Attac et les taxes globales

mercredi 2 juin 2004, par Attac France

Attac a accompagné sa naissance, il y a 6 ans, de la revendication pour l’application de la « taxe Tobin » sur les transactions de change. C’est dire s’il s’agit là d’un élément fondateur de l’association, même si elle est persuadée que, pour être indispensable, une réforme fiscale n’est pas suffisante pour imposer une alternative au système néolibéral.

Le mouvement altermondialiste au sein du FSM, du FSE et des forums locaux a affiné ses propositions. Attac a toujours défendu la nécessaire redistribution des richesses, et donc les taxations globales, et s’est toujours opposée à la part croissante des revenus du capital au détriment des revenus du travail. Attac défend les propositions de taxations globales dans toutes les enceintes possibles, et c’est le sens de notre participation au groupe de travail sur les taxations globales qui a été formé, à la demande du président de la République française, pour discuter des propositions que pourrait défendre la France dans les négociations internationales.

1.- Un prise de conscience grandissante des effets de la mondialisation néolibérale Les inégalités de tous ordres vont croissant à travers le monde, et sont directement le résultat de la mondialisation néolibérale. Elles sont d’ordre social en concentrant les richesses et les revenus, et en approfondissant les discriminations et les exclusions ; elles creusent, plus encore, le fossé entre les populations pauvres du Sud et les riches du Nord, notamment à travers l’activité des transnationales ; elles se traduisent par de véritables désastres écologiques qui mettent en cause l’avenir de la planète ; elles s’opposent au besoin de démocratie. Le mouvement altermondialiste résulte de la prise de conscience de ces terribles dangers ; il traduit les résistances et les luttes, et les inscrit dans des propositions fondées sur la perspective d’un autre monde possible.

2.- Une indispensable redistribution des richesses Dès maintenant, nous pouvons exiger des réformes qui atténueront les injustices les plus intolérables. La fiscalité a, toujours et partout, constitué un instrument de lutte contre les inégalités. Une fiscalité internationale est indispensable pour prendre à ceux qui s’enrichissent de la mondialisation néolibérale, en appauvrissant davantage encore les milliards qui en pâtissent. Il faut s’opposer au dumping fiscal qui accompagne le dumping social, les deux reprenant ce que des décennies de luttes avaient imposé, et qui obtiennent un alignement, mondial au plus bas.

3.- De la taxe Tobin à la taxe sur les transactions financières Les propositions pour une taxe sur les transactions de change, communément appelée « taxe Tobin », ont énormément progressé à partir des travaux menés par les Attac du monde et des discussions dans les Parlements finlandais, canadien, allemand et belge qui ont discuté de leur adoption. Aujourd’hui, il est possible d’aller plus loin et plus efficacement : on connaît la géographie et la mécanique des opérations de change. C’est pourquoi nous proposons une taxe avec un double taux et une double assiette, en s’inspirant notamment des bandes de fluctuation du Système monétaire européen (SME) avant l’adoption de l’euro. La taxe sur les transactions de change aurait un taux modulé en fonction des attaques spéculatives et des modalités de perception adaptées aux techniques informatisées. La taxe pour la redistribution des richesses aurait un taux très faible, et ne concernerait que les échanges spéculatifs à court terme et non les investissements productifs.

4.- Taxer l’industrie financière, c’est possible Contrairement à de nombreuses assertions, la taxe sur les transactions de change est assez facile à prélever. Beaucoup plus facile, par exemple, que l’impôt sur le revenu qui est aujourd’hui moins remis en cause que lorqu’il avait été proposé ! Plusieurs avancées significatives ont eu lieu en Europe ces trois dernières années. La plus récente provient de Belgique où plusieurs commissions du Parlement ont adopté un projet qui doit maintenant être proposé au vote général, avec des chances raisonnables de succès. Le projet de loi belge est particulièrement bien étudié et, dans les moindres détails, il offre ainsi à tous une preuve éclatante de la faisabilité de ce que nous réclamons. Cette démarche, outre son aspect symbolique, marquera une étape déterminante en vue de l’adoption de la taxe par l’Union européenne !

5.- Qui doit gérer les ressources dégagées ? S’agissant de recettes publiques, et quels que soient les modes de collecte mis en place, elles doivent être gérées et réparties de manière démocratique par la puissance publique, à travers les instances nationales, régionales (européenne pour nous) et internationales. C’est elle qui, sur des principes connus de tous les citoyens, et sous leur contrôle, doit gérer, distribuer et contrôler l’usage des ressources ainsi rassemblées. Ni le FMI, exclusivement garant des intérêts des firmes des pays dominants et des marchés des capitaux, ni la Banque mondiale dont on connaît les dégâts provoqués par sa doctrine néolibérale dans les pays du Sud ne peuvent être les administrateurs de ces ressources. L’Organisation des Nations unies, réformée et réhabilitée, assistée sans doute, d’organisations régionales, pourrait piloter cette entreprise de salubrité publique. Il existe des fonds de transfert internationaux ou européens qui peuvent servir d’exemples.

6.- L’Union européenne, une zone pertinente d’application Nous ne sommes pas dans un monde du tout ou rien : il serait illusoire, et parfaitement inutile, d’attendre que les 200 pays du monde signent le même jour le traité international adoptant une fiscalité internationale. Il faut commencer quelque part : l’Union européenne est l’entité la plus apte à jouer ce rôle de pionnier. C’est elle qui se situe, et de loin, au premier rang dans l’aide publique au développement ; elle peut donc continuer à montrer l’exemple. Elle le peut d’autant mieux qu’elle possède la puissance économique pour le faire, et qu’elle dispose d’une capacité d’entraînement auprès des pays du Sud qui pourra se montrer déterminante. Ce serait l’une des meilleures manières de montrer l’intérêt que pourrait présenter l’Europe pour le monde.

7.- Que faire des ressources dégagées ? Les ressources dégagées permettraient déjà de financer, selon les estimations des Nations unies, l’accès minimum aux services de base (eau, sécurité alimentaire, énergie domestique, éducation, santé) pour tous dans le monde. C’est une première étape vers l’égalité d’accès aux droits fondamentaux, sous le contrôle des populations, qui représente l’alternative au néolibéralisme dans la construction d’un autre monde. D’autres taxes globales sont possibles ; elles sont autant justifiées par la redistribution des richesses que par la nécessaire régulation face aux dérives économiques. Si l’on ajoute à la taxation de l’industrie financière, la nécessaire fiscalité sur les transactions boursières, un impôt sur les bénéfices des transnationales, un impôt mondial sur les grandes fortunes et diverses taxes de nature écologique ou sur les armements, les montants collectés peuvent s’élever à plusieurs centaines de milliards d’euros. Rappelons, pour mémoire, que près de mille milliards d’euros sont consacrés chaque année aux dépenses militaires.

8.- L’interdiction des paradis fiscaux et la lutte contre la criminalité financière Cette architecture ne peut être mise en œuvre que si un préalable est adopté : la criminalité financière doit être combattue et, dès lors, lourdement sanctionnée. Il faut ainsi mettre fin à l’impunité qui règne en la matière faute de lois adaptées ou, quand elles existent, faute de moyens et de volonté pour les faire appliquer. Ainsi les paradis fiscaux, dont l’Union européenne détient quelques fleurons, sont-ils un véritable encouragement et un havre pour l’argent sale. Mais, au delà, le secret bancaire, les pratiques d’évasion fiscale, notamment intra-firmes, sont autant de pratiques condamnables qui font échapper à l’impôt des montants, dix fois supérieurs au moins, à toute l’aide publique mondiale. Avec l’ensemble des Attac, en premier lieu les Attac d’Europe, Attac France fera de ce combat une de ses priorités, au sein du mouvement altermondialiste. A l’agression mondialisée nous répondrons par la défense acharnée des biens communs de l’humanité : santé, éducation, environnement, notamment. Nous démontrerons, par nos résistances et nos propositions, qu’un autre monde est possible, fondé sur le respect des libertés individuelles et collectives, l’égalité d’accès aux droits fondamentaux, la lutte contre toutes les discriminations et les racismes, la préservation des droits des générations futures et la solidarité entre les peuples.

Paris, le 2 juin 2004

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