L’épargne populaire défavorisée, la spéculation encouragée !
Le PFU sera applicable à tous les placements produisant des intérêts ou versant des dividendes ainsi qu’aux plus-values de cession de valeurs mobilières. Le gouvernement va cependant plus loin dans sa logique d’aide aux plus riches en choisissant d’imposer « l’épargne populaire », notamment les intérêts des produits d’épargne logement (PEL et CEL) ouverts à partir de 2018. En allégeant la fiscalité sur les dividendes par exemple et en engageant un mouvement d’imposition de l’épargne non risquée qui a historiquement les faveurs des épargnants, la volonté du gouvernement est de réorienter l’épargne des français, qui est importante, vers les placements plus risqués (les actions). Mais paradoxalement, en abaissant la fiscalité des revenus du capital qui, auparavant, avait tendance à favoriser l’épargne longue, le gouvernement favorise la spéculation.
Les mauvaises raisons du PFU
Le gouvernement justifie également cette mesure par deux séries d’arguments contestables. Premièrement, les entreprises françaises souffrent d’un déficit de financement provenant de la bourse, ce qui est faux. En réalité, la plupart des transactions boursières ont lieu sur le marché secondaire et n’apportent pas de capitaux nouveaux aux entreprises. En second lieu, le gouvernement argue que la PFU permettrait d’aligner la France sur la fiscalité du capital de la plupart des autres pays européens. Or, si la fiscalité des revenus du capital affiche des taux faciaux élevés au regard des autres pays (où le taux d’imposition des revenus du capital est compris entre 25 et 30%), elle comporte également un grand nombre de mesures dérogatoires qui réduisent significativement le taux réel d’imposition des revenus du capital. En réalité, la fiscalité du capital n’est pas plus élevée en France.
Les plus riches à la fête !
Environ 12,8 millions de contribuables seraient impactés. Le coût budgétaire de la mesure serait d’environ 4 milliards d’euros selon l’OFCE, à peine 2 milliards pour le gouvernement. Compte tenu des structures du barème progressif de l’impôt sur le revenu et des revenus, le PFU profitera mécaniquement aux contribuables les plus aisés, notamment ceux imposés au taux marginal de l’impôt sur le revenu de 41 ou de 45 %.
Les ménages aisés sont ceux dont la part des revenus du capital dans leur revenu s’accroît chez les plus aisés. Parmi les 10 % des ménages les plus aisés, 70 % verraient leur imposition des revenus mobiliers baisser. Cette part atteindrait 90 % pour le 1 % les plus riches. Mais le bénéfice de la mesure est quasiment nul pour les 50 % les moins aisés des ménages. Il est extrêmement concentré sur le dernier décile dont le gain en pouvoir d’achat représenterait 3,1 % contre 0,3 % pour les 9 premiers déciles.
Ceci explique que, pour l’OFCE [1], les 10 % les plus aisés bénéficieraient des deux tiers du coût budgétaire de la mesure et verraient leur niveau de vie s’accroître de 4 225 euros en moyenne. En raisonnant à l’extrême, pour les « purs rentiers » qui ne disposent d’aucun autre revenu que les revenus financiers, la progressivité de l’impôt n’existe plus.
A titre d’exemple, un contribuable déclarant 200 000 euros de salaires et un dividende brut de 100 000 euros paie actuellement 93 003 euros au titre de l’impôt sur le revenu et 15 500 euros de prélèvements sociaux. Il paiera 64 868 euros au titre de l’impôt sur le revenu et 30 000 euros au titre du PFU dans le futur système. Il réalisera ainsi une économie de 13 635 euros, soit à peu près l’équivalent d’une année de SMIC net.
Que faire ?
Conjuguer tout à la fois le principe d’égalité devant l’impôt et les objectifs de réduction des inégalités ou encore de taxation de la rente implique d’imposer l’ensemble des revenus au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Certains objectifs sociaux, environnementaux et économiques peuvent cependant justifier d’exonérer l’épargne populaire ou encore de favoriser l’investissement de long terme, donc réellement profitable à la société, en instaurant un système d’abattement applicable sur les revenus et les plus-values en fonction de la durée de détention.