Une réforme en trompe l’œil
Mais cette mesure ne sera pas suffisamment redistributive pour réduire significativement les inégalités. Tout d’abord elle ne bénéficiera pas aux ménages les plus pauvres dont 20 % sont déjà exonérés de cette taxe (22 % des foyers fiscaux bénéficient, quant à eux, d’allègements). La suppression de la taxe d’habitation cible donc les ménages situés entre le 3e et le 7e décile, c’est-à-dire les classes moyennes supérieures. Cela s’explique par le fait que, même si elle ne dépend pas directement du niveau de revenu, la taxe d’habitation croît avec celui-ci du fait du lien positif qui existe entre le revenu et la valeur locative du logement. Enfin la réforme ne prévoit pas la révision des bases cadastrales à partir desquelles est calculée la taxe d’habitation, ce qui entraîne d’importantes disparités géographiques. À rebours du discours officiel, cette réduction partielle de la taxe d’habitation ne va pas réduire les inégalités, bien au contraire !
Les communes au pain sec et à l’eau…
Depuis 2014, l’État a engagé une politique de limitation des dépenses publiques à laquelle les collectivités territoriales ont été appelées à participer. La baisse des dotations de fonctionnement a ainsi conduit à une diminution des concours financiers de l’État d’1,5 milliard d’euros en 2014, puis de 3,5 Md€ en 2015 et de 3,3 Md€ en 2016. En 2017, la baisse s’est poursuivie avec une nouvelle diminution de 2,8 Md€. Au total, la réduction des concours de l’État aura été de 11 milliards d’euros en quatre ans. Le désengagement de l’État a également abouti à une réduction du nombre des trésoreries, de 4 200 en 1998 à moins de 2 400 en 2016. Et ce, alors que les compétences des collectivités ont évolué et que l’échelon intercommunal s’est développé.
C’est ainsi que l’administration prive les élus les plus démunis d’une arme essentielle pour résister au développement des pouvoirs des intercommunalités, demain des métropoles, au détriment des services publics locaux - et au profit de sous-traitants privés qui s’empressent de proposer des prestations auxquelles les collectivités les plus riches ont déjà recours. La perte de recettes qui résultera de la réforme de la taxe d’habitation est estimée à 10 milliards d’euros. Si, comme c’est probable, cette perte n’est pas intégralement compensée par l’État, on peut s’attendre à une dégradation inévitable des services publics de proximité (cantines, crèches, services sociaux…) dont les populations les plus fragiles seront les premières victimes.
Réformer la fiscalité locale pour assurer une solidarité entre les territoires
La réforme de la fiscalité locale doit être posée dans son ensemble, en intégrant l’évolution de la péréquation selon la richesse des territoires. À l’instar des droits de mutation à titre onéreux, une assiette foncière actualisée régulièrement aura le mérite de faire contribuer au financement de l’action publique locale les contribuables qui ne résident pas dans la collectivité où ils détiennent un bien, celui-ci prenant de la valeur précisément grâce aux investissements publics locaux. Lier l’évolution de l’impôt local à celle du revenu (pour la taxe d’habitation réformée) permettra par ailleurs d’éviter aux contribuables locaux d’être les victimes d’un éventuel boom immobilier, qui se traduirait par une hausse de la base des impôts locaux. Et ce, d’autant plus que la révision des bases foncières des impôts locaux des particuliers se traduira par de probables transferts de charges.
Pour assurer une solidarité financière sur l’ensemble du territoire, s’impose également une meilleure péréquation reposant sur des critères sociaux renouvelés. Pour faire face à la concurrence fiscale entre les collectivités territoriales, il est impératif de renforcer les péréquations verticale (assurée par l’État) et horizontale (entre collectivités). La montée en charge de la péréquation horizontale de ces dernières années demeure d’autant plus nécessaire que l’État a baissé sa dotation globale de fonctionnement.