Pourquoi bloquer les méga-yachts ?

lundi 26 septembre 2022, par Attac France

Quelques chiffres pour mieux comprendre notre action du samedi 24 septembre sur le port d’Antibes ainsi que notre appel à désarmer les criminels climatiques (à signer et soutenir en suivant ce lien).

Le 24 septembre 2022, des activistes d’Attac bloquaient le « Quai des milliardaires » dans le port d’Antibes, où sont amarrés les méga-yachts des ultra-riches. Pourquoi s’en prendre ainsi à ce type de navires de plaisance ?

Des navires hyper-polluants

Les méga-yachts ne sont pas seulement l’expression de l’orgueil démesuré de leurs propriétaires et usagers, ou de l’entre-soi qu’ils cultivent le long des côtes méditerranéennes. Ces palaces flottants sont aussi de véritables machines à polluer. Leur consommation atteint facilement les 4 000 litres d’essence pour 100 kilomètres. C’est près de 600 fois plus que la consommation moyenne d’une voiture particulière à essence.

A titre d’exemple, parmi les navires amarrés au « Quai des milliardaires » le 24 septembre 2022, le Al Raya a produit environ 280 tonnes de CO2 en consommant 100 000 litres de carburant pendant sa dernière croisière entre le 27 août et le 8 septembre. Soit 28 ans d’émissions pour un Français moyen ! Al Raya a appartenu sous un autre nom à un oligarque russe, il est désormais la possession d’une famille du Bahreïn.

En l’espace d’un mois depuis la fin du mois d’aout, les yachts de luxe qui sont passés par le seul Quai des milliardaires ont émis 4600 tonnes de CO2 en tout, l’équivalent le la consommation annuelle de 460 Français. Comme le rapporte Reporterre, « le port Vauban d’Antibes se targue d’être le "premier port de plaisance de Méditerranée". "Fleuron du yachting international", il dispose de 18 postes d’amarrage pour des yachts mesurant jusqu’à 160 mètres ».

Les milliardaires français sont friands de ces machines à polluer : le Symphony, le yacht de Bernard Arnault avait émis 123 tonnes de CO2 en une semaine au mois de juillet 2022, l’équivalent de 12 ans d’émission pour un Français moyen. Vincent Bolloré dispose de son méga-yacht Paloma, sur lequel il avait invité Nicolas Sarkozy après son élection en 2007. Pour Martin Bouygues, c’est le Bâton Rouge. A pleine vitesse, ses deux moteurs consomment la bagatelle de 935 litres de gazole par heure [1]. Soit l’émission de 2,5 tonnes de CO2 en une heure, l’équivalent de 3 mois d’empreinte carbone pour un Français.

Les symboles de l’impunité fiscale des milliardaires

Non seulement les méga-yachts ont une empreinte carbone démesurée, mais ils sont immatriculés avec des pavillons de complaisance dans des paradis fiscaux et échappent donc à l’impôt. On parle de pavillon de complaisance quand la propriété réelle et le contrôle d’un navire se situent dans un autre pays que celui du pavillon sous lequel il est immatriculé.

Les données collectées par @YachtCO2tracker confirment que de nombreux yachts amarrés dans le port d’Antibes sont immatriculés dans des paradis fiscaux. Les pavillons les plus représentés parmi les yachts ayant séjourné au « quai des milliardaires » ces 30 derniers jours sont : les Îles Caïmans (38 navires), Malte (15 navires), les Îles Marshall : (6 navires), l’Île de Man (4 navires) et les Îles Cook (3 navires).

Pire, aucun des bateaux ayant séjourné au Quai des milliardaires ces 30 derniers jours n’a de pavillon français. Quand on peut acheter des jouets à plus de 100 millions d’euros, il serait logique de payer sa juste part d’impôt. A ce type d’évasion fiscale s’ajoute d’autres pratiques employées pour éviter ou diminuer tous types de prélèvements fiscaux. « Pour rendre la TVA moins douloureuse, on peut ainsi, moyennant un montage bien rodé, se louer son yacht soi-même ou bien le faire passer pour un paquebot de croisière ou un navire commercial » note ainsi Grégory Salle.

Immatriculer son yacht dans un paradis fiscal n’est pas seulement une technique pour éviter l’impôt : cela permet aussi de contourner le droit du travail. Un armateur qui choisit un pavillon reconnu complaisant s’évite en effet les contraintes du droit du travail à bord qui n’auraient pas été les mêmes s’il avait immatriculé son navire dans un pays plus scrupuleux.

Le cadeau fiscal du gouvernement aux propriétaires de yachts

Non seulement le gouvernement n’a rien fait pour encadrer l’usage des super-yachts, symbole de pratiques socialement et écologiquement délétères, mais il a offert dès l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 un cadeau sans précédent à leurs propriétaires : la suppression de l’ISF. Comme le note Grégory Salle, auteur de Superyachts Luxe, calme et écocide : « Les superyachts se trouvent en première ligne de l’abandon manifeste de solidarité [2] ». Ils sont, depuis 2018, exclus du calcul de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui remplace l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Une taxe additionnelle sur les navires de plaisance a certes été votée pour compenser la suppression de l’ISF : elle s’avérera un fiasco, avec des recettes bien en dessous des prévisions (à peine 288 000 euros en 2019 contre des recettes attendues à près de 10 millions d’euros). La raison ? Aucun contrôle, ou presque : la taxe repose sur la bonne volonté fiscale (proverbiale) des propriétaires de yachts… En bref et sans surprise, il ne faudra pas compter sur le gouvernement d’Emmanuel Macron pour faire cesser les pratiques anti-écologiques et anti-sociales des propriétaires de yachts !

Attac France, le 26 septembre 2022

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