Mythe no 1 : la nouvelle proposition sur l’arbitrage d’investissement institue une « cour publique » où siégeront des « juges »
La proposition de l’UE pour le TAFTA et le texte de l’accord avec le Canada (CETA) créent uniquement des listes restreintes d’arbitres « freelance » appelés à siéger en cas de différend, et en aucun cas une « cour publique ».
Les « juges » n’en sont pas puisqu’ils ne relèvent pas d’une magistrature indépendante et ne sont pas contraints d’arrêter leurs activités de conseillers juridiques. Les risques de conflits d’intérêts sont bien toujours réels. Le chapitre sur l’investissement du CETA donnera aux multinationales canadiennes et à 41 811 firmes américaines qui ont des filiales au Canada le droit d’attaquer les lois et réglementations françaises.
Un consensus européen se dessine : magistrats, experts et parlementaires de toutes les familles politiques rejettent cette proposition, dont ils estiment qu’elle institutionnalisera l’arbitrage privé dans les accords commerciaux de l’UE.
Mythe no 2 : le modèle agricole français est préservé
65 000 tonnes de viande bovine et 75 000 tonnes de viande de porc canadiennes à travers le CETA entreront à terme en Europe sans droits de douane. Cette libéralisation du commerce agricole va ravager la production de viande française, sans retour en arrière possible : la pression sur les prix accélèrera considérablement l’industrialisation de la production et la disparition des éleveurs.
Mythe no 3 : les normes sanitaires et sociales vont vers le mieux disant
Les chapitres sur les réglementations vont durablement modifier le processus réglementaire européen. Ils créent notamment un organe où les lobbies industriels et financiers trouveront un guichet lorsqu’ils voudront revendiquer l’allégement des règles protégeant le consommateur ou la santé au travail — encore une fois sans retour en arrière possible. Nul besoin de déréglementer dans le texte du traité lui-même, le Forum de coopération réglementaire pourra se saisir ultérieurement des réglementations les plus chères aux citoyens européens : interdiction des OGM, rinçage des viandes, hormones de croissance, législations sur les pesticides ou produits chimiques...
Mythe no 4 : le grand marché transatlantique va permettre à nos PME de se développer
L’alignement à la baisse des normes de production et de qualité des produits font que nombre de nos PME subiront la concurrence des entreprises états-uniennes dont la production est déjà alignée sur des normes au rabais, donc à moindre coût.
Pour celles de nos PME qui auraient les ressources de transformer leur offre et leur système de production, cela ne sera pas sans risque car on ne change pas un savoir faire et une culture d’entreprise d’un claquement de doigts : outre le coût financier -et humain- de tels changements, le temps de latence nécessaire pour amortir ces évolutions manquera dans la plupart des cas.
Pour les survivantes, la libéralisation plus poussée encore des services financiers renforcera la restriction des crédits que leur accordent les banques.
Pour les PME sous-traitantes des transnationales, le risque est si grand que les transnationales délocalisent aux USA certaines de leurs activités, la main d’œuvre y étant moins chère.
L’ouverture des marchés publics qui interdira aux collectivités territoriales de soutenir l’approvisionnement local mettra en très grand danger les PME qui vivent de ces marchés.
Mythe no 5 : le CETA « va promouvoir la croissance au Canada et dans l’Union européenne, et donc consolider l’ensemble de nos économies »
Aucune étude d’impact sérieuse n’augure d’effets positifs significatifs du TAFTA, et encore moins du CETA, sur notre économie et nos territoires. Pour ce dernier, l’évaluation économique conjointe du gouvernement canadien et de la Commission européenne réalisée en 2008 pour justifier l’accord prévoit une gain total de 12 milliards d’euros, soit une hausse dérisoire de 0,08 % du PIB de l’UE [1] . Pour TAFTA, l’étude CEPR (financé pourtant par toutes les plus grandes banques du monde) donne un gain par foyer fiscal de 450 euros annuels soit ... 1,23 euros par jour. Ces études d’impact reposent en outre sur un ensemble d’hypothèses irréalistes et vivement critiquées par de nombreux économistes. Les risques sont en revanche avérés et ces accords éloigneront encore un peu plus la France et l’UE de l’emploi et d’une véritable transition énergétique et d’une relocalisation de l’économie.
Mythe no 6 : « La France sera également très vigilante pour que les accords commerciaux, ne remettent pas en cause, de manière subreptice, les avancées qui ont été décidées lors de la COP 21 »
Les dispositions sur l’environnement du chapitre « Développement Durable » relèvent de la généralité et des bonnes intentions ; aucune n’a la portée légale nécessaire pour primer sur les normes de protection du commerce et de l’investissement.
Les grandes entreprises pourront se saisir de l’arbitrage Investisseur-État pour s’attaquer à toute régulation environnementale ou toute loi sur le climat qui viendrait répondre aux exigences étayées par l’Accord de Paris (COP 21).
Les lobbies industriels pourront, via le processus de coopération réglementaire, remettre en cause « de manière subreptice » ces mêmes lois de lutte contre le changement climatique et édulcorer leur contenu en amont du processus politique.
Le commerce des énergies carbonées (notamment le pétrole brut et bitumineux) est fortement libéralisé.
Mythe no 7 : le Parlement français et les citoyens ne seront pas réduits au silence
Même dans le cas d’un accord mixte, c’est-àdire comportant des dispositions relevant des compétences de l’UE et des États membres ,le CETA pourra être mis en œuvre dès l’approbation du Conseil, sans même l’assentiment nécessaire du Parlement français ! C’est le cas de tous les accords conclus par l’UE et déjà ratifiés à l’instar des accords UE-Corée du Sud, UE-Colombie/Pérou et UE-Ukraine qui étaient mis en application depuis des mois, voire des années, sans qu’aucun débat démocratique n’ait jamais eu lieu. Pire : même en cas de rejet par la représentation nationale de l’un des 28, le chapitre Investissement du CETA continuerait de s’appliquer pendant trois ans. Le débat et le vote du Parlement français interviendront trop tard pour enrayer ces dispositions inacceptables. Il n’existe qu’une façon de garantir la démocratie : refuser le traité et ses modalités d’application lorsqu’ils seront présentés, dans une seule proposition, au Conseil.
Les inquiétudes des parlementaires [2] sont également partagées par de nombreux élus locaux : à ce jour, plus de 650 collectivités territoriales françaises se sont déclarées hors traités transatlantiques [3] , ou en vigilance, et de nouvelles s’expriment chaque semaine. Et les mêmes critiques sont énoncées dans toute l’Europe, par des millions de personnes depuis trois ans, dont au minimum 380 000 Français [4].
Le Collectif Stop TAFTA demande au gouvernement français de refuser la signature du CETA et de plaider officiellement pour la cessation des négociations sur le TAFTA.