Le discours est bien rôdé : les grands groupes français dégagent certes des profits considérables, mais ils contribuent au bien commun en payant impôts et cotisations. Comme toutes les entreprises établies en France, ils sont assujettis à différents prélèvements : impôts sur les sociétés, impôts locaux (la cotisation foncière des entreprises), sociaux (la contribution sociale des entreprises) et cotisations sociales. Donc la collectivité s’y retrouve au final. Fermez le ban.
En réalité, l’affaire est bien plus complexe. Deux raisons principales à cela : d’abord, les grands groupes bénéficient des nombreux cadeaux fiscaux octroyés par les gouvernements français successifs depuis des décennies et « optimisent » leur fiscalité. Les multinationales françaises ont été les grandes gagnantes des politiques fiscales accommodantes de ces dernières décennies, étant en mesure de profiter des différentes niches fiscales et des possibilités de déductions pour diminuer leur impôt. Cela alimente une dynamique d’injustice fiscale : en France, les grandes entreprises ont un taux d’imposition inférieur à celui des PME. Qui plus est, ce taux est calculé sur ce qui est déclaré en France, hors profits logés artificiellement dans d’autres territoires.
Par ailleurs, les grands groupes peuvent exploiter la dimension internationale de leur activité pour déclarer un minimum de revenus en France. Les paradis fiscaux d’Europe semblent avoir la préférence des entreprises du CAC40 : 76 % de leurs filiales, soit plus de 1100 entités, y sont implantées, principalement aux Pays-Bas (319 filiales), en Belgique (232) et au Luxembourg (167). Plusieurs groupes cotés à la bourse de Paris ont désormais leur siège dans tels territoires, comme ArcelorMittal (Luxembourg), STMicro (Suisse) ou Stellantis et Airbus (Pays-Bas).
Le cas de LVMH est tout aussi emblématique : 27% des filiales de LVMH se situent dans des paradis fiscaux, le plus fort taux du CAC 40 ! Le récent scandale « #OpenLux » a ainsi montré que le groupe de luxe détient 24 filiales au Luxembourg, la deuxième entreprise française la plus présente dans le pays après BNP Paribas. C’est aussi le cas des banques françaises : si BNP Paribas reste la banque française la plus implantée dans les paradis fiscaux, avec 198 filiales en 2017, Société générale réussit tout de même l’exploit de déclarer en Irlande un profit supérieur à son chiffre d’affaires.
Les multinationales françaises sont ainsi loin de contribuer au bien commun à hauteur des bénéfices considérables qu’elles dégagent !
Ophélie Gath et Vincent Drezet