COP24 : Ecartons les pollueurs des négociations et politiques climatiques

jeudi 13 décembre 2018, par Maxime Combes

Depuis la signature de l’accord de Paris en décembre 2015, 90% des 200 plus grandes multinationales de la planète ont mené des actions de lobbying contre les politiques climatiques. Y compris en France où les lobbys industriels et énergétiques ont obtenu une Loi Hulot sur les hydrocarbures moins ambitieuse qu’annoncée, et une programmation pluriannuelle de l’énergie qui repousse à plus tard ce qu’il faudrait faire aujourd’hui. Face à cela, nous avons une proposition : que les lobbys industriels et des énergies fossiles soient exclus de tous les espaces de négociation et de décision sur les enjeux climatiques.

Tribune initialement publiée dans le numéro n°1530 de Politis, accessible ici (https://www.politis.fr/articles/2018/12/du-pollueur-ecoute-au-pollueur-regule-39702/)

Confierait-on la lutte contre le tabagisme aux cigarettiers ? Celle contre la délinquance routière aux chauffards ? Non. C’est pourtant en partie ce qui est fait en matière de lutte contre les dérèglements climatiques. Les multinationales du charbon, du gaz et du pétrole, les banques et les assurances qui les financent, les constructeurs automobiles, les cimentiers et les industriels de la chimie bénéficient pleinement d’un principe trop mal connu : « pollueur écouté, pollueur exaucé ».

Certains de ces principaux pollueurs de la planète sont ainsi régulièrement sponsors des COP, ces conférences internationales sur le climat, dont la 24e édition s’est ouverte à Katowice, en Pologne, le 2 décembre. Jastrzebska Coal Company (JSW), premier producteur de coke (charbon) de l’Union européenne, est ainsi le plus important partenaire officiel de la COP 24, aux côtés par exemple de PGE et de Tauron, producteurs d’électricité à base de charbon et de gaz.

Même si c’est la troisième fois en dix ans (après Poznan en 2008 et Varsovie en 2012), il serait trop facile d’incriminer la seule Pologne : Engie, Renault-Nissan, Suez, BNP-Paribas, Air France, EDF, parmi les multinationales françaises les plus polluantes, ne faisaient-elles pas partie des 56 sponsors privés choisis pour financer la COP 21 en 2015 à Paris (1) ?

Ce sponsoring n’est néanmoins que la face émergée de l’emprise qu’exercent les plus grands pollueurs de la planète sur les politiques climatiques. Alors que près de 70 % des émissions de gaz à effet de serre relâchées depuis 1988 sont de la responsabilité d’une centaine d’entreprises sur la planète (2), ces pollueurs disposent en effet d’un statut d’observateurs dans les COP qui leur permet d’être au plus près des négociations officielles.

À la COP 24, Chevron, Shell et le lobby européen du gaz (Total, Engie, etc.) disposent ainsi, via l’Association internationale des marchés carbone (IETA en anglais), d’un immense espace d’activités leur permettant de présenter leurs technologies industrielles – inefficaces et dangereuses par ailleurs – et les marchés carbone – défaillants – comme des instruments suffisants pour faire face au défi climatique. Résultat ? En plus de vingt-cinq ans de négociations, aucun État, aucune institution internationale n’a jamais proposé de limiter la production de charbon, de gaz ou de pétrole, et il n’a jamais été possible de définir des mécanismes visant à réduire l’exploitation des énergies fossiles. Par leur présence et leur lobbying, les industries les plus polluantes repoussent aux calendes grecques toute régulation contraignante pouvant restreindre de quelque manière que ce soit leurs activités.

Ce travail de sape ne se limite pas au moment des COP. Depuis la signature de l’accord de Paris en décembre 2015, 90 % des plus grandes entreprises de la planète ont mené des actions de lobbying pour s’opposer à la mise en œuvre de politiques climatiques plus ambitieuses (3). Les multinationales européennes Total, Bayer, BASF, Arcelor et Glencore font partie des plus mal notées, en compagnie de l’Association des constructeurs européens d’automobiles, du Medef ou encore de BusinessEurope, qui ne cesse de faire pression pour vider de sa substance toute ambition climatique européenne (4). Ce lobbying derrière portes closes s’accompagne en général de grands efforts de communication pour tenter de verdir leur image. Écoblanchiment et lobbying vont en effet de pair. Désarmer la critique du public d’un côté et obtenir la mansuétude des pouvoirs publics de l’autre sont les deux faces d’une même stratégie visant à éloigner toute velléité de régulations contraignantes sur leurs activités polluantes.

L’industrie du tabac et ses lobbys sont désormais interdits des enceintes où se discutent les politiques internationales de lutte contre le tabagisme. Pourquoi n’en serait-il pas de même en matière de climat ? C’est ce que demandent de nombreuses organisations de la société civile : l’Union européenne, et la France en particulier, serait honorée de soutenir cette proposition et, mieux encore, de la mettre en pratique. Il y va de l’intérêt général et de la capacité à prendre des décisions qui, par définition, doivent bousculer les intérêts des principaux responsables de l’aggravation de la crise écologique. Pour qu’au principe du « pollueur écouté, pollueur exaucé » se substitue le principe du « pollueur écarté, pollueur régulé (5) ».

Maxime Combes, auteur de « Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition »

Notes :

(1) « Sponsors de la COP 21 : qui a donné quoi ? »

(2) « The Carbon Majors Database : CDP Carbon Majors Report 2017 »

(3) InfluenceMap.org

(4) « Le Medef européen prépare le sabotage des objectifs climatiques européens »

(5) « Open letter : EU must back efforts to tackle vested interests at UN climate talks »

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