Retour sur « feu l’ISF »
L’ISF imposait le patrimoine net (abattements, exonérations et dettes déduits) supérieur à 1,3 million d’euros. 350 000 contribuables y étaient assujettis en 2016 pour un rendement de 5 milliards d’euros (1,8 % des recettes fiscales de l’État). Impôt progressif dont les taux allaient de 0,5 à 1,5 %, l’ISF compensait le caractère faiblement progressif du système fiscal français dû notamment à la faiblesse de l’imposition des revenus (parmi les plus faibles des pays de l’OCDE).
Les expatriés fiscaux : un phénomène marginal
Le nombre de redevables de l’ISF partant chaque année à l’étranger ne représente en réalité que 0,15 à 0,2 % du total de redevables de l’ISF. Entre 15 et 30 % reviennent en France… Les études menées sur le sujet montrent que ces départs procèdent de choix personnels et professionnels, elles ne concluent pas à un phénomène d’ampleur, contrairement à ce que suggèrent des cas médiatisés.
La fin de l’ISF ? La fin de l’imposition du patrimoine financier
Devant le tollé provoqué par cette mesure, le gouvernement a annoncé qu’il imposerait les signes de richesses (yachts, jets privés...). Or ces biens sont souvent la propriété de sociétés (parfois immatriculées dans d’autres pays), non soumises à l’ISF. Cette mesure ne comblera pas le manque à gagner. En réalité, elle relève de l’écran de fumée destiné à faire oublier l’essentiel : l’exonération du patrimoine financier. La fin de l’ISF nourrira l’injustice fiscale et la hausse des inégalités. Et ce d’autant plus que les revenus financiers ne seront plus imposés au barème progressif.
Une mesure profondément injuste
Le coût budgétaire de cette mesure avoisine 4 milliards d’euros selon l’OFCE [1], et seulement 3,2 milliards selon le gouvernement. Pour les redevables de l’ISF, le gain sera d’autant plus fort que la part du patrimoine financier dans le patrimoine total est élevée. Or, elle s’accroît au fur et à mesure que la valeur totale du patrimoine augmente. Le patrimoine mobilier et financier représentait 60 % du patrimoine total des 5 % les plus aisés, plus de 70 % pour le 1 % les plus riches et plus de 80 % du patrimoine des 30 000 ménages les plus aisés (données 2012). La réforme bénéficiera donc pleinement aux plus riches.
Concrètement,
- Un contribuable disposant d’un patrimoine de 2 millions d’euros (900 000 euros pour l’habitation principale, 400 000 euros d’autres biens immobiliers et 700 000 euros de capital mobilier et financier) payait 5 510 euros d’ISF. Il ne paiera pas l’IFI.
- Un redevable disposant d’un patrimoine de 50 millions d’euros (3 millions d’euros pour l’habitation principale, 9 millions d’euros d’autres biens immobiliers et 38 millions d’euros de patrimoine global et financier) payait 684 690 euros d’ISF. Il paiera 114 690 euros d’IFI, soit une économie de 570 000 euros.
Une mesure inefficace et dangereuse
L’argument principal avancé pour cette réforme de l’ISF est de faciliter le financement de l’économie en encourageant la détention d’actifs financiers. Mais en réalité, la faiblesse de l’investissement est d’abord la conséquence d’une insuffisance de la demande, et non pas le manque de ressources financières des entreprises.
De plus, l’IFI alimentera la rente immobilière et la financiarisation de l’économie via les stratégies d’optimisation fiscale : des montages pour l’éviter via la détention de sociétés à prépondérance immobilière dont les titres ne seront pas imposés à l’IFI se préparent déjà…
Que faire ?
Pour financer l’action publique, corriger les inégalités et éviter l’émergence d’une classe de rentiers ; imposer le stock de patrimoine est nécessaire. Il s’agit donc d’instaurer un impôt sur les patrimoines les plus importants disposant d’une assiette large incluant le patrimoine financier et débarrassé de l’essentiel des niches fiscales de l’ISF. Un abattement en montant sur la résidence principale et une exonération limitée aux véritables biens professionnels seraient possibles. Il serait calculé sur un barème progressif avec des taux compris entre 0,5 et 1 %. Un tel impôt dégagerait davantage de ressources que l’actuel ISF.