MAJ 04/01/12 : Leurs fausses solutions, nos alternatives ! Rendez-vous le 15 janvier 2012 à l’Espace Reuilly pour la conférence Attac sur la dette .
1. La TVA sociale n’est pas une réponse aux délocalisations
Pour que cela soit le cas, il faudrait que la baisse du coût du travail induite par cette mesure puisse compenser le différentiel salarial existant aujourd’hui avec des pays comme la Chine ou même avec les pays de l’Europe de l’Est. Or il n’en est rien. Le coût du travail est environ cinq fois moins cher en Pologne et sept fois moins cher en Lituanie que dans les pays de l’ancienne Europe des 15 et le ratio avec la Chine est de l’ordre de 30 en moyenne. Au vu de tels écarts, une éventuelle baisse des cotisations patronales serait sans effet. Les délocalisations ne sont certes pas une vue de l’esprit et environ 5 % des emplois supprimés sont dus à ce phénomène. Mais dire qu’une baisse des cotisations patronales et l’instauration d’une TVA « sociale » pourraient y répondre apparaît comme un simple discours de propagande patronale justifiant un partage des richesses produites encore plus favorable aux profits..
2. La TVA sociale va à l’encontre de l’harmonisation européenne
Le basculement des cotisations vers la TVA sociale équivaut à une dévaluation déguisée. Les prix à l’exportation, exonérés de la TVA, pourraient baisser en raison des allégements de cotisations, tandis que les prix des importations, soumises à la TVA, augmenteraient. Cet avantage compétitif dépend du comportement de marge des entreprises exportatrices qui pourraient profiter de l’opération pour augmenter leurs profits. C’est un avantage transitoire, puisque la hausse des prix finira par se transmettre aux prix intérieurs et pèsera en fin de compte sur le pouvoir d’achat des consommateurs. Au-delà, c’est le principe même d’une telle mesure qu’il faut interroger. Jouer ainsi sur les taux de TVA revient à aggraver la concurrence entre les États, particulièrement ceux de la zone euro. Cela s’apparente aux politiques de « dévaluations compétitives » du passé que la création de l’euro avait précisément pour but d’éliminer ! Au lieu donc de promouvoir des politiques de coopération en Europe qui passeraient par l’harmonisation des politiques économiques et la fin du dumping fiscal et social, une telle mesure entraînerait les pays de l’Union européenne dans une course sans fin dont tous sortiraient perdants.
3. La TVA sociale n’est pas favorable à l’emploi
La question n’est pas ici de savoir si une baisse du coût du travail a un effet bénéfique sur l’emploi. En effet, l’instauration d’une TVA sociale ne modifierait qu’à la marge le coût relatif du travail et du capital, parce que la TVA sur les investissements est déductible. A comportement de marge inchangé, les entreprises de main-d’œuvre bénéficieront de la baisse des cotisations, tandis que les entreprises capitalistiques bénéficieront plutôt de la baisse du prix hors taxe des biens d’équipement achetés en France.
4. La TVA sociale implique une perte de pouvoir d’achat
Le scénario le plus vraisemblable est qu’une partie des entreprises utiliseront l’aubaine de la TVA sociale pour augmenter leurs prix et améliorer encore leurs marges. Ce sera d’autant plus facile pour celles qui produisent et distribuent les biens de consommation courante qu’elles sont moins soumises à une pression concurrentielle forte. Le 4 mai 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie, reconnaissait devant le Sénat que « l’État ne contrôlait pas le niveau des prix, et qu’il était donc à craindre qu’une hausse de la TVA, malgré la diminution des charges, ne fut intégrée dans la marge, et donc intégralement répercutée sur le prix de vente, à l’image de ce qui avait déjà été constaté dans la grande distribution ». Cette baisse de pouvoir d’achat frappera davantage les ménages les plus pauvres qui consacrent une plus grande partie de leur budget à des biens de consommation courante. La TVA dite sociale est donc une mesure non seulement anti-sociale mais aussi anti-économique.
5. La TVA sociale gèlerait le financement de la Sécurité sociale
Même si la neutralité de la mesure était à peu près assurée à court terme, la logique d’évolution du système serait profondément modifiée. La réforme servirait à acter le fait que les ressources de la Sécurité sociale sont durablement gelées : si on baisse les cotisations, ce n’est évidemment pas pour les augmenter dans les années à venir. Et le recours à la TVA est un procédé qui ne peut servir qu’une fois. La croissance prévisible des dépenses de Sécurité sociale devra donc être couverte autrement, par recours aux assurances santé ou aux dispositifs de retraites privés, avec un nouveau creusement des inégalités dans la couverture du droit à la santé et à la retraite. En bloquant les moyens de fonctionnement de la Sécurité sociale, on casse la logique de solidarité qui la fonde, au profit d’une marchandisation accrue de la satisfaction des besoins sociaux.
6. Les quatre dangers de la TVA sociale
Les avantages de l’instauration d’une TVA sociale sont finalement aléatoires : pas de nouvelles ressources pour la Sécurité sociale, pas d’effet sur l’emploi et une amélioration provisoire de la compétitivité. En revanche ses risques sont considérables :
la TVA sociale équivaudrait à une politique non coopérative au niveau européen ;
la TVA sociale signifierait une nouvelle baisse de la contribution des entreprises aux financements sociaux, sans aucune contrepartie de leur part en termes de baisse des prix et de création d’emplois ;
la TVA sociale ne serait qu’un expédient anti-social pour financer l’augmentation du déficit budgétaire induite par les cadeaux du « paquet fiscal » aux détenteurs de revenus les plus élevés ;
la TVA sociale irait encore un peu plus à l’encontre du caractère redistributif de l’impôt.
7. Ce que propose Attac
Un financement solidaire de la Sécurité sociale : l’augmentation des besoins de la Sécurité sociale est prévisible, notamment en matière de santé et de retraites. Nous sommes alors devant un choix de société : soit on bloque ces dépenses et l’on s’en remet aux assurances privées, en creusant ainsi les inégalités sociales ; soit on considère que la satisfaction de ces besoins passe par une autre répartition des revenus. C’est pourquoi nous sommes favorables à toutes les mesures qui vont dans ce sens et dégagent de nouvelles ressources : augmentation des cotisations employeurs, modulation-sanction des taux de cotisations, mise à contribution des revenus financiers non investis par extension de l’assiette des cotisations ou taxation directe. Nous sommes donc opposés au principe de « neutralité » qui sous-tend toutes les « réformes » qui considèrent comme une donnée intangible la ponction exercée par les revenus financiers sur les richesses produites. Face au « coût du travail » nous soulignons le « coût » croissant du capital qui exige de plus en plus des rémunérations directes élevées (des taux à deux chiffres) tout en obtenant par la suite d’être de plus en plus largement exonéré du financement des dépenses publiques, au plan, fiscal comme au plan social. A tout ceci nous opposons une logique de transfert : des dividendes vers la Sécurité sociale.
Une harmonisation fiscale en Europe : la concurrence fiscale qui se mène au niveau européen, et dont le projet de TVA sociale n’est qu’un exemple, équivaut à une mise en concurrence des systèmes sociaux et ne peut conduire qu’à leur alignement vers le bas. A cette concurrence, nous opposons un principe général d’harmonisation, notamment de la fiscalité sur le capital. Nous proposons la création d’impôts spécifiques sur les revenus du capital pour alimenter un budget européen élargi qui permettrait d’accompagner un processus d’harmonisation, notamment en direction des nouveaux États-membres. Concernant la TVA, nous proposons la création d’un véritable régime de TVA unifié au niveau européen, assorti d’un mécanisme de compensation.