Vinci, première esquisse d’un portrait peu flatteur
Premier groupe français dans le domaine de la construction, deuxième groupe BTP au niveau mondial, Vinci bétonne allègrement le monde pour y installer parkings, autoroutes, aéroports, etc. au moyens de méthodes peu scrupuleuses. Les méthodes tout d’abord : le groupe Vinci et certaines de ses filiales font l’objet de diverses accusations de malversation et de corruption. C’est le cas notamment de l’autoroute construite dans la forêt de Khimki en Russie, pour laquelle Vinci a été attaqué en justice par l’association Sherpa, qui l’accuse d’infractions financières et de corruption d’agents publics, mais également dans le cadre du projet de « Nouvelle Route du Littoral » à la Réunion où une enquête a été ouverte pour malversation lors de l’attribution du marché public. Dans les cas où la corruption est moins aisée, une autre pratique vient faciliter l’obtention des marchés publics : le pantouflage. En effet, le succès de Vinci tient aussi à tout ceux qui, nombreux, font des aller retours entre le groupe, ses filiales et la fonction publique. Pour mieux comprendre combien le projet de Notre-Dame-des-Landes a à voir avec cette imbrication des interêts publics / privés quelques noms peuvent être ainsi utiles à connaître : Nicolas Notebaert, qui préside Vinci Airports, a notamment été conseiller technique du ministre des Transports entre 1995 et 2002, alors même que le projet d’aéroport était remis au goût du jour. Mais également Bernard Hagelsteen, ancien préfet de Loire Atlantique, qui pilotait le projet d’aéroport localement à l’époque où Vinci a remporté le contrat de concession, et travaille aujourd’hui chez Vinci Autoroutes. Enfin, Loïc Rocard, fils de l’ancien premier ministre, anciennement directeur d’exploitation de la filiale de Vinci Cofiroute, et désormais conseiller au transport de Manuel Valls. On comprend mieux les conditions particulièrement favorables à Vinci inclues dans le contrat de concession (voir ci-dessous). Vinci est en effet passé maitre en négociation de Partenariats Public-Privé (PPP) juteux, avec exonération fiscale et subventions publiques à la clé, comme pour le Grand Stade de Bordeaux ou celui de Lyon, autres projets inutiles, couteux et imposés, s’inscrivant dans une longue série dont fait également partie le projet de Notre-Dame-des-Landes.
Le contrat de concession pour NDDL
En quoi consiste-t-il ? Pour rappel, en 2010 l’État s’est engagé pour une durée de 55 ans sur une convention passée avec la société Aéroports du Grand Ouest (AGO-Vinci) pour la concession des aérodromes de Notre-Dame-des-Landes, Nantes-Atlantique et Saint-Nazaire – Montoir. Ce contrat est en réalité un véritable paquet cadeau pour Vinci. La subvention publique en premier lieu, d’un montant de 246 millions d’euros, c’est-à-dire plus de la moitié du coût total du projet (450 millions d’euros), une fine négociation de Vinci puisque dans le cadre habituel des concessions l’ensemble du projet est normalement à la charge de la société bénéficiaire, qui se rémunère sur l’exploitation de la concession. Mais le contrat comporte également une clause engageant les collectivités territoriales à indexer leur subvention sur l’indice des travaux publics, c’est-à-dire à prendre en charge l’éventuelle inflation, ainsi Vinci s’assure que les éventuels alléas budgétaires soient à la charge des pouvoirs publics. Enfin, la Déclaration d’Utilité Publique (DUP), justifiant l’octroi de la concession, été montée sur la base d’une étude surestimant largement la rentabilité du projet (l’institut C.E Delft a montré par la suite que le scénario le plus probable était largement en-deçà des critères de rentabilité tandis que les scénarios les plus optimistes comportaient une erreur d’appréciation de… 600 millions d’euros !).
Contre Vinci et son monde
Pour celles et ceux à qui la lutte de Notre-Dame-des-Landes est familière, le slogan « contre l’aéroport et son monde » résonne d’une multitude de souvenirs : griffoné sur des cartons, scandé, peint sur la route des chicanes de la ZAD, il renvoie au rejet partagé d’un monde marchandisé, bétonné, vivant dans la négation de sa finitude. Pourtant, l’appât du gain et l’usage de la violence légitime n’ont pas toujours raison de ce qui se dresse contre eux, et sur la ZAD, le béton n’a pas encore coulé. Multiple, complexe et protéiforme, la résistance qui s’y organise a su se réinventer au fil des années et dans les épreuves. Dernière en date, celle de l’expulsion des « historiques », une manière à peine déguisée de fragiliser le collectif en retranchant les occupant·e·s dans l’illégitimité et ainsi de justifier la violence de prochaines expulsions manu militari. La résistance ne faiblit pas et ces derniers mois le prouvent : à commencer par le convoi de la ZAD vers Paris en novembre dernier, dont l’arrivée à Versailles le 28 novembre avait ouvert la brèche des mobilisations venant mettre un frein à l’interdiction de manifester alors en vigueur, puis la manifestation sur le périphérique de Nantes le 9 janvier dernier, où 20 000 personnes se sont rassemblées, et qui s’est terminée par le blocage du périphérique par les paysan-ne-s de COPAIN 44 et leurs tracteurs, jusqu’au weekend d’appel d’offres sur la ZAD les 30 et 31 janvier, réunissant 800 volontaires sur plus de 40 chantiers. À chaque appel, même tardif, des centaines voire des milliers de personnes rejoignent la lutte pour manifester, bloquer mais aussi fabriquer, construire, dans l’abstraction délibérée d’une possible expulsion, de la même façon qu’inlassablement en 2012, chaque cabane détruite était reconstruite, que d’autres apparaissent sans cesse, preuve s’il en fallait que les coups portés ne font qu’enfler la détermination. Le prochain rendez-vous est d’ores et déjà donné : les différentes composantes de la lutte appellent à une mobilisation générale le 27 février pour l’abandon du projet d’aéroport et l’avenir de la ZAD et invitent partout en France à l’organisation de bus pour rejoindre le rassemblement.
« Mais il faut aussi défendre la zad comme possibilité historique, d’ores et déjà devenue contagieuse, qui peut s’actualiser en mille autres endroits, et de mille manières encore. Nous appelons à ce que l’esprit de la zad continue à se diffuser, empruntant chaque fois des voies singulières, mais avec le désir d’ouvrir partout des brèches. Des brèches face à la frénésie sécuritaire, face au désastre écologique, face à la fermeture des frontières, à la surveillance généralisée, à la marchandisation de tout ce qui existe. La ZAD et tout ce qu’elle représente, à l’image des combats d’hier ou d’ailleurs, constituent ici et maintenant une précieuse lueur d’espoir dans cette époque désenchantée ».
« Défendre la ZAD », Collectif Mauvaise Troupe.