Zoé Konstantopoulou à l’ONU : « Ne permettez pas que les vies et la dignité humaines soient bafouées au nom des intérêts du système bancaire »

jeudi 3 septembre 2015, par Zoé Konstantopoulou

Discours de la présidente du parlement grec Zoé Konstantopoulou le 2 septembre 2015 à l’ONU à l’occasion de la 4e conférence mondiale des Présidents de Parlements, traduit par le CADTM.

Mesdames et messieurs, leaders des parlements du monde,

En cette occasion du 70e anniversaire de l’ONU, marquant également les 70 ans depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, en cette 4e conférence mondiale des présidents de parlements plaçant la démocratie au service de la paix, du développement durable et de la construction d’un monde tel que les peuples le veulent, je me tiens devant vous et parmi vous, en tant que présidente du parlement hellénique récemment dissous pour vous adresser un appel à la solidarité envers le peuple grec et envers la Grèce, terre où la démocratie naquit, et où elle est aujourd’hui brutalement attaquée et violée.

La Grèce et son peuple sont les victimes, depuis cinq ans, de politiques censées offrir une solution durable au surendettement du pays et une voie pour sortir de la crise économique, ces politiques contenues dans des accords appelés « memoranda - protocoles d’accord », conclus par le gouvernement grec et un trio d’institutions internationales, à savoir le FMI, la Commission européenne et la Banque centrale européenne, connu sous le nom de Troïka, et agissant au titre de créanciers de la Grèce, ont eu pour résultat de graves violations des droits humains, et particulièrement des droits sociaux, des libertés fondamentales et de l’État de droit lui-même.

Ce qui a été présenté comme des accords de renflouement a eu pour effet la misère, le chômage à des taux jamais vus jusque-là, 72% parmi les jeunes femmes et 60% parmi les jeunes hommes, des centaines de milliers de jeunes gens poussés à l’émigration, une explosion des suicides, la marginalisation des jeunes, des vieux, des faibles, des immigrés, des réfugiés, avec la moitié des enfants du pays vivant sous le seuil de pauvreté, une situation relevant d’une crise humanitaire, documenté dans les rapports et les déclarations des experts indépendants de l’ONU sur la dette et les droits de l’homme aussi bien que dans toute une série de décisions de justice et de rapports.

Le 25 janvier 2015, il y a de cela 7 mois, le peuple grec, à travers un scrutin national, a donné au gouvernement et au parlement un mandat clair et sans équivoque : celui de se débarrasser de ces politiques assassines. Des négociations ont débuté, une commission spéciale du Parlement a été formée, baptisée Commission pour la Vérité sur la Dette Publique, avec pour mission de conduire un audit et une évaluation juridique de la Dette grecque. Cette commission a produit un rapport préliminaire en juin dernier. Le rapport a établi que la dette souveraine de l’État est illégale, illégitime, odieuse et insoutenable.

Il a établi que la dette souveraine avait été contractée via des procédures qui constituent une violation flagrante du droit constitutionnel, justifiant par là même la dénonciation de la dette. Il a établi que les créanciers avaient agi de mauvaise foi en faisant délibérément peser sur la Grèce le fardeau de prêts insoutenables afin de sauver les banques privées françaises, allemandes et grecques. En dépit de ces conclusions, les créanciers de la Grèce ont exigé qu’on néglige le mandat du peuple.

Le 25 juin, un ultimatum de 48 heures fut posé au gouvernement grec, lui demandant d’accepter, contrairement au mandat populaire, une série de mesures démantelant le droit du travail, abolissant les garanties de sécurité sociale et la protection juridique pour les citoyens surendettés, et requérant, dans le même temps, le bradage des biens et entreprises publics les plus précieux, mais aussi des principaux ports, aéroports et infrastructures qui devraient être vendus ou cédés pour rembourser une dette odieuse et insoutenable.

Le Parlement hellénique a entériné la proposition du gouvernement de tenir un référendum portant sur l’ultimatum, et le peuple grec, à une large majorité de 62%, a rejeté les mesures.

Au cours de la semaine du référendum, des représentants des instances internationales et de gouvernements étrangers ont tenté d’influer sur le résultat du référendum, au moyen de déclarations visant à terroriser la population, et le référendum s’est tenu avec les banques fermées et le contrôle des capitaux imposé du fait du refus de la BCE de fournir des liquidités après l’annonce de la tenu du référendum ; et pourtant, la démocratie a prévalu, le peuple s’est prononcé clairement et a dit NON à 62% à ces mesures assassines.

Ce qui s’en est suivi est un cauchemar pour toute conscience démocratique, et une honte. Les créanciers ont refusé d’examiner le résultat du référendum. Ils ont insisté, usant de la menace d’un effondrement du système bancaire et d’un désastre humanitaire, que soient adoptées des mesures plus sévères encore que celles qui avaient été rejetées. Le gouvernement a été contraint d’accepter que le Parlement légifère sur des textes pré élaborés de centaines de pages, sans délibération, et à des dates prédéterminées, selon une procédure d’urgence, et avec les banques toujours fermées. Cette extorsion fut baptisée « pré requis pour un accord » et le Parlement fut appelé à abolir des lois qu’il avait votées durant les quatre mois précédents, et à s’abstenir de toute initiative législative sans l’accord préalable des créanciers.

Un projet de loi de cent pages, présenté comme un article unique, fut approuvé le 15 juillet en moins de 24 heures ; un autre, long d’environ 1000 pages et composé de 3 articles a été adopté en moins de 24 heures le 22 juillet ; presque 400 pages, fut adopté le 14 août en 24 heures. Le Parlement a légiféré trois fois sous la contrainte et la coercition, et cela étant fait, attestant qu’une partie importante des députés du principal parti de gouvernement, incluant la Présidente du Parlement, refusait de voter un tel texte de loi, le Parlement fut dissous de manière subite afin de garantir une majorité plus stable pour mettre en œuvre ce que le peuple a rejeté.

Mesdames et messieurs, la dette souveraine est actuellement utilisée contre la population grecque et le Parlement hellénique pour affaiblir la démocratie, mais la démocratie est une valeur suprême, et le Parlement ne peut être réduit à des sceaux, entérinant des normes dictées, rejetées par le peuple et conçues pour anéantir les sociétés et les générations futures.

J’en appelle à vous, Parlementaires du monde ; soutenez l’exigence de démocratie et de souveraineté parlementaire contre la coercition de la dette ; soutenez les initiatives de l’Assemblée Générale des Nations Unies et la commission ad hoc d’audit de la dette souveraine, ainsi que les initiatives des experts indépendants de l’ONU sur la dette et les droits de l’homme.

Ne permettez pas que la démocratie soit annihilée sur la terre où elle naquit. Ne permettez pas qu’un autre Parlement soit contraint de voter contre la volonté du peuple et contre le mandat de ses députés. Ne permettez pas que les droits de l’homme, les vies humaines, la dignité humaine, et les principes les plus précieux des Nations Unies soient bafoués au nom des intérêts du système bancaire. Le monde que les peuples veulent ne peut être construit sans les peuples du monde. Merci.

Discours prononcé le 2 septembre 2015 au siège de l’ONU à New York.

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