Les Jeux olympiques et paralympiques coûtent cher : selon la note d’étape provisoire, à compléter, de la Cour des Comptes de juin 2025, ceux de Paris 2024 ont coûté 6 milliards d’euros d’argent public pour un dossier de candidature qui en prévoyait 1.3 milliard.
Il en va de même pour les JOP 2030. Le seul budget du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP 2030), qui ne comprend pas les dépenses d’infrastructures ni la mobilisation des services de l’État, a été évalué à près de 2 milliards d’euros dans le dossier de candidature, dont 462 millions de financement public. Ce dernier a été réévalué à 724 millions d’euros, soit 23% des recettes, un montant exceptionnellement élevé.
Ces arbitrages massivement en faveur des JOP se sont faits dès 2025 : ils entrent en conflit avec le financement des services publics, de la lutte contre le réchauffement, la transition des territoires de montagne et la réparation des dégâts causés par les catastrophes naturelles. A ces dépenses publiques il convient de rajouter les financements annuels à destination de l’industrie du ski, les aides aux sponsors, en grandes parties entreprises étatiques, semi-étatiques ou entreprises bénéficiant de financements publics ou d’exonérations fiscales.
Les dérapages budgétaires s’expliquent également par le modèle économique très rentable mis en place par le Comité international olympique, association suisse « à but non lucratif » brassant des milliards d’euros. Et qui depuis les années 1980 impose aux pays hôtes de nombreuses conditions : garantie des emprunts nécessaires à la livraison des jeux, financement du déficit du COJOP, exonérations fiscales, mise à disposition des services publics à titre gratuit, remboursement des rétrocessions au titre des contrats TV et de sponsors...
Des soupçons de conflits d’intérêt
Le modèle du CIO favorise par ailleurs les situations de conflits d’intérêt, de favoritisme, de prises illégales d’intérêt voire de corruption concernant les porteurs du projet ou les sponsors. Ainsi Michel Barnier a-t-il signé les garanties financières au profit du CIO en étant Premier ministre et membre de la commission héritage et durabilité du CIO. Juste avant sa démission, sur l’insistance du CIO, il enjoint les inspections des finances, de l’environnement et de l’éducation et des sports d’accélérer le processus des JOP. Il est, quelques jours après sa démission, missionné par le CIO pour accélérer le projet puis désigné conseiller spécial auprès du COJOP.
Des soupçons de conflit ou de prise illégale d’intérêt pèsent par ailleurs sur Laurent Wauquier et Christian Estrosi, du fait de leurs liens avec des entreprises et acteurs bénéficiant de contrats dans le cadre des JOP. Des soupçons de favoritisme pèsent également sur LVMH et ArcelorMittal dont le soutien financier lors des JOP 2024 a été récompensé par l’obtention de contrats pour ces mêmes jeux.
La gabegie programmée des JOP 2030, au profit de grandes entreprises et du CIO, impactera lourdement les finances publiques. A l’instar des cadeaux fiscaux aux ultra-riches, qui on fait exploser la dette publique sous les présidences d’Emmanuel Macron, ces dépenses injustifiées seront payées au prix fort par les classes moyennes et populaires frappées de plein fouet par les politiques d’austérité.
A noter qu’au même moment où la France se voyait attribuer les JOP 2030, elle faisait l’objet d’une nouvelle procédure de la Commission Européenne pour déficit excessif.
La démocratie piétinée
Le déni démocratique commence par l’opacité qui règne sur les JOP : le refus d’informer sur le projet s’applique aux citoyen
nes mais aussi aux élu es, député es et conseiller es des régions Auvergne-Rhône-Alpes (AURA) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), qui se voient illégalement refuser l’accès aux informations et documents.Pourtant l’ampleur du budget et l’impact environnemental du projet JOP 2030 impose de le soumettre à une procédure d’information et de consultation du public, « le plus tôt possible et tant que des alternatives sont envisageables [1] ». Les promoteurs des JOP 2030 voudraient se soustraire à ces obligations.
Cette opacité organisée a même été un argument de la France dans le processus d’attribution. Candidates aux jeux, la Suède souhaitait réexaminer les garanties imposées par le CIO, la Suisse prévoyait une votation citoyenne. La France a été le seul pays retenu car prêt à signer un chèque en blanc et à garantir la non-consultation.
Le projet des JOP s’inscrit par ailleurs dans un cadre juridique d’exception dans le cadre de la loi olympique qui prévoit de durcir les restrictions aux libertés publiques et met en place le fléchage de budget au profit du CIO et de quelques opérateurs, tout cela sans débat... De même le contrat hôte, signé par les présidents de régions en l’absence de délibération spéciale, est un contrat léonin qui prévoit le recours exclusif au Tribunal Arbitral du Sport en cas de litige.
Un projet socialement et écologiquement destructeur
Les porteurs du projet communiquent sur des JOP verts, respectueux de l’environnement et du climat… Mais leurs éléments de langage sont en contradiction avec la réalité de l’organisation d’un tel méga-évènement, qu’il s’agisse de la surconsommation d’énergie, de ressources et d’espaces naturels - les jeux s’étalent de Nice au Grand Bornand multipliant les infrastructures dont notamment la patinoire de Nice à construire alors qu’il existe plusieurs patinoires olympiques dans les régions concernées.
Les JOP seront également synonymes de surconsommation d’eau en conflit d’usage avec les populations locales, l’agriculture, l’élevage, les autres activités économiques ; et le transport des sportifs, organisateurs, spectateurs dans un rayon de plus de 600 km va participer au réchauffement climatique, aux phénomènes climatiques extrêmes et catastrophes naturelles dont la fréquence s’accélère (La Bérarde, Blatten).
Comme pour les JOP de Paris, les habitant
es seront directement impactés : nous assisterons à la dégradation de leur qualité de vie, de leur environnement écologique et social ; au transfert massif de populations précarisées et de migrants ; à la surveillance de masse par des milliers d’agents mobilisés, par des caméras de vidéosurveillance et drones assistés par des intelligences artificielles pour détecter « tout comportement suspect ».La spéculation immobilière aggravera durablement l’accès au logement. Les résidences secondaires représentent dans les Hautes Alpes 45% des logements ! La pénurie de logements sociaux est aggravée par le processus de reventes, démolitions, privatisations, montée en gamme des logements de l’Office Public de l’Habitat (OPH) aboutissant à une gentrification, privant les personnes à bas revenu et les saisonniers de logement décent : les loyers et les charges locatives explosent, notamment au niveau du coût de l’électricité.
Mais peu importe les travers sociaux, environnementaux, le coût faramineux du projet : les JOP 2030 sont un projet éminemment politique et ses instigateurs sont déterminés à l’imposer, à grand renfort de post-vérité, de « narratifs » et de soutien médiatique. Face à ces Jeux organisés « quoi qu’il en coûte », la mobilisation citoyenne est nécessaire !
François Beaurepaire et Delphine Larat du Collectif citoyen JOP2030