En réponse à cette révolte, Emmanuel Macron avait justifié la suppression de l’ISF, prétendant que cette mesure avait permis d’« encourager l’investissement en direction de l’économie réelle, de la recherche, des usines, de la production ». Le « Président des riches » avait promis : « Elle sera évaluée en 2020 et nous regarderons son efficacité. Si elle n’est pas efficace, nous la corrigerons » . Depuis, le Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital a rendu 4 rapports, dont le dernier en octobre 2023, présenté comme le rapport final.
Il est temps de tirer le bilan de la suppression de l’ISF et de rappeler à Macron sa promesse. Celui-ci est sans appel : à rebours de la théorie du ruissellement, aucun effet sur l’investissement ou l’emploi n’a été constaté ! En revanche, il a bien été constaté une hausse spectaculaire de la distribution de dividendes et de réalisations de plus-values et une forte concentration de ces revenus sur les plus aisés, ce qui a fortement contribué à nourrir les inégalités en faveur des plus riches.
Faire payer aux riches leur juste part d’impôt
La suppression de l’ISF a renforcé l’injustice fiscale. Plusieurs travaux ont montré récemment que les plus riches paient en proportion moins d’impôts que le reste de la population. Ainsi, le quatrième rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital note « une forte régressivité du taux d’imposition global une fois passé le seuil des 0,1 % les plus riches, avec un taux global passant de 46 % à ce seuil à 26 % parmi les 0,000 2 % les plus riches ».
Les plus riches ne payent par leur juste part d’impôt : ils profitent de niches fiscales et de décisions favorables comme la suppression de l’ISF, mais aussi le Prélèvement forfaitaire Unique, la baisse de la progressivité de l’impôt sur le revenu, la suppression de la taxe d’habitation, la baisse de l’impôt sur les sociétés... Sans compter leur pratique quasi-systématique de l’évasion fiscale.
S’il faut réduire les inégalités, c’est aussi pour empêcher les riches de détruire la planète. Oxfam vient de publier un rapport estimant que les 1% les plus riches de la planète émettent plus de CO2 que les 66% les plus pauvres. Les émissions des 0,1% les plus riches sont supérieures à celle de 38% de la population mondiale. En cause : leurs consommations de luxe, tels que l’usage de jets privés et de méga-yachts.
De « l’argent magique » pour financer les urgences sociales et écologiques
La suppression de l’ISF coûte un « pognon de dingue » : en 2022, l’IFI a rapporté 1,8 milliard d’euros alors que les recettes de l’ISF auraient du s’élever à 6,3 milliards d’euros. La perte de recettes fiscales liée à la transformation de l’ISF en IFI est donc estimée pour la seule année 2022 à 4,5 milliards d’euros. Ce coût exorbitant doit être mis en parallèle avec la non efficacité de cette mesure sur l’économie réelle.
Demander le retour d’un impôt sur la fortune ne signifie pas demander le retour à l’identique de l’ex-ISF qui présentait de nombreux « trous dans la raquette » avec l’existence de niches fiscales profitant aux plus gros contribuables. Nous proposons d’asseoir l’ISF sur l’ensemble des actifs d’un·e contribuable (immobiliers, mobiliers et financiers), d’élargir son assiette et de renforcer sa progressivité. Ce sont près de 10 milliards d’euros qui pourraient être dégagés grâce à un ISF rénové à l’assiette plus large que l’ancien ISF.
La restauration d’un impôt de solidarité sur la fortune, rénové, permettrait à la fois de réduire les inégalités, de renforcer la justice fiscale et d’empêcher les ultra-riches de détruire la planète. Elle permettrait de dégager des ressources supplémentaires, alors que les besoins sont immenses pour faire face aux urgences sociale et climatique. En d’autres termes, il s’agit d’un impératif de justice sociale, fiscale et climatique !
Raphaël Pradeau
A propos de l’Initiative Citoyenne européenne (ICE) Tax the rich : cette pétition européenne demande à la Commission européenne d’instaurer un impôt européen sur la grande fortune. Cette contribution serait destinée à la lutte contre le changement climatique et à la lutte contre les inégalités. Nous avons jusqu’au 9 octobre 2024 pour récolter 1 million de signatures à l’échelle de l’UE, dont 55 695 en France.