Le grand bluff de LREM sur la lutte contre l’évasion fiscale

lundi 28 juin 2021, par Attac France

Un texte publié récemment par un député européen LREM montre à quel point le parti présidentiel est prêt à réécrire l’histoire afin d’embellir le bilan - indigent - du quinquennat Macron en matière de lutte contre l’évasion fiscale.

Dans ses pages Débats et idées, l’Humanité du 22 juin proposait diverses contributions sur le thème « Taxation des multinationales : les efforts sont-ils à la hauteur ? ». [1]

Les propos tenus par le député européen LREM Stéphane Séjourné méritent une réponse, dans la mesure où ils sont révélateurs des arguments que va tenter d’utiliser LREM dans la séquence électorale pour vanter le bilan d’Emmanuel Macron dans la lutte contre l’évasion fiscale.

Stéphane Séjourné reprend les éléments de langage de Bruno Le Maire pour saluer une « étape historique » dans la lutte contre l’évasion fiscale. Le député européen se félicite de l’adoption d’une taxation d’un montant minimal de 15 % sur l’impôt sur les sociétés "qui permettra d’éviter l’évasion et l’optimisation fiscale des multinationales." Éviter l’évasion fiscale, vraiment ?

Pourtant les TPE et PME, qui n’ont pas de filiales dans les paradis fiscaux, vont continuer à payer le taux plein d’impôt sur les sociétés ; les multinationales vont donc continuer à mener une concurrence déloyale en payant proportionnellement moins d’impôts que les PME.

Une position française rédigée à partir d’un document... rédigé par le Medef

Comme le résume fort bien l’économiste Thomas Piketty, « si l’on en reste là, il s’agit ni plus ni moins de l’officialisation d’un véritable permis de frauder pour les acteurs les plus puissants ». Alors que Joe Biden proposait un taux à 21% et que les économistes de l’ICRICT plaident pour un taux à 25%, la France, elle, a fait pression pour un taux de 15%.

Ce taux est très faible, proche de celui de l’Irlande (12,5%) et inférieur à celui du Luxembourg (17% du résultat d’exploitation pour les sociétés dont le revenu imposable dépasse 200 000 euros) ! Alors que l’évasion fiscale des multinationales prive l’État français d’au moins 36 milliards d’euros de recettes par an, une taxe à 15% ne lui rapporterait que 4 milliards d’euros.

De plus, il existe un risque réel que ce taux plancher devienne une sorte de taux plafond : les gouvernements des pays qui présentent un taux nominal plus élevé pourraient à l’avenir arguer qu’il faut s’aligner sur ce taux de 15 %.

C’est pourquoi cet accord constitue une « non avancée historique », qui ne justifie en rien l’auto-congratulation bruyante des dirigeants du G7. [2]

Stéphane Séjourné vante également un autre accord, conclu au niveau européen, « tout aussi déterminant, en faveur de la transparence fiscale des grandes multinationales ». LREM ne manque pas de culot !

En effet, le gouvernement français a joué « double jeu », en se prononçant officiellement en faveur de cette directive mais en œuvrant en réalité pour la vider de sa substance. Stéphane Séjourné oublie ainsi de préciser que la directive adoptée a été remaniée pour en affaiblir la portée, à partir de « lignes rouges » fixées par la France.

Or, le média Contexte a révélé que la position française avait été rédigée à partir d’un document... rédigé par le Medef !

Mettre fin à l’opacité fiscale des multinationales en s’appuyant sur les revendications du lobby des multinationales françaises, c’est le « en même temps » Macronien !

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Action commune de l’association Attac et du syndicat Solidaires finances publiques le 28 mai devant le ministère de l’économie et des finance à Bercy.

Un gouffre abyssal entre la communication de LREM et ce qu’observent les organisations militant contre l’évasion fiscale

C’est pourquoi Oxfam, le CCFD terre Solidaire et Transparency International ont dénoncé le « travail de sape » que « la France mène en coulisse pour amoindrir toute chance d’adoption d’un texte efficace, en endossant sans filtre les demandes du premier lobby d’entreprises françaises : garantir la possibilité d’une exemption de publier des informations pendant six ans, et la limitation géographique du reporting, ce qui en annihilerait l’efficacité. » [3] Or le texte final a repris les exigences du gouvernement français et du Medef.

Il existe un gouffre abyssal entre la communication de LREM et ce qu’observent les organisations militant contre l’évasion fiscale.

Ainsi, la plateforme paradis fiscaux et judiciaires, dont Attac est membre, a dénoncé dans l’adoption de cette directive « une mesure européenne inefficace » et « un véritable échec dans la lutte contre l’évasion fiscale » , car «  le compromis annoncé par le Conseil et les rapporteurs du Parlement européen dénature complètement la mesure, qui n’a de “reporting pays-par-pays public” que le nom ». [4]

En effet, l’accord négocié entre les institutions européennes limite la portée géographique du reporting dans la mesure où les entreprises devront seulement rendre compte de leurs activités dans les États Membres de l’Union Européenne et dans les pays figurant sur la liste européenne des paradis fiscaux, liste dont demeurent absents les principaux paradis fiscaux. Cela rend la mesure inopérante.

Comme le souligne à juste titre Lison Rehbinder, coordinatrice de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires, « l’Union européenne avait l’occasion de permettre une réelle avancée, au final c’est un véritable échec, et ce sont les lobbys - le MEDEF en tête - qui remportent la mise ».

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Gilet jaune à Lille © Unknown Gilet jaune à Lille © Unknown

LREM réécrit l’histoire pour se vanter d’avancées historiques dans la nécessaire lutte contre l’évasion fiscale.

En réalité, le bilan du quinquennat dans la lutte contre les paradis fiscaux est particulièrement indigent : c’est une liste noire des paradis fiscaux jugée « crédible » par Bruno Le Maire alors qu’elle ne comporte aucun des principaux paradis fiscaux utilisés par les ultra-riches et les multinationales pour échapper à l’impôt ; c’est la suppression en 2019 de l’exit tax, l’une des rares dispositions destinées à lutter contre l’exode fiscal des contribuables français, qui imposait depuis 2012 les plus-values réalisées par les entrepreneurs lorsqu’ils transfèrent leurs actifs à l’étranger ; c’est une « taxe GAFA » symbolique qui n’a pas permis de mettre fin à l’évasion fiscale des géants du numérique [5] et maintenant des avancées en trompe l’œil sur la transparence fiscale et la taxation des multinationales.

Signalons pour finir la chute inédite du nombre de contrôles fiscaux et celles des résultats desdits contrôles et la volonté de privilégier l’accompagnement des entreprises sur le contrôle tel qu’il est historiquement conçu puisqu’il est et devrait demeurer la contrepartie du système déclaratif. [6]

Alors que le gouvernement avait promis de faire de la lutte contre l’évasion fiscale une priorité, il n’a cessé de mener une politique favorable aux ultra-riches et aux multinationales, si bien que LREM en est aujourd’hui réduit à utiliser des arguments grotesques pour enjoliver son bilan. Ne l’oublions pas quand ce sujet reviendra sur la table au cours de la prochaine campagne électorale...

Vincent Drezet et Raphaël Pradeau

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