Pourquoi réguler la création monétaire ?
L’un des sujets de controverses entre économistes, concerne l’effet d’un accroissement (ou d’une diminution) de la masse monétaire [1] en circulation.
Selon les économistes libéraux (notamment ceux qu’on appelle les monétaristes), la monnaie est « neutre », au sens où la modification de la masse monétaire n’aurait pas d’impact sur l’activité économique.
Pour les monétaristes, si une trop grande quantité de monnaie est en circulation, la quantité de monnaie disponible est supérieure à la masse des biens et services que cette monnaie permet de se procurer, cela risque de provoquer une hausse généralisée des prix : l’inflation. Si l’inflation est trop importante, la monnaie perd de sa valeur : avec la même somme, on peut acheter moins de biens et services. Inversement si la quantité de monnaie en circulation est insuffisante, la monnaie devient rare et la quantité de monnaie en circulation ne permet plus aux agents économiques de se procurer les biens et les services dont ils ont besoin. Les prix vont baisser, c’est ce qu’on appelle la déflation.
Dans cette théorie, l’accroissement de la masse monétaire aura pour seul effet d’augmenter l’inflation : les agents économiques disposeront davantage de monnaie, mais le système productif ne pouvant pas, à court terme, s’ajuster à une hausse de la demande, le seul effet sera une augmentation des prix.
Cette logique est celle de la BCE, ce qui explique que ses statuts exigent d’elle qu’elle contrôle l’inflation (aux alentours de 2%) mais pas qu’elle soutienne l’activité économique (comme le fait, par exemple, la FED).
A l’opposé, les économistes dits hétérodoxes (et notamment l’école keynésienne) considèrent que l’accroissement de la masse monétaire n’a pas pour seul effet la hausse des prix. Elle permet aussi d’accroître la demande et donc la production, s’il y a des capacités de production inutilisées et des chômeurs prêts à travailler. Le système productif peut donc répondre à l’augmentation de la demande par une production plus importante plutôt que par une hausse des prix. L’expansion monétaire peut donc stimuler la croissance et l’emploi et, à l’inverse, le freinage de la création monétaire peut aboutir à un recul de l’activité et de l’emploi.
Par quel moyen la banque centrale peut-elle conduire une politique monétaire ?
Lorsqu’une banque accorde un prêt, elle crée de la monnaie qu’elle n’a pas, grâce à une simple écriture comptable (Voir fiche : « Comment la monnaie est-elle créée ? »). Cette monnaie circule ensuite dans notre économie. Le montant et la quantité de crédits accordés vont donc déterminer la taille de la masse monétaire en circulation.
Si une banque à un besoin de financement, à la suite des crédits qu’elle a accordés à ses clients, elle peut se refinancer à la banque centrale, qui lui prêtera moyennant un intérêt dont le taux est appelé taux directeur, qui représente le « prix de l’argent ». Ce taux se répercutera sur les crédits accordés aux particuliers ou aux entreprises :
La banque centrale cherche à limiter la quantité de monnaie en circulation : politique monétaire restrictive | La banque centrale cherche à augmenter la quantité de monnaie en circulation : politique monétaire expansive | ||
1. La banque centrale réduit son offre de liquidité : elle accorde moins de prêts aux banques commerciales et hausse ses taux directeurs. | 1. La banque centrale assouplit son offre de liquidité : elle accorde plus facilement des prêts aux banques commerciales et réduit ses taux directeurs. | ||
2. Il y a moins de monnaie disponible pour le refinancement des banques, qui devient plus coûteux. Les banques se prêtent moins entre elles sur le marché interbancaire et, lorsqu’elles le font, elles demandent un taux d’intérêt plus élevé. | 2. Il y a davantage de monnaie disponible pour le refinancement des banques, qui devient moins coûteux. Les banques acceptent plus facilement de se prêter entre elles sur le marché interbancaire et le font à des taux d’intérêt plus faibles. | ||
3. La hausse des taux d’intérêt est répercutée sur les taux d’intérêt des crédits accordés aux particuliers et aux entreprises qui sont incités à moins emprunter. | 3. Les banques répercutent la baisse des taux d’intérêt des crédits accordés aux particuliers et aux entreprises qui sont incités à emprunter davantage auprès des banques. | ||
4. La hausse des taux d’intérêt dans l’économie conduit à une baisse de la demande de prêt des agents économiques. | 4. La baisse des taux d’intérêt dans l’économie conduit à une hausse de la demande de prêts des agents économiques. | ||
5. L’octroi de crédit aux particuliers et aux entreprises est alors freiné et la demande de biens et services se réduit. | 5. L’octroi de crédit aux particuliers et aux entreprises s’accélère et la demande de biens et services augmente. |
La politique monétaire dite « non conventionnelle »
Après la crise économique de 2008, les instruments dits « conventionnels » de la politique monétaire se sont avérés insuffisants pour stabiliser les économies. Les baisses successives des taux directeurs par les banques centrales s’avéraient sans résultats. En effet, les taux d’intérêts proposés par les banques commerciales restaient trop élevés, en raison d’une perte de confiance des banques commerciales qui craignaient que les prêts accordés ne soient pas remboursés. Elles ne se prêtaient plus entre elles et prêtaient moins aux agents économiques non financiers. L’activité de crédit était bloquée, c’est ce qu’on appelle le « credit crunch ».
Les banques centrales ont alors mobilisé d’autres instruments.
- Le quantitative easing (assouplissement quantitatif) : cette politique consiste, pour les banques centrales, à racheter massivement (en très grande quantité) et de manière répétée des titres de dette privée ou publique (par exemple des bons du trésor* etc.) sur les marchés secondaires (marchés où s’achètent et se vendent des titres déjà émis et que leurs détenteurs souhaitent revendre (voir fiche « Le financement de la dette publique »). Les banques disposent alors de liquidités abondantes (monnaie centrale) à des taux d’intérêt plus bas, ce qui les incitent à faire du crédit, d’autant qu’elles sont assurées que la banque centrale assumera les risques en rachetant leurs créances (dettes).
- Le qualitative easing (ou credit easing, assouplissement qualitatif) : la banque centrale intervient directement auprès des banques commerciales en leur donnant un accès très large aux liquidités (monnaie centrale) sous la forme de prêts à long terme. Elle accepte alors de prendre en garantie des créances plus nombreuses et moins sures, que ce qu’elle accepte habituellement. Afin de permettre un accroissement de la masse monétaire, la banque centrale assouplit ses exigences en acceptant des garanties de « moins bonne qualité ».