Loi Travail : ce sont les patrons qui créent les emplois, il faut les rassurer

mardi 22 mars 2016, par Jean-Marie Harribey

Exclusivité : nous publions la version longue de l’un des bobard du petit guide contre les bobards de la Loi Travail.

Un bobard marche quand il contient 1 % de vrai. Il est vrai que ce sont les patrons qui décident d’embaucher ou de débaucher. C’est le privilège de l’employeur. Il symbolise son pouvoir et le corollaire de celui-ci : le travailleur salarié lui est subordonné. L’état de subordination est fixé dans son contrat de travail. C’est pour contrebalancer (un peu) cette subordination que, progressivement, le droit du travail fut forgé et inscrit dans le Code du travail, pour recadrer autant que possible le droit de propriété.

Mais de quoi dépend la création d’emplois ?

Les patrons sont-ils des dieux, dotés de la capacité de créer des emplois par la baguette magique que leur confère le droit de décider ?

  • Cette baguette ne fonctionne pas sans activité. C’est l’activité économique qui détermine le nombre d’emplois nécessaires. L’activité elle-même résulte des relations entre les différents secteurs. Les cimenteries dépendent du bâtiment. Le bâtiment dépend des investissements en installations, en logement. Les installations dépendent de la sidérurgie. La sidérurgie dépend de l’énergie. Et vice versa.
  • Ces activités emploient des travailleurs recevant des salaires. Au final, ces salaires sont dépensés en consommation, qui stimule les investissements. Toutes ces interrelations forment la demande globale sur laquelle les entreprises se basent pour fixer le niveau de l’activité et donc de l’emploi.
  • Donc les patrons ne « créent » pas les emplois à la manière d’un dieu. Ils enregistrent ce qui leur arrive en bons de commande de la part de tous leurs collègues et, dans leur ensemble, ils ajustent leurs besoins de travail en fonction des variations de la demande qui s’adresse à eux.

Les emplois sont-ils alors proportionnels à cette demande ?

Ce serait trop simple. Car les employeurs peuvent décider de remplacer des humains par des machines, ou bien d’intensifier le travail de ceux qui sont déjà employés. Et derrière les dirigeants d’entreprises, il y a souvent des actionnaires qui soumettent l’investissement, l’emploi et les salaires à des exigences financières. Dans ce cas, les ressources financières sont prioritairement affectées au versement de dividendes ou au rachat d’actions. Par exemple, Vivendi, après avoir engrangé quelque 34 milliards d’euros de trésorerie en vendant des participations (SFR, GVT, Maroc Télécom), rachète ses propres actions et augmente les dividendes : en 2015, avec un résultat net de 1,9 milliard, Vivendi a versé 4 milliards de dividendes, et 8 milliards de dividendes et de rachats d’actions auront été versés en deux ans.

Faut-il rassurer les patrons ?

L’atonie de l’activité résulte de la crise du capitalisme néolibéral et non pas de la lourdeur des protections sociales, et cette atonie est aggravée par les politiques d’austérité. Pour détourner l’attention, il faut trouver un bouc émissaire : ce sera le Code du travail, trop lourd, ou bien la Sécurité sociale, qui a toujours un trou, ou bien les allocations chômage, déficitaires (comme si l’Unedic devait faire du profit !).

Alors, oui, il faut rassurer les patrons : l’obésité du Code du travail est là pour les protéger, parce que, au bout d’un siècle de lois et de jurisprudence, beaucoup de cas de litiges potentiels sont prévus, et réglés. Elle est là la visibilité ! Ils en manqueraient si on amputait le Code du travail car ils ne sauraient plus quoi faire. Bon, voyons, j’embauche un apprenti de 14 ans ou pas ? Je paie une femme moitié tarif qu’un homme ou pas ? Je fais travailler 35 heures ou 60 heures par semaine ?

Faut-il libérer les patrons des bobards auxquels ils croient ?

Parce que les bobards ne trompent pas seulement les travailleurs et les citoyens. Les employeurs s’autosuggestionnent et se grisent eux-mêmes des bobards.

  • Médaille d’or : sous l’égide des administrations publiques (État, collectivités territoriales, Sécurité sociale), on ne produit rien, on ne fait que dépenser. Or, l’éducation, les soins, les services dans les municipalités, etc., sont des activités productives de richesse sociale et de valeur économique (350 milliards d’euros par an).
  • Médaille d’argent : diminuer les dépenses publiques dynamiserait l’économie. Or, la moitié des dépenses publiques (santé, retraites, allocations diverses) sont reversées aux ménages et se traduisent en demande s’adressant au secteur privé.
  • Médaille de bronze : confier ces activités au marché serait plus efficace. Dans ce cas, les universités et la Sécu privatisées verseraient des dividendes aux actionnaires, ce qui s’ajouterait au coût de production, comme c’est déjà le cas pour les assurances, les fonds pension, etc.

Alors qui crée des emplois ?

Au départ, il y a des besoins, soit qui entrent en adéquation avec des perspectives de profit de la part des entreprises, soit qui n’y entrent pas et qui sont alors délaissés faute de demande solvable, à moins que la collectivité n’en décide autrement.

Que peut faire alors la collectivité ?

  1. Elle peut inciter les entreprises à anticiper l’avenir : par exemple, aiguiller les investissements vers la transition écologique, vers la qualité et la durabilité des produits, vers la formation.
  2. Elle peut engager elle-même des investissements publics pour la recherche, l’éducation, de nouveaux systèmes énergétiques et de transports…
  3. Elle peut réduire progressivement le temps de travail pour partager celui-ci en même temps que les revenus.

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