanuel Macron le veuille ou non.

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