Contrôle sur le vivant, contrôle sur les vivants

jeudi 26 février 2004, par Attac France, Commission Ogm

Ce document aborde seulement les questions posées par les OGM et qui sont directement en lien avec la mondialisation libérale, l’économie et la démocratie. Les aspects plus techniques sont traités par la Confédération paysanne, le Crii-gen, OGM-Danger, CCC-OGM, inf’OGM, les Amis de la Terre, Greenpeace...
-  5 entreprises contrôlent le marché des organismes génétiquements modifiés (OGM) : Monsanto, DuPont-Pioneer, Syngenta, Dow, Bayer. Même si des firmes comme BASF, Limagrain, Advanta tentent de prendre des positions.
-  4 espèces dominent : le soja, le maïs, le coton, le colza, représentant 98 % des cultures OGM. Viennent ensuite la pomme de terre et la betterave à sucre. Les autres cultures sont marginales. Le blé est la prochaine étape.
-  3 pays concentrent la production : les États-Unis, le Canada, l’Argentine qui totalisent 95 % des surfaces cultivées en OGM à travers le monde. Loin derrière, suivent la Chine, l’Afrique du Sud, l’Australie, le Mexique...
-  2 « avantages » sont exploités pour 99% des OGM : la production d’un insecticide et la tolérance à un herbicide. Cette proportion est constante depuis 1996.
-  1 seul objectif pour les OGM : instaurer le brevet sur le vivant et contrôler le patrimoine génétique pour détenir l’arme alimentaire.
-  0 bénéfice pour le développement durable, pour réduire la faim dans le monde, pour protéger la biodiversité, pour l’indépendance des paysans et des peuples. Cette illustration, apparement réductrice, est pourtant très proche de la réalité. Elle permet de comprendre d’un simple coup d’œil la logique économique de la filière OGM, outil au service de la finance. La recherche sur les OGM ? Parlons-en ! Alors que le vivant est d’une complexité inouïe, la majeure partie de l’effort de recherche porte sur la seule biologie moléculaire (à l’origine de la transgénèse, du clonage, des OGM, de la thérapie génique), où domine une vision réductionniste qui ne tient pas compte de l’interaction de chaque organisme avec son environnement. Par exemple, sur 30 cm d’épaisseur, le sol héberge 80% de la biomasse du globe. La microbiologie en fait l’étude. Mais son remplacement par la biotechnologie, décidé par l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) en 1986, accrédite l’idée que le sol serait une matière inerte que l’on peut gaver d’engrais. D’autres disciplines ont été sinistrées : la botanique, la zoologie, la biologie des populations, la lutte biologique... L’INRA favorise l’embauche de biologistes moléculaires : en 2002, seuls 30 de ses 1750 chercheurs et techniciens travaillent sur l’agriculture biologique [ 1 ]. La recherche de solutions alternatives au développement des OGM est systématiquement négligée, alors que de nombreux exemples, en France et à l’étranger, montrent que l’on peut obtenir des résultats intéressants [ 2 (résistance à la sécheresse, à des maladies, lutte contre les insectes, fertilisation des sols, rendement) par des méthodes autres que les OGM. D’un point de vue social, écologique et économique ces réponses sont avantageuses. Mais elles seraient financièrement catastrophiques pour les multinationales car les paysans ne seraient plus dépendants des produits de ces firmes. La technique au détriment des connaissances Le développement des techniques de manipulation génétique se fait au détriment de notre effort de compréhension du vivant. Alors que les médias insistent sur le fait que certains génomes ont été entièrement séquencés, il n’est jamais dit qu’on connaît, au mieux, la fonctionnalité de 3 % de leur ADN. Pour leurs promoteurs, les OGM reposent sur un schéma mécaniste que l’on résumera pour simplifier à : un gène = une fonction. Or cette équation est fausse [ 3 ] ; le vivant ne peut pas être assimilé à un jeu de mécano ! L’industrie a donc sorti de ses laboratoires des plantes et animaux sans prendre le temps de vérifier s’ils ne comportaient pas de vices cachés... Absence de preuve n’est pas preuve d’absence Depuis les années 1970, les techniques de biologie moléculaire permettent de franchir la barrière des espèces, sans que les risques [ 4 ]pour le vivant soient évalués. S’ils se vérifiaient, les conséquences d’une pollution par les OGM pourraient être irréversibles. Pourtant, depuis dix ans, une dizaine de laboratoires en toxicologie ont été fermés, les chercheurs en activité ont une moyenne d’âge supérieure à 55 ans, sans qu’ils aient les moyens de former une relève. Le seul DEA français de phytopharmacie a été fermé. [ 5 Pour Jean-François Narbonne, « on assiste à une politique visant à l”éradication de toute activité de recherche en toxicologie, en particulier alimentaire ». Par exemple, les crédits alloués à la recherche en biosécurité étaient de 370 000 € de 1989 à 1991, de 300 000 € de 1992 à 1994, de 0 € de 1995 à 1997 [ 6 ]. Si l’ampleur de l’impact des OGM sur l’environnement et la santé est largement inconnu, c’est parce que les rares initiatives entreprises ont le plus souvent été interrompues ou discréditées [ 7 ]. Pilotage par les multinationales Contrairement aux annonces, le budget des établissements publics de recherche baissera de 13 % en euros constants en 2003, et jusqu’à 30 % en 2004 dans certaines disciplines [ 8 ]. Les laboratoires sont incités à passer des contrats de recherche avec les industriels pour boucler leurs budgets. Ils peuvent alors faire pression sur l’affectation des chercheurs salariés par l’État et sur leur liberté d’expression. Le cas du CNRS parle par lui-même : d’après sa direction, 54 % de ses recettes proviennent de contrats de recherches privés. Plus récemment, des incitations fiscales permettent aux entreprises les plus riches de transformer leurs impôts en dons à des fondations dotées de 900 millions d’euros de crédits publics [ 9 ]. Ainsi, la recherche publique est de plus en plus pilotée indirectement par des multinationales, au détriment des intérêts de la population. Les experts se retrouvent donc souvent en situation de conflit d’intérêts lorsqu’ils sont appelés par l’État à donner leur avis. La rentabilité, seule priorité ? La nécessité d’obtenir des retours rapides sur investissement est un obstacle à la recherche fondamentale, qui repose sur le long terme. Elle s’appuie sur le doute et la possibilité de réfuter les résultats quand les investisseurs privés réclament des certitudes brevetées. Sous prétexte de recherche fondamentale, les essais d’OGM en plein champ sont d’abord destinés à remplir un cahier des charges pour obtenir des brevets sur le monde du vivant, et des homologations de mise sur le marché. Jamais les délais n’ont été aussi courts entre une découverte et sa diffusion, alors qu’il est impossible de rappeler un organisme vivant au garage comme on le fait avec une voiture en cas de vice caché. Tous ces facteurs permettent à l’Académie des sciences de prétendre à l’innocuité des OGM et de promouvoir leur dissémination [ 10 . Les récents scandales de l’amiante, de la dioxine, de la vache folle devraient l’inciter à la prudence. Bien qu’elle se soit trompée sur chacun de ces dossiers, elle qualifie les opposants aux OGM agricoles d’obscurantistes et d’écoterroristes décidés à écarter la France [ 11 de la course au progrès. Mais de quel progrès s’agit-il ? pour qui ? pour quoi faire ? Toute avancée technique est-elle nécessairement synonyme de progrès ? La modernité, est-ce considérer qu’à tout problème de société correspond une solution technologique ? Confondre science et techniques conduit à renoncer à tout débat politique, à tout choix démocratique d’un projet de société.  -------------------- La fonction d’alerte du fauchage En France, la dissémination d’OGM dans la nature se faisait dans l’opacité, en l’absence de toute consultation des citoyens, en l’absence également de tout débat scientifique digne de ce nom. Les multinationales et les États ont pour objectif d’imposer cette technologie totalitaire en catimini, grâce au non-dit, à l’omission volontaire et par la stratégie du fait accompli. Le citoyen est privé de son droit le plus élémentaire : participer aux décisions qui engagent son avenir, ainsi que celui des générations futures. Que fallait-il faire devant cette agression caractérisée et les gigantesques moyens déployés ? La désobéissance civile s’est imposée. Avec succès : la dissémination a été ralentie, un moratoire établi. Plus de 700 chercheurs, dont 142 directeurs de recherche, signataires au 6 décembre 2003 de la pétition « Ouvrons la recherche » , estiment que les fauchages ont eu une salutaire fonction d’alerte pour rompre le silence. Ils ont permis d’ouvrir des débats au sein de la communauté scientifique, de la filière agro-alimentaire et sur le devant de la scène médiatique. Mais l’acte de fauchage n’a pas permis d’entrer en dialogue avec toute la population. Si 71 % d’entre nous n’en veulent pas dans leur assiette, il reste à expliquer qu’accepter toute dissémination d’OGM dans la nature, c’est accepter de ne plus avoir d’autre choix que d’en manger. C’est accepter de les voir s’installer définitivement partout dans notre environnement. C’est accepter l’appropriation du vivant par quelques multinationales. Dans l’immédiat, nous devons :
-  faire valoir la force de nos arguments et profiter des arrachages déjà réalisés pour accentuer le dialogue ;
-  obtenir un vaste débat public contradictoire et équitable ; aujourd’hui les semenciers refusent la confrontation publique avec le citoyen ;
-  attribuer des crédits publics pour que des recherches indépendantes et complètes puissent être menées par des équipes pluridisciplinaires ;
-  user de tous les recours administratifs et juridiques ;
-  ne pas laisser les élus adopter des décisions, législations et traités internationaux prescrits par les multinationales.  -------------------- Amalgames et mensonges Ceux qui coupent un maïs OGM capable de produire un médicament pour guérir la mucoviscidose sont des monstres ! C’est le message que les promoteurs des plantes OGM font passer. Ils n’hésitent pas, pour convaincre l’opinion publique de les accepter, à jouer de la détresse des enfants atteints de cette terrible maladie ; jusqu’à inviter leurs parents sur les plateaux télé. Or cette campagne repose sur plusieurs amalgames et mensonges :
-  il n’a jamais été question, pour l’industrie pharmaceutique, de guérir la mucoviscidose ni de créer un médicament pour soulager la souffrance des malades ;
-  ce médicament existe déjà : le Créon, fabriqué à partir de la lipase gastrique extraite du pancréas des porcins. Il est efficace et n’a jamais suscité de problèmes particuliers ;
-  malgré la stérilité des maïs, les risques pour l’environnement sont nombreux : non seulement les plantes ne sont jamais stériles à 100 %, mais d’autres types de pollutions existent : par le sol, le vent, le transport et la manutention. De fait, aucune compagnie d’assurance n’accepte de couvrir les risques provoqués par ces cultures ! Aux États-Unis, des médicaments ont été retrouvés dans la chaîne alimentaire : des agriculteurs ont dû détruire 500 000 boisseaux de soja d’une valeur de 2,7 millions de dollars. Leur récolte a été contaminée par des plants de maïs OGM thérapeutiques cultivés en plein air pour la société Prodigène. Ce type de culture est la dernière étape d’un long processus de pollution mentale. Le seul avantage de ces maïs OGM est de réduire les coûts de production, pour le plus grand profit des actionnaires... Pour la société, vaut-il mieux prendre en charge le coût des conséquences d’une inévitable contamination de l’alimentation ou le remboursement de médicaments un peu plus chers car produits en milieu confiné ?  -------------------- LES PROPOSITIONS D’Attac
-  Interdire les importations d’OGM agricoles en France en ayant recours au Protocole de Carthagène (il s’agit d’un accord international qui permet aux 50 pays signataires l’ayant ratifié à ce jour, dont la France, d’interdire l’importation des OGM pour préserver la biodiversité).
-  Interdire les expérimentations d’OGM en plein champ.
-  Interdire les cultures actuelles d’OGM. 
-  Mettre en place une réglementation rigoureuse sur l’étiquetage des produits contenant des OGM. 
-  Soutenir le boycott des produits contenant des OGM. 
-  Accroître l’effort de recherche pour comprendre le monde du vivant.
-  Considérer les résultats des recherches comme des biens communs inaliénables de l’humanité.
-  Supprimer l’AGCS de l’OMC et développer une recherche plurielle, multidisciplinaire et indépendante, en particulier par rapport aux intérêts des multinationales.
-  En finir avec la prétendue neutralité scientifique et créer un dialogue permanent entre les chercheurs et la société afin de décider les objectifs et priorités des recherches.
-  Interdire tout brevet sur le vivant : supprimer l’Accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC) de l’OMC et abroger la directive européenne 98/44.
-  S’inspirer du régime de propriété intellectuelle « copyleft » pour garantir une juste rémunération de tous les acteurs économiques.
-  Revoir les protocoles d’évaluation des risques, dont certains datent des années 1970 ; évaluer le niveau de risque acceptable en fonction de l’intérêt général avant l’usage d’une nouvelle technologie.
-  Ne plus restreindre ces évaluations aux seuls critères scientifiques ou financiers : le principe de précaution doit être appliqué, le Protocole de Carthagène doit primer sur l’OMC, pour préserver l’environnement, les générations futures et les autres activités humaines.
-  Garantir l’absence de toute augmentation des coûts pour le producteur et le consommateur qui refusent les OGM
-  Garantir l’accès à des produits sans traces d’OGM, et dont aucun ingrédient n’est issu d’OGM ; dénoncer l’accord commercial avec les États-Unis qui empêche l’Europe de produire une alimentation sans OGM pour son bétail.
-  Rompre avec les pratiques de l’agriculture productiviste et de la grande distribution
-  Développer de nouvelles pratiques agricoles pour atteindre l’autonomie alimentaire des populations les plus pauvres et préserver la biodiversité.
-  Etendre la responsabilité civile à l’ensemble de l’environnement et permettre aux victimes de demander réparation à l’auteur du dommage causé par des OGM. 
-  Faire participer les citoyens aux prises de décision, au contrôle de leur mise en œuvre et à leur évaluation. Il est possible de s’inspirer des conférences de citoyens telles que pratiquées au Danemark. Elles ont démontré la capacité des « profanes » à s’approprier un dossier complexe pour donner un avis digne des assemblées politiques ou scientifiques. Tant que toutes ces conditions ne seront pas remplies et que la charge de la preuve de l’innocuité et de l’utilité sociale n’incombera pas à celui qui veut introduire une nouvelle technologie, le moratoire ne doit pas être levé et les OGM doivent rester en milieu confiné.

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