Si le travail de décorticage des conséquences qu’aurait l’adoption du TAFTA sur nos conditions de vie est essentiel, tout comme l’apprentissage des processus politiques de négociation et d’adoption des traités commerciaux et d’investissement, nous ne devons pas en oublier la chape qui pèse sur ces négociations : le déni total de démocratie. Déni assumé, argumenté même. Promesses de « lignes rouges qui ne seront pas franchies », prétexte de la nécessité du secret dans des négociations commerciales, de désaccord au sein du Conseil de l’Union européenne (UE) sur la publication du mandat... écartent les citoyen-ne-s de l’information sur des politiques majeures pour leur devenir et celui de la planète. La communication de la Commission pendant le sixième cycle de négociation, en juillet dernier à Bruxelles, est à cet égard édifiante : parmi les pages d’information mises en ligne, nous apprenons que, sur tel ou tel sujet, « des offres ont été faites », « les négociateurs négocient », etc. Fort bien. Nous leur rappellerons donc que nos exigences en matière de démocratie et de transparence sont quelque peu plus élevées, à commencer par la publication des textes négociés.
La capture du pouvoir par les multinationales et par la finance va de pair avec le renoncement de la majorité de nos gouvernants à défendre l’intérêt général. S’il fallait une piqûre de rappel, la Commission européenne nous l’a offerte avec deux nouveaux pieds de nez en ce mois de septembre. Le premier : la publication de règles censées encadrer et améliorer les mécanismes de protection des investissements, alors qu’elle n’a pas encore fini de dépouiller les résultats de sa consultation publique sur le volet investissement des négociations du TAFTA. Annoncée pour novembre, l’analyse des résultats de cette consultation devra pourtant faire face à un constat sans appel : l’expression par près de 150 000 citoyens européens, ONG et syndicats d’un refus total du mécanisme investisseur-État. Le second pied de nez : le refus de la demande de lancer une Initiative citoyenne européenne (ICE) demandant l’abrogation du mandat de négociation du TAFTA et la non-approbation de l’accord UE-Canada. Les arguments avancés par la Commission pour justifier son refus de cette ICE sont juridiques. Nous devrons leur apporter une réponse politique et rendre visible notre détermination à donner notre avis sur le modèle que les élites économiques et financières nous imposent, dont le TAFTA est l’un des instruments.
Les accords de libre-échange ne sont pas des choix simplement techniques, comme on nous le répète à l’envi, ils doivent être l’affaire de tous et de toutes. Cette mobilisation nous ramène à notre « ADN altermondialiste » et nous renvoie à d’autres mobilisations tout aussi indispensables, par exemple celles contre le CETA et le TiSA, plus directement liées au TAFTA, mais aussi contre les accords de partenariat économique (APE) avec les pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique), les accords avec l’Amérique centrale, le Pérou, la Colombie, l’Équateur... La campagne TAFTA nous permet de discuter de nos alternatives au libre-échange, esquissées par exemple dans le texte du mandat commercial alternatif élaboré avec de nombreux parte-naires en Europe et sur les autres continents. Elle nous permet aussi de développer le lien entre l’austérité et la politique extérieure de l’UE, à la recherche d’une compétitivité qui ne vise qu’à exploiter davantage les êtres humains et la nature afin de libérer de nouveaux espaces de profits pour les 1 %.
Enfin, ces campagnes nous rappellent que les collectivités locales peuvent être des alliées de choix pour défendre des modèles plus protecteurs de l’intérêt général. La campagne pour des collectivités hors TAFTA, CETA et TiSA voit des motions adoptées chaque semaine à travers le territoire. La tâche est donc importante : continuer à interpeller les élus locaux, faire signer la pétition « Toutes et tous hors TAFTA », lancée début juillet et qui a déjà rassemblé plus de 30 000 signataires durant la période estivale, mais aussi rendre visibles nos mobilisations et notre solidarité. La date du samedi 11 octobre sera une première étape à ne pas manquer pour faire entendre notre mobilisation à l’échelle européenne, avant une date de mobilisation internationale avec les mouvements outre-atlantique courant 2015. Mais cette tâche ne doit pas nous décourager, car la victoire est possible et les énergies sont nombreuses, comme en ont témoigné les multiples mouvements présents fin août à l’Université d’été des mouvements sociaux, et que nous retrouverons très prochainement dans la rue à nos côtés !
- TAFTA : le projet de partenariat entre l’Union européenne et les États-Unis est appelé : TAFTA (Transatlantic Free Trade Agreement), PTCI (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement), TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) ou encore GMT (Grand marché transatlantique).
- CETA : Comprehensive Economic and Trade Agreement) ou AÉCG (Accord économique et commercial global). Accord entre l’Union européenne et le Canada.
- TiSA : Trade in Services Agreement, ou Accord sur le commerce des services. Il est en cours de négociation entre 50 des plus grandes économies mondiales, dont les membres de l’Union européenne.
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