A Durban, les négociateurs des pays industrialisés sont en train d’achever leur travail : aujourd’hui seuls les pays européens soutiennent une deuxième période d’engagement sous le Protocole de Kyoto permettant de sauver au moins symboliquement ce dernier. Mais, la voie d’un accord unique [1] placé sous la Convention et intégrant toutes les « économies majeures » s’impose de plus en plus. Ainsi, l’Union européenne, fort soutien de la voie du Protocole de Kyoto, change de cap et conditionne aujourd’hui ses engagements pour la deuxième période du Protocole de Kyoto à l’ouverture d’une nouvelle feuille de route en vue d’un nouvel accord effectif en 2020 concernant l’ensemble des « économies majeures ». La logique est imparable : d’un côté, les négociateurs vident le Protocole de Kyoto de sa substance et de l’autre ils avancent vers un nouveau mandat de négociation pour un accord beaucoup plus large abandonnant le principe de « responsabilité partagée mais différenciée » et le caractère contraignant du Protocole de Kyoto !
Parallèlement les mécanismes de flexibilité, permettant aux pays industrialisés de réduire domestiquement leur engagement en matière de réduction de GES (Gaz à effet de Serre), sont quant à eux étendus, notamment à l’agriculture, et pour certains intégrés désormais au texte de la Convention. Sans surprise, la priorité est aujourd’hui au renforcement des mécanismes de flexibilité et à l’extension des marchés carbone alors que les engagements de réduction des émissions de GES sont de plus en plus dérisoires au regard des recommandations scientifiques (réduction de 25 à 40%d’ici 2020).
Quant à la création du Fonds vert pour le Climat (FVC) visant à financer l’adaptation et l’atténuation des changements climatiques dans les pays du Sud, les sources d’approvisionnement sont toujours inconnues. En revanche, ils négocient déjà l’intégration d’un dispositif permettant aux entreprises transnationales d’accéder directement aux financements de ce fonds sans aucune consultation des gouvernements au préalable, et encore moins des populations locales. Face à cette nouvelle offensive, 163 organisations de 39 pays ont publié une lettre dénonçant cette tentative visant à détourner le Fonds Vert pour le Climat (FVC) en « Greedy Corporate Fund » (lettre à télécharger en cliquant ici). Plusieurs d’entre elles - dont l’Aitec et Attac-France- se sont retrouvées au Speaker Corner (seul lieu autorisé pour les manifestations situé en face du Centre International de Conférence – ICC) – pour manifester contre cette nouvelle offensive (une vidéo de l’action est disponible en cliquant ici).
Face à l’irresponsabilité de nos États dont l’objectif se résume à négocier à la baisse leurs engagements afin de ne pas heurter leurs intérêts ou plutôt ceux de leurs multinationales, c’est bien du côté des mouvements sociaux et environnementaux pour la justice climatique que se trouve l’espoir.
Se sont ainsi des centaines de personnes qui affluent chaque jour au « Peoples space » mis en place par le Comité de la société civile sud-africaine, C17, pour refuser les fausses solutions et discuter de véritables alternatives pour des sociétés socialement justes et écologiquement durables.
Étudiants, paysans, organisations de récupérateurs de déchets, peuples indigènes et affectés environnementaux, communautés rurales de femmes, syndicats, etc, tous se retrouvent autour d’ateliers pour échanger sur les alternatives en cours et à construire. Un programme riche où se discutent les initiatives du local au global sur : le recyclage, le développement d’énergies renouvelables, le rôle des pêcheurs traditionnels ou des communautés rurales de femmes ici et ailleurs, les luttes pour l’accès à l’eau, les droits des réfugiés climatiques, la souveraineté alimentaire et l’importance de l’agriculture familiale, les droits de la nature comme nouveau paradigme, la mise en oeuvre d’un tribunal pour la justice environnementale, la campagne lancée en Afrique du Sud « One Million Climate Jobs » pour une transition juste vers une économie sobre en carbone qui combatte chômage et changement climatique, etc. Des « toxic tours » sont régulièrement organisés pour aller à la rencontre des populations locales qui subissent de plein fouet les pollutions des mines de charbon et autres situées dans les quartiers populaires de la ville.
Cet espace de convergence mis en place par la société civile sud-africaine est une véritable réussite tout comme la manifestation de samedi 3 décembre qui a rassemblé plus de 10000 personnes avec forte présence des mouvements syndicats et des mouvements de base (sur les déchets, les énergies renouvelables, la souveraineté alimentaire, les communautés rurales de femmes,etc.). Tous marchant dans les rues de Durban pour dénoncer « l’apartheid climatique » et des politiques énergétiques irresponsables au rythme des chants et des danses sudafricaines.
Une manifestation haute en couleur qui s’est rendue jusqu’à l’entrée du Centre International de Conférence (ICC). La présidente de la COP17, Maite Nkoana-Mashabane et la secrétaire exécutive des négociations climat de l’ONU, Christiana Figueres sont venues à la rencontre des manifestants où il leur a été remis une déclaration des mouvements sud-africains. Ceux-ci ont néanmoins bien rappelé qu’ils n’étaient pas dupes des négociations et qu’il fallait aujourd’hui renforcer la lutte pour défendre la « justice climatique » et les droits des peuples ! (Diaporama de la manifestation disponible en cliquant ici)
Les mouvements sociaux et organisations de la société civile ne comptent pas en rester là. Ils continueront toute cette semaine à mener des actions dans la ville de Durban. Amandla !
Lundi 5 décembre, Speaker Corner,
fin de la marche de la Via Campesina pour la souveraineté alimentaire
Déclaration disponible icit