« Le combat altermondialiste est plus que jamais d’actualité »

vendredi 6 octobre 2023, par Fréderic Lemaire, Susan George

Entretien avec Susan George, écrivaine, présidente d’honneur d’Attac France [1].

Comment Attac a-t-elle été fondée ?

En décembre 1997, Ignacio Ramonet écrit un éditorial dans Le Monde diplomatique qui appelait à « désarmer les marchés financiers ». Une grave crise financière secouait l’Asie. Cet appel a eu un retentissement important et a conduit à la fondation d’Attac. Bernard Cassen m’a alors proposé de faire partie des fondateurs de l’association. Lors de la première réunion, des personnes de tous horizons étaient réunies autour de la table, issues de syndicats, d’associations, de journaux de gauche…

Quel rôle a joué Attac ?

De nombreuses forces se mobilisaient déjà contre les ravages de la mondialisation néolibérale. Attac a permis de rassembler ces forces sous une seule bannière. Le principe était de mettre en avant, dans le débat public, des propositions alternatives mais pragmatiques, appuyées par une expertise pointue et une maîtrise des dossiers. Ce fut le cas de la taxe sur les transactions financières, sur laquelle Attac s’est concentrée initialement. Il s’agissait également de faire un travail sur les mots, de produire nos propres mots, des mots qui puissent frapper les imaginaires, comme c’est le cas du terme « altermondialisme » qui a eu un retentissement important.

L’altermondialisme, c’est toujours un terme d’actualité ?

Je le crois. A l’origine du mouvement altermondialiste, il y a cette volonté d’organiser la résistance, à une échelle mondiale, contre le pouvoir des multinationales qui s’organisent pour faire la loi et imposer leur loi aux États. La situation politique et géopolitique a bien évolué. La montée en puissance du libertarianisme est responsable du Brexit, de Trump et de courants politiques néfastes dans bien des pays d’Europe. Mais les multinationales s’accommodent tout à fait de cette nouvelle donne. Le combat altermondialiste est donc plus que jamais d’actualité même si pour ma part, j’ai souhaité passer le relai il y a quelques années.

Y a-t-il une victoire qui t’a particulièrement marqué ?

Je pense à une mobilisation qui précède de peu la fondation d’Attac. En 1997, nous avions, avec l’Observatoire de la mondialisation, réussi à nous procurer le texte de l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI). Cet accord, négocié sous la supervision du Fonds monétaire international (FMI) et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), devait permettre aux multinationales de poursuivre les gouvernements devant des tribunaux d’arbitrage privés. Ce texte représentait une menace considérable sur les politiques de santé publique, d’environnement, d’éducation ou de développement.

Appuyée par une analyse fouillée des textes, une mobilisation citoyenne d’ampleur nationale et internationale a vu le jour, à laquelle ont participé des associations, des élus, des syndicats, le monde du cinéma… Les négociations de l’AMI s’étaient faites en secret et nous avions alors pour slogan « Dracula n’aime pas la lumière », un slogan inventé par Lori Wallach de l’ONG nord-américaine Public Citizen. La France s’est finalement retirée des négociations et le projet a été abandonné. Cette mobilisation a préfiguré l’arc de forces qui a contribué à la fondation d’Attac.

Et par la suite ?

Il y a d’autres mobilisations victorieuses qui ont suivi, comme celle contre l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) et celle contre le Traité constitutionnel européen (TCE) de 2005. Une campagne extraordinaire au terme de laquelle je me souviens que nous avions réuni 5 000 personnes au Palais des congrès de Toulouse et 5 000 de plus qui étaient restées à l’extérieur ! Mais nos adversaires sont tenaces. On l’a vu avec TCE ou les nouveaux accords d’investissement, des dispositions sorties par la porte risquent toujours de revenir par la fenêtre. La lutte est toujours à poursuivre et à réinventer.

Quel regard portes-tu sur l’évolution d’Attac ?

De nombreux jeunes se mobilisent Attac, ce qui me réjouit. Les actions spectaculaires menées contre des multinationales comme BNP, Apple ou Total sont très efficaces. Je le dis depuis longtemps, on peut faire beaucoup sans être très nombreux. C’est aussi important de mettre du fun dans l’action politique, malgré tout le sérieux des enjeux. Et les enjeux sont considérables ! Il faut remettre l’environnement et le climat au sommet des préoccupations et remettre la finance à sa place, comme un outil au service de l’économie et des besoins humains. Attac doit jouer tout son rôle dans ce combat.

Propos recueillis par Frédéric Lemaire

Notes

[1Susan George a publié de nombreux livres dont Comment meurt l’autre moitié du monde (Robert Laffon, 1978), Le Rapport Lugano (Fayard, 2000), Un Autre Monde est possible si… (Fayard, 2004), Nous, peuples d’Europe (Fayard, 2005), La pensée enchaînée (Fayard, 2007), Leurs crises, nos solutions (Albin Michel, 2010), Les Usurpateurs (Le Seuil, 2014).

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