Face à la crise, changeons l’Union européenne !

mercredi 8 avril 2009, par Attac France

Alors que les citoyennes et citoyens de l’Union européenne vont être appelés à élire leur parlement, une crise financière, économique, sociale et écologique sans précédent déferle sur le monde. Elle étale au grand jour la faiblesse de l’Union et la responsabilité de ses dirigeants.

LA CRISE DISQUALIFIE LES POLITIQUES ET LES TRAITÉS DE L’UNION

Alors que les citoyennes et citoyens de l’Union européenne vont être appelés à élire leur parlement, une crise financière, économique, sociale et écologique sans précédent déferle sur le monde. Elle étale au grand jour la faiblesse de l’Union et la responsabilité de ses dirigeants. Une autre Europe pourrait, avec ses atouts sociaux, technologiques, éducatifs, diplomatiques, concourir à la résolution des défis du XXIe siècle. Mais, verrouillée dans les principes et les dogmes néolibéraux de ses traités – ceux-là mêmes qui ont précipité le monde dans la crise globale –, l’Union européenne se révèle incapable de faire face à la situation. Ce sont précisément ces politiques libérales menées par l’Union et par les États qu’il convient, plus que jamais, de combattre.

POUR UNE EUROPE DE LA SOLIDARITÉ

Les Attac d’Europe considèrent qu’aucune construction européenne durable ne pourra se faire sans respecter les principes de dignité humaine, de démocratie, de justice économique et sociale, de solidarité, de refus de toute forme de discrimination, de recherche de la paix et d’un développement écologiquement soutenable. Or, la construction européenne actuelle est aux antipodes de ces principes. Elle est fondée, de traité en traité, sur les principes du « marché libre » et de la concurrence « libre et non faussée » entre les systèmes sociaux et fiscaux des pays membres de l’Union. Alors que les droits sociaux – limités – leur restent subordonnés, le droit des affaires et les mouvements des biens, des services et des capitaux jouissent d’une priorité sans entrave. Par conséquent, le dumping salarial et social, la concurrence fiscale, l’abandon des droits du travail sont organisés et se généralisent.

POUR UNE EUROPE DÉMOCRATIQUE

Les Attac d’Europe veulent que les prochaines élections de juin 2009 soient l’occasion d’ouvrir un vaste débat citoyen et de souligner la nécessité d’une refondation du projet européen, d’autant plus urgente au vu de la situation sociale au sein de l’Union et des enjeux écologiques touchant la planète dans son ensemble. Après le rejet par référendum du Traité constitutionnel en France et aux Pays-Bas, les dirigeants européens ont rédigé, quasiment à l’identique, le traité de Lisbonne, que les parlements nationaux ont ratifié sans consulter les peuples. Les Irlandais, seuls autorisés à se prononcer par référendum, l’ont repoussé, mais ils seront contraints de revoter avant la fin de 2009, et cela avec la bénédiction du Parlement européen. Or, le parlement que nous allons élire doit être le garant du respect de l’avis exprimé démocratiquement par les peuples. Ces élections constitueront pour les Attac d’Europe, un moment privilégié pour proposer les bases d’une « autre Europe », démocratique, solidaire et écologique.

 
Le Parlement européen Le Parlement est la seule institution de l’Union européenne qui soit issue du suffrage universel, ses membres étant élus tous les cinq ans depuis 1979. C’est dire l’importance d’un tel vote, et du débat citoyen que la campagne peut créer.Tout en ayant été sensiblement accru d’un traité à l’autre par l’extension de la codécision, le pouvoir du Parlement reste limité. Il est tenu à l’écart de domaines tels que la politique étrangère et de sécurité, la politique monétaire, le contrôle du mouvement des capitaux, les droits de douane. De plus, il ne décide pas de l’impôt et ne dispose pas du droit d’initiative législative, réservé à la Commission européenne à laquelle il ne peut que soumettre des propositions. La politique sociale devrait être selon nous du ressort parlementaire, au niveau national ou européen. Or, ce sont presque toujours les autres instances européennes qui imposent leurs choix, souvent en toute opacité : Commission, Conseil européen, Conseil des ministres, Cour de justice... Le Parlement européen a malgré tout pu limiter les reculs sociaux au moment de la directive « services » (Bolkestein), s’opposer à la directive portuaire ou à l’actuel projet de directive sur le temps de travail, rejeté le 17 décembre 2008.
Ces sursauts salutaires ne peuvent masquer que le Parlement, dans sa majorité actuelle, appuie les politiques néolibérales et antidémocratiques. Ainsi, en février 2008, il a voté contre un amendement proposant de respecter le résultat du référendum irlandais quel qu’il soit. Il a aussi voté plus récemment la directive dite « de la honte » sur la rétention et l’expulsion des immigrants. Si nous sommes favorables à ce que le Parlement européen devienne, dans le cadre d’une définition stricte du principe de subsidiarité, l’instance législative principale s’agissant des compétences européennes, nous demandons que les parlements nationaux soient impliqués dans les décisions européennes, ce qui contribuera à renforcer la séparation des pouvoirs au sein de l’Union et de ses États membres.

 NOS PROPOSITIONS

I. La finance

Mise au pas de la finance Nous refusons que les conditions de vie des peuples soient soumises aux exigences de rentabilité financière des actionnaires et des spéculateurs. Attac exige l’abrogation des clauses interdisant toute restriction au mouvement des capitaux (article 63 du traité de Lisbonne, article 56 du traité de Rome consolidé) et la création d’une taxe sur toutes les transactions financières (de type taxe Tobin). Les fonds spéculatifs qui déstabilisent les marchés doivent être interdits. Nous demandons la création d’un pôle financier public couvrant l’ensemble du secteur bancaire, soumis à un contrôle démocratique en vue de répondre aux besoins économiques, sociaux et environnementaux. À cet égard, la Banque centrale européenne doit être soumise à un contrôle parlementaire, assorti d’un cahier des charges la mettant dans l’obligation de conduire une politique monétaire conforme aux besoins sociaux et supprimant l’interdiction du financement monétaire des dépenses publiques.
Enfin, nous demandons un contrôle des mouvements de capitaux (y compris pour les investissements directs à l’étranger) entre l’Europe et le reste du monde, afin de les soumettre aux finalités sociales et environnementales, ainsi qu’à des objectifs de solidarité internationale. Fermeture immédiate des paradis fiscaux Les juridictions offshore, outre un rôle bien connu dans l’évasion fiscale qui leur a valu l’appellation originale de « paradis fiscaux », sont devenues les plaques tournantes de toutes les opérations financières réalisées hors de la juridiction et du contrôle des États et des autorités financières. Attac demande aux partis politiques, aux gouvernements et à la Commission européenne de faire cesser tout transfert de capitaux de l’Union européenne à travers les paradis fiscaux et d’exiger des banques européennes, comme des entreprises dont le siège est en Europe, qu’elles rapatrient l’ensemble des activités qui échappent actuellement à tout contrôle, ceci dans une perspective de suppression des juridictions offshore d’exception.

II. Face à la crise : une Europe sociale

Des mesures contre la pauvreté Des millions de pauvres, des millions de mal logés... La crise frappe dans un environnement très dégradé. Les Attac d’Europe exigent un revenu garanti permettant à chacune et chacun, quel que soit son pays, une vie décente en accédant au logement, à la santé, à l’éducation et à une alimentation équilibrée. Les droits fondamentaux, tels qu’ils sont repris dans la Convention européenne des droits de l’homme, la Charte sociale européenne et le Code européen de sécurité sociale, doivent être opposables en droit devant tous les tribunaux nationaux et européens. Ils doivent avoir la primauté sur tout autre droit, y compris celui de la concurrence. En particulier, le droit à un emploi doit être garanti.
Justice sociale et harmonisation fiscale Forte baisse de la part des revenus du travail par rapport à ceux du capital dans la répartition de la richesse produite, explosion des inégalités sociales : voilà le bilan de vingt-cinq ans de néolibéralisme. La justice sociale nécessite a minima de rehausser la place du travail dans ce partage. Pour cela, les salaires doivent augmenter ; les très hauts revenus et les grandes fortunes être mis à contribution. L’argent collecté financera la protection sociale : systèmes de santé, retraite, assurance chômage. Il est nécessaire que l’Europe prenne des mesures d’harmonisation fiscale, et ajuste vers le haut l’imposition sur les sociétés.
Une politique de convergence sociale L’Europe impose des critères de convergence pour les politiques économiques limitant les déficits publics. Alors que ces critères volent en éclats sous l’impact de la crise économique, il est nécessaire de mettre en place une convergence sociale pour que l’Union soit un espace de justice et de progrès social : elle doit se doter d’un budget pour combattre la pauvreté. Les fonds structurels doivent être augmentés substantiellement. Ils seront destinés non seulement aux derniers pays entrés, mais aussi au financement de mesures de convergence sociale visant l’amélioration pour tous et toutes, c’est-à-dire s’appuyant sur les droits les plus avantageux existant en Europe. Les Attac d’Europe demandent une convergence vers un salaire minimum, une harmonisation vers le haut des conditions de travail, en particulier la limitation du temps de travail, ce qui implique la refonte de la directive sur le temps de travail.
Contre la discrimination Le traité d’Amsterdam a placé l’égalité entre les hommes et les femmes parmi les objectifs de la l’Union européenne. Mais la volonté politique manque et les déclarations des États ne suffisent pas. Les Attac d’Europe demandent une solution légalement contraignante pour supprimer l’écart de salaire qui atteint aujourd’hui une moyenne de 17,4 % 1. Bien entendu, l’égalité entre les genres ne peut être atteinte sans une politique ferme de lutte contre toutes les formes de discrimination et de violence subies par les femmes.
Des services publics renforcés Les services publics doivent couvrir l’ensemble des besoins fondamentaux : santé, éducation, accueil de la petite enfance, services aux personnes âgées ou dépendantes, justice, logement, transports, énergie, eau, communications. Pour cela, ils doivent être soustraits du droit de la concurrence. Les Attac d’Europe se joignent aux syndicats européens pour demander qu’une directive soit votée qui inclue les services publics dans le droit européen, garantisse le développement durable de leurs missions et les protège contre la marchandisation. Leur maintien, ou leur restauration, financé par l’impôt, est un dispositif essentiel de toute redistribution des richesses. Une politique d’investissement dans le secteur public est nécessaire face à la crise financière et aux évolutions démographiques : il faut permettre à chaque personne âgée de finir sa vie dignement et mettre en place un véritable service public de la petite enfance.

III. Une politique européenne pour limiter les effets de la crise écologique

Une politique énergétique diversifiée L’Union européenne doit se donner les moyens de devenir une zone écologiquement soutenable. Or, les objectifs de réduction de CO2 pour 2020 sont systématiquement revus à la baisse, et ceux de réduction de consommation énergétique demeurent lettre morte. L’Union doit mettre en œuvre des politiques contraignantes pour des choix énergétiques nouveaux : économies d’énergie, priorité aux énergies renouvelables et durables. Les budgets consacrés à la recherche doivent être répartis selon ces priorités, ce qui implique d’abandonner Euratom comme premier pilier de l’Union. L’énergie nucléaire n’est pas une solution pour lutter contre le réchauffement climatique à long terme ; les déchets nucléaires restent un problème non maîtrisé. Enfin, la part des taxes environnementales doit croître, sans pour autant pénaliser les populations les plus pauvres.
Une politique du transport Réduire les émissions de gaz à effet de serre nécessite une politique du transport qui articule les niveaux locaux, nationaux et européen. Les décisions de l’Union restent dominées par la route, alors que les mesures environnementales, dont la réduction des émissions pour les nouvelles voitures, sont sans cesse ajournées sous la pression des industriels. Au lieu de mettre en concurrence les chemins de fers nationaux partiellement privatisés, l’Europe doit développer un réseau ferroviaire public commun et désencombrer l’espace aérien.
Une autre politique agricole Jusqu’à présent, la politique agricole commune (PAC) a presque toujours financé une agriculture intensive hautement industrialisée. Cependant, son démantèlement actuel est tout aussi condamnable, entraînant la mise en concurrence des agricultures du monde, l’instabilité des prix et détruisant l’agriculture paysanne, l’emploi et les ressources naturelles. Une politique agricole et alimentaire européenne doit pouvoir assurer des prix intérieurs stables et un revenu décent pour les paysans. En échange, les volumes de production doivent être maîtrisés et les aides réorientées en priorité vers les pratiques de production écologiques et sociales, les circuits courts et les régions les moins favorisées. Les importations d’aliments transgéniques doivent être interdites, de même que les cultures d’OGM en plein champ (seul est acceptable leur maintien en milieu strictement confiné pour des applications de recherche fondamentale ou pour des usages médicaux). À défaut, les États et les régions doivent pouvoir s’opposer aux importations et aux cultures d’OGM sur leurs sols. L’Union européenne ne saurait les leur imposer. L’article 22 de la directive 2001/18/CE, qui interdit aux États toute limitation de circulation des OGM, doit être abrogé.

IV. Démocratie en Europe

Des institutions démocratiques Les Attac d’Europe demandent la rédaction d’un nouveau texte portant sur les institutions européennes et sur leur fonctionnement, qui se substituera aux précédents traités. Rédigé par une assemblée élue démocratiquement par les citoyennes et les citoyens, et après un débat approfondi dans chacun des pays membres, il sera discuté à chacune de ses étapes par les parlements nationaux. Les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire y seront clairement séparés, et aucun système économique ne sera imposé. Ce texte sera ensuite soumis à référendum le même jour dans tous les États membres. En aucun cas, il ne pourra être imposé à un peuple qui l’aura refusé.
Transparence des lobbies Le pouvoir des lobbies et leur opacité minent le fragile espace démocratique européen par la pression qu’ils exercent sur les décisions politiques. Il est nécessaire de contrôler strictement leurs activités : tous les lobbyistes, et a fortiori les experts appelés à participer aux groupes de travail de la Commission, doivent être identifiés, en même temps que la nature de leur lobbying, le donneur d’ordre qui les supporte et le budget précis attribué à leur activité, le tout dans un registre obligatoire et public. Des règles sont également nécessaires pour supprimer la pratique du « pantouflage », qui permet à des fonctionnaires européens et à d’anciens commissaires de vendre au secteur privé leur expérience et leur carnet d’adresses.
Justice linguistique La diversité linguistique de l’Europe est une richesse importante, qui ne doit pas constituer un obstacle au développement de débats entre nations. Les langues officielles des pays membres doivent toutes avoir le même statut. Dans un souci évident de démocratie et d’égalité entre les citoyens, il est indispensable que l’ensemble des documents officiels soient traduits dans les vingt-trois langues de l’Union.

V. Une politique extérieure équitable

Des échanges commerciaux encadrés Le droit du commerce, y compris au sein de l’Union européenne, doit être subordonné au respect de normes sociales et écologiques. Dans ce sens, l’Union doit s’opposer aux négociations en cours à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – dont l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) – et promouvoir une organisation des échanges profondément renouvelée, basée sur la solidarité, la satisfaction des besoins sociaux et la préservation de l’environnement. L’Union renoncera à imposer aux pays les plus pauvres, au nom d’un libre-échange qui ne profite qu’aux plus forts, des accords de partenariat économique (APE) extrêmement déséquilibrés. À la place, elle défendra le principe de souveraineté alimentaire, qui permet aux populations, au Nord comme au Sud, de définir leurs propres politiques alimentaires et agricoles. Elle cessera les subventions aux exportations alimentaires afin de ne pas détruire les agricultures des pays pauvres. Elle négociera avec ceux-ci des accords de véritable coopération, sans lesquels toute préférence communautaire se révélerait à leur égard aussi préjudiciable que le libre-échange. L’Union européenne favorisera les expériences de commerce équitable menées par les associations et les réseaux de producteurs et de consommateurs dont les actions s’inscrivent dans l’économie solidaire, visant à assurer un prix juste pour les uns et les autres, ainsi qu’à respecter les conditions de travail et l’environnement.
Solidarité internationale L’Union européenne doit mener une politique migratoire respectueuse des droits de l’homme et conforme aux conventions internationales. Ce qui implique d’assurer le droit d’asile, de fermer les centres de rétention, d’abroger la directive « retour » (dite directive de la honte), d’élargir la citoyenneté européenne à tous les résidents et, plus généralement, d’en finir avec la construction de l’Europe forteresse. La dette extérieure de tous les pays pauvres doit être abolie par l’Union européenne et ses États membres, et l’aide au développement portée au moins à 0,7 % du PIB européen, conformément aux engagements pris aux Nations unies. Le récent élargissement des missions militaires sous l’égide de l’UE est en contradiction avec les traités existants et avec une Europe vue comme projet pour la paix. L’UE jouera un rôle actif dans le désarmement mondial et refusera toute utilisation ou production d’armes nucléaires et d’armes de destruction massive, ainsi que l’usage de la torture. Sa politique de défense doit être indépendante de l’OTAN. 30 mars 2009, Attac Allemagne, Attac Autriche, Attac Catalogne, Attac Danemark, Attac Espagne, Attac France, Attac Grèce, Attac Hongrie, Attac Italie, Attac Pologne, Attac Suède, Attac Suisse

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