Depuis les années 90, l’Union européenne (UE) s’est engagée dans une course effrénée aux accords de libre-échange, reflet de son obsession pour la concurrence et la libéralisation économique. Pourtant, les conséquences néfastes de ces accords ont été démontrées sans cesse par Attac et ses alliés. L’UE doit revoir sa copie en matière commerciale pour ne pas laisser l’extrême droite apparaître comme la seule alternative à cette tendance libre-échangiste.
Le mouvement agricole de ces dernières semaines constitue plus qu’un symbole de l’échec de la politique commerciale européenne. Sous prétexte de favoriser le commerce, ces accords sacrifient avant tout l’agriculture européenne sur l’autel du libre marché, servant de monnaie d’échange contre un accès aux marchés étrangers pour les multinationales européennes des services, du BTP ou du secteur automobile. Si les géants du secteur laitier, par exemple, y trouvent leur compte, les éleveurs et petits producteurs locaux sont en général sévèrement touchés.
A force d’entasser des contingents de marchandises produites à un moindre coût, venant des quatre coins de la planète, et pouvant entrer sur le sol européen sans droits de douane, les agriculteurs d’Europe et d’ailleurs sont poussés dans une concurrence débridée qui nivelle leurs conditions de travail et de vie vers le bas. Or l’alimentation n’est pas une marchandise comme une autre et ne devrait pas être soumise aux lois du marché, afin de garantir la souveraineté alimentaire des peuples.
Le néolibéralisme a été la pierre angulaire de la politique économique de l’UE, mais le monde a pourtant changé depuis la chute du bloc soviétique et l’avènement de la mondialisation néolibérale. Malgré la crise climatique, la pandémie de Covid-19 et les nouvelles contraintes géopolitiques, comme la guerre en Ukraine ou la rivalité Chine - États-Unis, l’Union s’est trouvée, jusqu’ici, dans l’incapacité de changer de logiciel.
En effet, la Commission européenne continue de négocier de nouveaux accords de libre-échange : Australie, Inde, Indonésie, Mercosur, Thaïlande. L’UE a ratifié un accord avec la Nouvelle-Zélande, située à plus de 20 000 km, et malgré une étude d’impact, menée de la Commission elle-même, qui avait conclu à son effet négatif sur les émissions de gaz à effet de serre. Le Parlement européen vient, quant à lui, tout juste d’approuver les accords avec le Kenya et le Chili. Ce dernier reflète un caractère géostratégique plus prononcé, le Chili étant un grand producteur de lithium et de cuivre, minerais nécessaires à la soi-disant transition énergétique européenne.
Face aux effets délétères des accords sur la crise climatique, l’environnement ou les conditions de travail, la seule réponse de l’Union a été l’inclusion de chapitres sur le « développement durable », censés, par un tour de passe-passe, réparer les conséquences nuisibles des accords et les atteintes aux droits humains. Non seulement leur efficacité a été plus que discutable dans des accords déjà en vigueur, comme ceux avec la Corée du Sud et le Vietnam, mais cette alternative se situe à des années-lumière de la nécessité d’une relocalisation de certains échanges.
La France, de son coté, milite pour l’inclusion de clauses miroirs, qui imposeraient aux paysans d’autres pays de respecter les normes européennes pour pouvoir exporter vers l’Union. Ces clauses, insuffisantes pour protéger la petite paysannerie à travers le monde, ne remettent pas en cause une économie ultra mondialisée, dont les limites systémiques sont devenues claires depuis la crise de la Covid.
Les élections européennes seront un moyen pour exprimer le refus de ces accords, et de mettre en avant le rejet, à la fois de la mondialisation néolibérale, et des replis nationalistes. Il n’est pas question d’arrêter le commerce mondial mais de mettre en œuvre une politique commerciale qui serait basée sur des partenariats répondant aux besoins des peuples, et non des oligarchies.
Nicolas Roux